Par L’équipe de Reflet de Société
Dossier Santé mentale
Dans sa chanson Legacy, le rappeur Eminem a divulgué qu’il souffre du syndrome d’Asperger. Elon Musk, l’un des hommes les plus riches au monde, s’est révélé autiste Asperger en direct dans un épisode de Saturday Night Live. L’humoriste québécois Louis T. s’identifie également comme une personne Asperger. Alors, pourquoi plusieurs personnalités publiques se révèlent-elles soudainement Asperger ? Et qu’est-ce que c’est ?
De plus, pourquoi tournons-nous le dos à ces personnes au Québec ?
L’autisme c’est tout d’abord un système perceptif différent, tel qu’explicité sur le site Comprendre l’autisme : « Les personnes autistes vivent dans le même monde matériel que les personnes non autistes, pour autant elles ont très souvent une perception sensorielle différente à plusieurs niveaux. Les études pouvant appuyer cette différence de perception sensorielle sont nombreuses et avérées, à tel point que cette particularité a été retenue par le DSM-5 comme critère de diagnostic. ».
En outre, le trouble du spectre de l’autisme est décrit comme une gamme de comportements dans lesquels les gens sont retirés et détachés de la réalité, dès le très jeune âge. Ils sont très mentaux, entraînés dans leur propre monde, ils ont des intérêts restreints, ce qui peut provoquer des troubles d’apprentissage.
On parle de « spectre » de l’autisme, car les manifestations de l’autisme sont nommées différemment en fonction de leur sévérité. Les autistes Kanner présentent la plupart du temps une déficience intellectuelle et/ou des difficultés sévères de communication. Ce qui n’est pas le cas des autistes que l’on connaît toujours sous le nom Asperger (bien que cette nomenclature ne fasse pas l’unanimité).
D’une manière générale, chaque personne présentant un trouble autistique est unique, c’est pourquoi il est important de ne pas dresser de généralités, de ne pas tomber dans les stéréotypes.
En 1943, le pédiatre autrichien Hans Asperger a rencontré un groupe d’enfants ayant des difficultés d’interaction sociale et de communication. Contrairement aux enfants autistes Kanner, ils n’avaient pas de troubles du langage et des fonctions cognitives. Ils ont été les premiers cas diagnostiqués autistes Asperger.
En 2013, le syndrome d’Asperger est retiré du DSM-5, le manuel de psychiatrie de référence. La distinction entre l’autisme de haut niveau et le syndrome d’Asperger n’a jamais été très claire. Maintenant, on parle uniquement d’autisme de haut niveau et/ou de troubles du spectre autistique (TSA).
Les critères pour diagnostiquer l’autisme ont fortement changé depuis les 20 dernières années. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, 2% des jeunes canadiens de 1 à 17 ans ont reçu un diagnostic de TSA.
Les chiffres sont en hausse parce qu’il y a encore 20 ans, les médecins n’offraient pas de diagnostics pour l’autisme. Ils le font désormais. Les enfants d’aujourd’hui sont souvent diagnostiqués avant l’âge de cinq ans, cependant, beaucoup ne sont pas détectés et grandissent non diagnostiqués. Cela peut engendrer des troubles, de l’anxiété, parfois de la dépression, dus à ce que l’on nomme masking, ou camouflage en français. Les enfants, n’ayant pas conscience des particularités qu’ils ressentent, masquent leurs symptômes pour leur intégration, ce qui leur est énergivore.
Adultes mal diagnostiqués
Le premier plan au Québec sur les services adaptés pour les personnes autistes, comprenant les Aspergers, date seulement de 2003. Cependant, les statistiques recensant le nombre de personnes ayant un TSA sont absentes. Selon Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme : « Bien que le syndrome d’Asperger ne soit plus dans le DSM-5, les personnes qui avaient déjà leur diagnostic ne l’ont pas perdu. Peu de spécialistes vont poser un diagnostic d’Asperger maintenant, puisque ça n’existe plus. On parle maintenant du TSA ».
Mme Plourde explique qu’il est difficile d’obtenir un diagnostic du TSA après l’âge de sept ans. « Même pour faire une évaluation, il faut aller dans le privé. C’est impossible pour un adulte d’avoir une évaluation dans le secteur public. Ils sont complètement ignorés par le système ». Et ça coûte environ 1 500 $ pour être évalué dans le privé !
Le réseau public n’intervient pas lorsque les choses vont bien en apparence pour une personne autiste. « On demande ce que l’on peut faire si leurs besoins sont légers », dit Mme Plourde. Mais il n’y a pas de services pour adultes Asperger tout court … « Quand ça va mal pour quelqu’un, on devrait lui donner accès à certains services pour le maintenir en emploi ».
On estime que quatre fois plus d’hommes que de femmes sont TSA, incluant le syndrome d’Asperger. Les femmes Asperger sont sous-diagnostiquées parce qu’elles passent sous le filet : « Les filles sont moins tannantes que les garçons », nous dit Mme Plourde.
