Bout du monde : Défier les stéréotypes

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Par le collectif Bout du monde

Le collectif Bout du monde a vu le jour en 2014. Ses cinq membres, Nicholas, Max, Melvin, Sasha et Evans, aujourd’hui âgés de 16 à 19 ans, ont été accompagnés au fil des ans par leur mentor Ricardo Lamour dans des lieux où, en tant que jeunes Noirs et Métis, ils n’étaient pas attendus. Institutions culturelles. Espaces verts. Événements politiques. L’objectif : leur permettre en occupant l’espace de participer à la consolidation d’imaginaires sociaux plus inclusifs.

Le texte suivant présente les caractéristiques et la vocation du collectif Bout du monde. Il a été envoyé à l’équipe de rédaction de Reflet de Société par les membres du groupe :

Le but de notre collectif est d’habituer les gens à notre présence dans le milieu culturel. On veut les inciter à faire une place aux jeunes Afro-Québécois·e·s, à trouver ça normal de les inclure. Dans le cadre de nos activités, on a rencontré plein de personnes intéressantes. On a fait du digital storytelling, des conférences, des consultations, de la sensibilisation…

On a développé une belle expertise et on est fiers que plusieurs institutions reconnues aient recouru à nous pour obtenir des conseils en matière d’accessibilité et d’inclusion. Mais en cours de route, on a fait face à des embûches, dont trois qui surviennent à l’intersection de notre âge et de notre identité afro-québécoise : l’objectification, l’exotisation et l’adultification.

Mignons

Un collectif de jeunes qui conseille des adultes en matière d’accessibilité et d’inclusion, ça peut paraître ingrat. Mais dans les faits, il n’est pas rare que de jeunes Afro-Québécois·e·s comme nous se fassent utiliser pour du capital symbolique par des adultes. Il y en a plusieurs qui ont invité Bout du Monde à émettre des recommandations en lien avec leurs institutions et qui n’ont jamais assuré de suivi.

C’est en parlant autour de nous qu’on a réalisé que c’était une pratique répandue, des adultes qui disent à des jeunes racisé·e·s qui se sentent interpellé·e·s par des causes : « rejoins un comité, rédige une pétition, deviens membre d’un conseil, présente un atelier… » Après, silence radio. Les adultes ont trouvé l’ambition des jeunes mignonne, mais n’ont pas pris le temps de les écouter. Ça nous fait penser aux gens qui mettent #BlackLivesMatter dans leur biographie en ligne, mais qui ne s’impliquent pas concrètement pour la cause. Ça va mieux quand on passe de la parole aux actes!

Exotiques

Pour donner un premier exemple de la vision de la « gang de gars exotiques » que certaines personnes ont de nous, prenons un incident qu’on a vécu au restaurant. Les membres du personnel nous ont réservé un traitement différent, nous ont stéréotypés : « jouez-vous au basket, vous, les gars? » Pourquoi on se fait demander ça? À cause de notre teint? De nos cheveux tressés?

Un deuxième exemple : puisqu’on fait de la musique ensemble, les gens s’attendent à ce qu’on fasse juste du rap et à ce que nos paroles soient tout le temps violentes. On est les premiers à trouver qu’il y a trop de violence dans les rues et à se présenter aux vigiles en mémoire des victimes. Ça n’a aucun sens.

En réponse à ça, notre collectif fait de la sensibilisation. On switch le trend parce qu’il y en a encore qui croient que la violence de rue c’est cool. On présente d’autres options : sport, musique, mode, réseautage, entrepreneuriat, activisme… En tant que jeunes, c’est ça qui nous intéresse, donc c’est avec ça qu’on espère accrocher d’autres jeunes.

Menaçants

On est stagiaires, consultants, panélistes. On est présents à toutes sortes d’événements culturels, dont certains où on doit détonner du lot parce que les gens doutent de nous, se demandent « comment ils sont entrés ici, eux? » C’est qu’il existe un autre biais qui influence le développement des jeunes Afro-Québécois·e·s comme nous : on est généralement perçu·e·s comme faisant plus que notre âge.

Quand on circule entre ami·e·s, très vite il y a des gyrophares. On n’a rien à se reprocher, mais les agents nous surveillent quand même, tellement qu’on ne sait plus si on doit les ignorer ou les saluer. Une fois, on s’est fait barrer la route par plusieurs voitures de police. Un gars de Bout du Monde s’est fait jeter son vélo par terre et vider ses poches. Les agents ne le croyaient pas quand il disait qu’il était mineur.

Ils ont appelé plusieurs membres de sa famille pour vérifier qu’il disait la vérité. Leur justification, après : « vous n’avez pas l’air de gars de seize ans ». Et si ça avait été des jeunes moins bien encadrés que nous, qu’est-ce qui leur serait arrivé? On lit les journaux et ça fait peur d’y penser. On aimerait ça avoir les mêmes privilèges que les autres, ne pas craindre de passer de victime à suspect, pouvoir se dire : « si je suis dans le trouble, quelqu’un va veiller à ma sécurité ».

La voix des jeunes

On n’a pas envie de se coincer dans un discours de victimisation, sauf que selon nous, le silence peut être une forme de déni. C’est compliqué de bien représenter ce qu’on vit. Autant on se désole quand on se fait infantiliser, autant on dénonce à quel point on se fait prendre pour des adultes trop vite. En prenant parole et en prenant notre place en tant que collectif, on espère faire réaliser à certaines personnes qu’il y a des choses qui jouent contre nous et qu’on en a besoin, de l’écoute et du support des adultes.

Parmi nos mentors adultes, il y en a même qui nous challengent et on le prend bien. C’est une forme de contre-pouvoir interne qui enrichit la conversation. Récemment, on a vu passer plusieurs dossiers dont le mandat principal était : « parlons avec nos garçons ». C’est enthousiasmant. Aussi, on se réjouit de l’émergence d’initiatives portées par d’autres jeunes, comme La voix des jeunes compte.

Bout du monde fait assurément son bout de chemin.


À lire aussi :

Version anglaise sur The Social Eyes

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