Le vendredi 16 juin 2017, les juges de la Cour suprême ont rendu un verdict unanime pour libérer James Coby de toutes les accusations qui pesaient contre lui. Le motif: son procès a duré trop longtemps, plus de 60 mois. La Cour rappelle ainsi qu’il est temps que les provinces respectent les délais de traitement des procès.
Un texte de Anne Reitzer – Dossier Justice
Rappelez-vous, le 8 juillet 2016, la Cour suprême du Canada rendait l’arrêt Jordan. Cet arrêt est exceptionnel et historique car il oblige la justice à entendre une cause dans un délai raisonnable, en accord avec la Charte des droits et libertés de la personne. Dans son jugement, la Cour a limité le délai à 18 mois pour un procès en cour provinciale et à 30 mois devant une cour supérieure, sauf circonstances exceptionnelles.
Pour mieux comprendre cet arrêt, il faut revenir en décembre 2008. À cette époque, Barret Richard Jordan est inculpé pour une affaire de drogues en Colombie-Britannique. Il devra attendre presque cinq ans avant d’être jugé coupable. C’est pourquoi les avocats de Jordan ont décidé d’aller jusqu’en Cour suprême, estimant le délai de 49 mois totalement déraisonnable. La Cour suprême fut d’accord avec eux et invalida la condamnation de M. Jordan.
James Coby, quant à lui, a été accusé d’infractions liées aux drogues et aux armes le 12 janvier 2010. Mais entre le moment où Coby a été accusé et la date à laquelle son procès devait se dérouler, cinq années entières se sont écoulées. C’est pourquoi les avocats de l’accusé ont décidé de faire appel à l’article 11B de la Charte canadienne des droits et libertés, qui stipule que «l’inculpé a droit d’être jugé dans un délai raisonnable».
Même si l’arrêt Jordan a été mis en vigueur après les accusations liées à James Coby, les juges ont estimé que la Charte canadienne avait tout de même été violée et qu’en conséquence, il devait être libéré.
Si les provinces du Québec, de l’Alberta, du Manitoba et de la Colombie-Britannique ont demandé à la Cour Suprême, en avril 2017, un assouplissement des critères de l’arrêt Jordan pour «maintenir la confiance du public envers la justice», la réponse de la Cour suprême a été très claire. Selon elle, les provinces ont laissé s’installer une «culture de complaisance à l’égard des délais dans le système de justice criminelle» et les procès qui durent plus de 30 mois portent atteinte aux droits des accusés.
En effet, avant leur procès, les accusés sont présumés innocents. De ce fait, pour ces personnes incarcérées, le stress, l’attente, l’isolement et l’exclusion sont des éléments qui contreviennent indéniablement à leur dignité. Même si certaines personnes sont reconnues coupables, d’autres sont acquittées. La longueur du jugement rend difficile leur réinsertion dans la société à cause de la stigmatisation.
Si l’arrêt Jordan pourrait toucher plus de 800 arrêts de procédures, dont environ 485 criminelles, la durée irraisonnable est aussi un véritable poids pour les victimes. En effet, dans la majorité des cas, il est difficile pour elles de faire leur deuil avant que le procès soit passé. Cependant, la Cour suprême a tout de même tenu à rappeler que certaines circonstances exceptionnelles pouvaient annuler les nouveaux délais de traitement des procès comme la complexité de l’affaire, le préjudice subi et la gravité de l’infraction.
Cour suprême
La Cour suprême constitue le tribunal de dernier ressort, c’est-à-dire qu’elle est le dernier recours judiciaire. Composée de 9 juges (dont 3 obligatoirement du Québec), elle est habilitée à prendre des décisions en matières civile, criminelle et constitutionnelles. Que ce soit au Québec ou dans les provinces et territoires. Ses missions sont d’interpréter la constitution canadienne, de déterminer si les lois respectent la constitution et enfin d’interpréter les lois fédérales et provinciales.
En complément à Reflet de Société +
Une entrevue avec Louise Arbour, ancienne juge à la Cour suprême du Canada. Entrevue réalisée par Sonar TFO.