Apprendre autrement : Les écoles alternatives au Québec

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Par Colin McGregor

Dossier Éducation

L’école traditionnelle, avec ses bancs d’école et sa discipline rigide, n’est pas pour tout le monde. Certains élèves apprennent mieux dans un environnement plus libre et moins structuré. En donnant aux élèves plus d’indépendance et d’espace pour apprendre, une école alternative aide les élèves à développer de meilleures habitudes d’étude, tout en leur offrant un espace pour grandir.

On compte maintenant 48 écoles alternatives publiques au Québec, rassemblées sous la bannière du Réseau des écoles publiques alternatives du Québec (REPAQ), dont la grande majorité sont des écoles primaires. Mais qu’est-ce qu’une « école alternative » ? Est-ce une école hippie sans discipline où les jeunes peuvent faire ce qu’ils veulent ?

« Le terme alternative, quand il est collé aux écoles, avait pour but de créer une communauté, le même usage lorsqu’employé dans la médecine et dans l’économie. Les enseignants et les parents sont des accompagnateurs. Le plus important, c’est de développer l’autonomie et le goût d’apprendre de l’élève, » dit Pierre Chénier, porte-parole pour le REPAQ. Il explique, « Le paradigme n’est pas la transmission des savoirs, c’est l’apprentissage au rythme de l’élève… on fait des voyages ensemble, des projets. »

De plus, les écoles alternatives ne font pas le tri de leurs élèves, contrairement aux écoles à programmes alternatifs telles que les écoles d’art et les écoles de sport.

L’évaluation est multipartite, continue et rigoureuse, puis elle vise à soutenir l’apprentissage; un processus qui implique l’élève, les pairs, les enseignants, les parents et les autres intervenants d’une école publique alternative.

Créer son école

Comment établir une école alternative dans un quartier ? Ça prend l’effort des parents, qui font une demande à leur Centre de service scolaire. En moyenne, ça prend deux ans pour qu’un tel effort porte fruit. Actuellement, il y aurait 20 projets en cours à travers la province. « Bâtir à partir d’un besoin, » est le principe, comme Chénier le raconte.

Et les écoles alternatives ont eu une influence sur l’éducation dans des écoles plus traditionnelles, selon Chénier. Il rappelle que Pauline Marois, ministre de l’éducation pendant la « réforme Marois » en 1997, a dit que ces changements ont été « inspirés largement de vous » en parlant des écoles alternatives.

L’école alternative offre aux enfants des outils afin de les guider vers l’autonomie, la responsabilité et l’engagement dans leur réussite scolaire et sociale. L’école alternative guide chaque enfant pour atteindre les objectifs du programme du Ministère, mais en les abordant différemment.

L’approche pédagogique diffère d’une école alternative à l’autre, chacune ayant sa propre personnalité. Elles ont en commun de favoriser ce qu’on appelle une pédagogie ouverte, qui privilégie la responsabilisation de l’élève dans sa démarche d’apprentissage et le développement de son autonomie. Par ailleurs, les parents participent aux réflexions, décisions et actions de l’école alternative.

Une école dans le bois

Une école dans le petit village de Saint-Mathieu-du-Parc, 15 kilomètres à l’ouest de Shawinigan, en plein milieu de la forêt de la Mauricie, est un leader sur l’échelle provinciale. Le village compte parmi ses attraits un paysage magnifique et un environnement unique comptant plus de 80 lacs, de nombreuses forêts et des montagnes – ainsi qu’une école primaire et secondaire créée par des citoyens.

En 2004, l’école du village de Saint-Mathieu-du-Parc ferme ses portes, faute d’un nombre insuffisant d’élèves. Les enfants furent donc dirigés vers le village voisin. Un groupe de parents a décidé de former un comité responsable de présenter un projet à la Commission scolaire de l’Énergie (aujourd’hui le Centre de services scolaires de l’Énergie). Comme cette dernière n’avait aucune école alternative sur son territoire, cette avenue fut donc privilégiée. Un an après sa fermeture, l’école accueillait à nouveau des enfants du village et des alentours.

​Lors de sa première année, l’école comptait 63 élèves. Lors de sa réouverture, l’école portait toujours le nom d’école Centrale de Saint-Mathieu-du-Parc. Pendant l’année scolaire, un concours a été organisé afin de trouver un nom qui représente mieux leur identité. C’est Marie-Soleil Boisvert, élève de deuxième année, qui a trouvé le nouveau nom : École alternative de la Tortue-des-Bois. Elle a eu cette idée, car le village héberge une des plus grandes populations de tortues des bois au Canada, une espèce en péril.

