Imaginez que votre cœur se mette soudainement à battre la chamade. Sans raison particulière. Impossible de le ramener à un rythme normal. Vous avez le souffle court. Les extrémités de vos doigts sont engourdies. Vous êtes convaincu de faire une crise cardiaque. Imaginez maintenant être prisonnier de cet état pendant des heures et des heures.
Un texte de Marie Bernier – Dossier Santé mentale
Voilà comment Joanie décrit l’attaque de panique qu’elle a vécue il y a trois ans. La dynamique trentenaire, aujourd’hui à la tête des magazines Elle Québec et Véro, vivait à l’époque une période particulièrement intense sur le plan professionnel.
« Je travaillais sur quatre projets en même temps, j’avais beaucoup de responsabilités, raconte-t-elle dans sa cuisine ensoleillée, son chat Maggie se prélassant sur un comptoir. J’ai toujours été une personne stressée, mais là, pour la première fois, ç’a éclaté. » Ce soir d’automne 2017, à peine arrivée chez sa mère pour un banal souper de famille, elle commence à se sentir mal. Très mal. Au point où une amie doit la ramener chez elle.
« Quelque chose s’est brisé à l’intérieur de moi, se rappelle-t-elle. Ça m’a pris trois jours pour m’en remettre, comme si j’avais couru un marathon. Et après, je n’arrivais plus à vivre normalement, j’étais incapable d’avoir des pensées raisonnables. Je vivais dans la peur de refaire une attaque de panique. J’avais peur d’avoir peur. »
Troubles anxieux, troubles répandus
La Montréalaise prend rapidement rendez-vous avec un psychologue. Diagnostic : trouble d’anxiété généralisée. Un TAG, pour les intimes. Et ces derniers sont nombreux. En effet, les troubles anxieux constitueraient les troubles de santé mentale les plus communs. En 2013, trois millions de Canadiens de plus de 18 ans – soit 11,6% de la population adulte – ont déclaré vivre avec un trouble anxieux ou de l’humeur, selon Statistique Canada.
Et avec la pandémie de COVID-19, les niveaux d’anxiété ont carrément explosé : un Québécois sur cinq – voire un sur quatre en zone urbaine – a déclaré en septembre 2020 avoir souffert de symptômes anxieux ou dépressifs dans les deux semaines précédentes, selon une étude de l’Université de Sherbrooke.
Le point de bascule
Or, en soi, l’anxiété est loin d’être problématique, souligne Nayla Awada, psychologue spécialisée en troubles anxieux. Au contraire.
« À la base, l’anxiété est une émotion tout à fait normale, affirme-t-elle. Comme toutes les émotions, elle a une fonction très utile, qui est de nous indiquer quand quelque chose cloche. Si une voiture fonce sur nous, il est important de ressentir cette peur pour pouvoir réagir. Quand on y pense, c’est crucial pour la survie. »
Dans un autre ordre d’idées, poursuit-elle, l’anxiété sert aussi de moteur, par exemple pour se motiver à étudier avant un examen. « Sans ce stress, on serait plus apathique. »
Mais à quel degré l’anxiété devient-elle pathologique ? « Il y a deux critères à considérer pour poser un diagnostic de trouble anxieux, explique la Dre Awada. L’anxiété doit affecter le fonctionnement de la personne. Et cette situation doit être source de détresse pour elle. »
On peut penser à une personne incapable de prendre les transports en commun sans éprouver un malaise, un cas classique d’agoraphobie. Cette phobie des foules fait partie de la famille des troubles anxieux, dans laquelle on compte aussi le TAG, le trouble de stress post-traumatique, le trouble obsessionnel-compulsif, le trouble panique, l’anxiété sociale et la phobie spécifique.
Quand Lili panique
Mais pour plusieurs jeunes Québécois, l’anxiété a tout simplement le visage de Lili, personnage de la populaire émission Le chalet. Julianne Côté, qui l’a incarnée pendant 5 ans, avait à cœur de présenter l’anxiété de façon réaliste. Et pour cause : la comédienne est elle-même sujette à des attaques de panique.
« Le plus vertigineux avec l’anxiété, estime-t-elle, c’est qu’elle n’a pas toujours de cause précise. » Sa dernière crise de panique, relate Julianne Côté, est ainsi survenue dans un contexte tout ce qu’il y a de plus paisible : une promenade en auto avec son amoureux, pendant les vacances. La crise a été d’une telle force qu’elle avait l’impression que sa bouche et ses mains étaient paralysées.
« Si je n’avais pas moi-même vécu des crises, j’aurais pu penser que mon interprétation de Lili était ridicule, clownesque. J’étais rassurée de savoir que j’avais le bon barème. Parce que oui, ça peut être aussi intense que ça. »
Cette anxiété, la comédienne l’associe à la fois au décès de sa mère alors qu’elle avait trois ans, et à ce métier qu’elle adore, mais qui comporte son lot de stress. Tourner les scènes d’attaques de panique de Lili s’est d’ailleurs révélé exigeant. « La mémoire du corps est très forte, remarque-t-elle. Il m’est arrivé de jouer une crise et d’en vivre une en même temps. Après, j’avais besoin de me reposer cinq minutes, mais toute l’équipe était hyper bienveillante. »
Affronter ses peurs
Il n’y a pas de secret : pour traiter un trouble anxieux, « il faut s’exposer à ce qu’on évite », affirme la Dre Awada. En nous poussant à amorcer une conversation, par exemple, si la chose nous angoisse. « Affronter ses peurs, c’est un concept que la plupart des gens comprennent. Plusieurs vont le faire par eux-mêmes. Mais s’ils n’arrivent plus à progresser, il ne faut pas hésiter à consulter. » La psychothérapie, combinée à la médication, donne habituellement de très bons résultats, souligne-t-elle.
Pour Joanie Pietracupa, c’est en tout cas une formule qui s’est avérée bénéfique. « Et aussi cucul que ça paraisse, les applications de méditation m’aident énormément, dit-elle en rigolant. Ça me force à me recentrer sur le moment présent et ne pas toujours penser au pire scénario. »
Quant à Julianne Côté, en plus d’avoir longtemps consulté, elle s’est découvert un allié plutôt inusité. « C’est un petit placebo qui me fait du bien, pouffe-t-elle. Mon médecin m’a déjà dit que certains sportifs prenaient de la moutarde jaune avant un match important parce que ça aide contre les crampes musculaires. Comme mes crises de panique se manifestent souvent au niveau des muscles, je traine de petits sachets de moutarde dans mes poches. C’est peut-être seulement dans ma tête, mais ça m’a aidée plusieurs fois! »
Être transparente quant à son état fait aussi toute la différence. « La honte a laissé place à l’acceptation et à l’envie d’en parler, soutient Julianne Côté. Ce n’est pas trippant à vivre, mais ça fait partie de moi et je suis fière d’où j’ai pu me rendre, avec les outils que j’ai pu trouver. »
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