Il y a d’autres explications. Une jeune femme autiste asperger a suggéré que parfois, lorsque les femmes ont des explosions émotionnelles dues au syndrome, ces épisodes sont plus susceptibles d’être considérés comme une « hystérie féminine » plutôt que comme le symptôme d’une différence neurocognitive plus profonde. En revanche, un homme faisant une crise en public sera beaucoup plus susceptible d’être jugé anormal, car socialement cela est plus surprenant. On cherchera à comprendre pourquoi il manifeste une charge de colère aussi intense. En outre, selon Autisme Asperger Québec, « l’autisme des femmes ne se présenterait pas exactement comme celui des hommes. Par exemple, les femmes auraient des comportements sociaux plus adaptés, moins d’hyperactivité-impulsivité et de comportements répétitifs et davantage d’anxiété et de troubles alimentaires associés ».
Mortalité élevée
Les listes d’attente pour faire diagnostiquer le TSA sont très longues, et les enfants de moins de six ans sont prioritaires, dit Mme Plourde. Mais les dangers de ne pas assurer de services d’aide et de diagnostic pour toutes les formes d’autisme et pour tous les âges sont réels.
Selon le rapport Surveillance du trouble du spectre de l’autisme au Québec réalisé par le gouvernement provincial en 2017, « le taux de mortalité par suicide chez les personnes avec un TSA est deux fois plus élevé que dans la population générale sans TSA. Le taux de mortalité lié à d’autres causes de décès est cinq fois plus élevé chez les personnes avec TSA. ».
Ils peuvent être amenés au suicide par épuisement, isolement, dépression. Parce qu’ils ne parviennent plus à s’occuper d’eux-mêmes : par exemple en n’allant pas consulter en cas de maladie, en ne parvenant pas à maintenir un emploi, des relations sociales. Pour les autistes non diagnostiqués, la sensation de folie, l’incompréhension qui s’accroît entre eux et les autres peuvent dangereusement amoindrir leur amour propre et leur équilibre.
La Silicon Valley
Les enfants et les adultes Asperger peuvent avoir du mal à passer d’une tâche à l’autre ou à lire des indices non verbaux. Pour se calmer, ils utilisent parfois des mouvements répétitifs tels que se balancer ou battre des mains. C’est que l’on appelle le stimming, ou en français l’autostimulation. Ce n’est pas une bonne idée de les empêcher de faire ces mouvements répétitifs.
L’Asperger, comme toutes formes d’autisme, est un trouble neurodéveloppemental qui dure toute la vie. Il n’existe aucun médicament pour le traiter.
Selon la Dre Temple Grandin, professeure à l’Université d’État du Colorado et elle-même autiste, les critères diagnostiques n’ont cessé d’évoluer. Les symptômes de l’Asperger se confondent souvent avec des épisodes d’anxiété.
« L’un des problèmes aujourd’hui, c’est que pour qu’un enfant obtienne des services spéciaux à l’école, il doit avoir une étiquette. Le problème avec l’autisme, c’est que vous avez un spectre qui va d’Einstein à quelqu’un sans langage avec une déficience intellectuelle », déclare Grandin.
Ceux et celles atteints d’Asperger sont capables de se focaliser sur un problème ou une énigme pendant une longue période. C’est une condition souvent associée avec une intelligence précoce. En 2013, l’entreprise SAP, géant allemand du logiciel, a signalé son intention d’embaucher des ingénieurs logiciels autistes en raison de leur souci du détail.
« En gros, vous avez probablement connu des gens socialement maladroits, mais très intelligents. Quand est-ce que les intellectuels sont-ils devenus autistes ? C’est une zone grise. La moitié des habitants de la Silicon Valley sont probablement autistes », poursuit Temple Grandin.
Ressources sur l’autisme au Québec :
- Fédération québécoise de l’autisme : autisme.qc.ca
- Autisme Soutien (service de soutien social gratuit, anonyme et confidentiel, en français) : autismesoutien.ca
- Réseau national d’expertise en trouble du spectre de l’autisme : rnetsa.ca
- Autisme Asperger Québec : autismeaspergerquebec.com
Dans les régions :
- Saguenay-Lac-St.-Jean : autisme02.com
- L’Outaouais : traitdunionoutaouais.com
- Lanaudière : autisme-lanaudiere.org
- Laval : autismelaval.org
- Côte-Nord et Nord-du-Québec : actionautisme.ca
- Capitale-Nationale : autismequebec.org
- Rimouski-Est-Québec : facebook.com/autismedelestduquebec
- Laurentides : autismelaurentides.org
- La Mauricie : autismemauricie.com
- Centre-du-Québec : autisme-cq.com
- L’Estrie : autisme-estrie.com
Autisme Estrie ferme un programme phare
En janvier 2024, Autisme Estrie s’est vu obligé de fermer son programme Répit avec dodo, destiné aux familles avec enfants vivant avec un TSA. Le concept était de permettre aux parents de se reposer un week-end par mois durant lequel l’association prenait soin de leurs enfants.
Ce programme, créé en 1992, a été victime de sous-financement. Autisme Estrie estime recevoir que 40 % des subventions dont ils ont besoin. Néanmoins, ils continuent d’offrir un service de répit réduit deux samedi par mois de 9h à 16h. Mais ce n’est pas assez. L’autisme est une condition mentale qui peut être difficile à gérer pour les familles du fait qu’elle nécessite des soins et de l’accompagnement.
Illustration: Laetitia Géraud
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