Aujourd’hui elle compte 86 élèves de la maternelle jusqu’à la 6e année. Leur école-sœur à Shawinigan, l’École alternative de l’Énergie, compte 120 élèves de la maternelle jusqu’à la 6e année et 20 élèves de plus en secondaire 1. Ils vont agrandir l’école année par année jusqu’à qu’ils atteignent 125 élèves au secondaire.

Stéphane Robitaille est le directeur dynamique d’une école pas comme les autres depuis son ouverture, ainsi que directeur de l’école alternative de l’Énergie à Shawinigan depuis son ouverture en 2017. « C’est la famille, » il nous explique. « La famille au cœur d’une école. »

Apprentissages concrets

Marlène Bonneville, qui a deux enfants inscrits à l’École de l’Énergie, parle du fait qu’il y a « des apprentissages actifs et concrets » dans une école alternative. « C’est sûr que ce que je voulais le plus pour mes enfants au primaire, c’était qu’ils aiment aller à l’école, qu’ils aiment apprendre, qu’ils prennent goût à aller à l’école. Donc, je trouvais que l’école alternative mettait beaucoup en l’avant les apprentissages actifs. »

De plus, elle aime que « le parent soit impliqué, qu’on puisse avoir une belle cohésion entre ce qui s’est passé à l’école et ce qui s’est passé à la maison. »

En effet, les parents sont obligés de consacrer un certain nombre d’heures en aidant leurs enfants à apprendre au fil de l’année scolaire. « Il y en a certains qui donnent beaucoup plus qu’ils sont obligés » dit M. Robitaille – comme Mme Bonneville.

Posant la question à Robitaille et Bonneville à savoir s’il serait plus difficile d’établir et de maintenir une école alternative à la campagne par rapport à dans une grande ville, ni l’un ni l’autre croyait que les enjeux seraient différents. L’important, c’est que les familles établissent cette communauté et pratiquent l’entraide. C’est un travail d’équipe. « Ça prend un village pour élever un enfant, » dit Bonneville.

Une affaire de région

Les élèves des deux écoles viennent des villes et villages un peu partout dans la région.
Charlie, une élève de 5e année à l’École de l’Énergie, aime bien son école. Elle participe à « un projet agro-alimentaire », à travers lequel elle s’occupe d’un jardin.

La classe de Charlie a « récolté du blé et de l’avoine, puis on a fait du pain avec ». Après, ils ont mis des feuilles mortes et de la terre pour conserver leur jardin. « On a des bacs de recyclage et des compostages, » nous raconte-t-elle. Le projet du jardin va pouvoir continuer l’année suivante.

Rémi, élève de 5e, nous informe que sa classe fait « un art collectif avec leurs parents et grands-parents. » Ils travaillent avec un artiste de la région, un membre de la communauté, nous dit Nakiel, en 6e année. « C’est avec lui qu’on fait de l’art. On aime que les parents voient ce qu’on fait. »

« Parfois, nous rencontrons de petits défis, ou nous faisons quelque chose de croche. Nous sommes là, ainsi que les parents, pour se redresser. C’est en faisant des erreurs que nous apprenons, » partage Robitaille.

« On peut faire beaucoup de choses, beaucoup de projets sur des sujets qui nous intéressent, des projets qu’on veut faire. C’est moins strict, il y a plus de liberté sur les projets qu’on peut faire. »

Et il y a des projets personnels, comme Charlie le décrit : « Tout au long de l’année, tu peux décider de faire un projet, comme créer un robot, aller quelque part ou faire une activité. » Comme explique le directeur Robitaille : « C’est entièrement conçu par l’élève, accompagné d’adultes, mais c’est l’élève qui décide de l’idée, avec les parents et on l’accompagne jusqu’au bout. »

L’année passée, Rémi a fait un livre qu’il a bien aimé écrire, Charlie a vendu des galettes, l’argent qu’elle a ramassé, elle l’a donné à une association pour aider des enfants malades. Cette année, Nakiel, qui est intéressé par la robotique, va imprimer des figurines avec son imprimante 3D qu’il va vendre à l’école. « Parfois, les projets ne fonctionnent pas, puis on en trouve un autre », explique Charlie. Les projets peuvent être modifiés à mi-chemin.

La matière préférée de Nakiel et de Charlie est le français; pour Rémi, c’est l’écriture. Trois journalistes en herbe !

  • Merci à Nakiel Bourbeau, Rémi Lafrenière et Charlie Guèvremont, ainsi qu’à toute l’équipe de l’École alternative de l’Énergie.

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