Par Colin McGregor | Dossier Culture
Chaque année, lorsqu’il n’y a pas de neige au sol, une trentaine de poètes québécois se rassemblent quelques jours dans le bois à Gaspé. Des jeunes et des moins jeunes s’y isolent pour y faire une retraite poétique.
Aucune publicité ne promeut l’événement. Campoétik a été mis sur pied par un gardien de la poésie québécoise qui semble avoir tiré son nom des œuvres de J.R.R. Tolkien, le dénommé Bilbo Cyr. Ses invités sont là pour le seul plaisir de créer, inspirés et protégés par le boisé gaspésien.
« Je veux le garder simple », nous dit Bilbo.
L’été de 2023 a donné lieu à la quatrième retraite poétique. En est sorti un recueil de poèmes émanant de cette rencontre. Toutes les redevances du livre Campoétik 2023, disponible aux Éditions TNT, sont reversées avec le cœur à Porte Ouverte Sur l’Avenir (P.O.S.A.), un organisme humanitaire de Chambly, situé bien loin de la Gaspésie.
Ouvert depuis plus de 20 ans, P.O.S.A. offre de l’aide aux jeunes de 35 ans et moins pour la région de Chambly, où il existe peu d’autres ressources. P.O.S.A. fait du travail social, dirige une clinique de rue et propose d’autres services.
Souvent, des jeunes de 18 ans se retrouvent à la rue lorsqu’ils quittent la DPJ. Plusieurs sont alors aidés par les activités de P.O.S.A. qui incluent un centre du jour, une clinique pour les jeunes, une maison avec des chambres d’hébergement, des repas chauds. Des collations sont distribuées aux enfants démunis, des ateliers d’arts sont organisés, et bien sûr, des slams.
« C’est beaucoup plus simple de consacrer l’argent à un organisme que de diviser les redevances au sein d’un collectif de 30 personnes », dit Bilbo.
Ce n’est pas une compétition, un « slam ». Quand les poètes sont ensemble dans le bois, Bilbo raconte : « c’est très libre. Il n’y a pas d’horaire, pas de structure. Quand le monde trouve qu’il y a trop d’espace, il le comble avec la poésie… Juste combler les besoins de la vie dans le bois prend une partie de la journée, et on est souvent inspiré pendant ces périodes-là ».
Être ensemble génère non pas juste de la poésie, mais également des dessins, imprimés dans le recueil Campoétik 2023. Ça nourrit aussi des collaborations. De plus, les participants sont souvent inspirés et souhaitent aller plus loin dans leur poésie. « Je suis allé au Grand Slam de Montréal. Et j’ai croisé pas mal de monde qui était déjà venu au camp ». Le poète Maël Pelletier, coaché par Bilbo depuis son enfance, figure dans le recueil et organise également des événements de poésie.
Un participant qui l’a vraiment impressionné cette année était Lim Brunet de Chambly. C’est effectivement lui qui a proposé d’envoyer les redevances du recueil à son organisme, P.O.S.A. « Lim a embarqué dans la proposition avec toutes ses forces. C’était impressionnant pour tout le monde. Ce recueil est un travail d’équipe, mais c’est son initiative ».
Sur la quatrième de couverture, Lim écrit : « Ce livre est précieux, rempli de souvenirs et de beaux moments d’amitié… Que ça soit dans la forêt ou au milieu de nulle part / Je serai toujours chez moi, / Uni et entouré d’ami.es que j’ai écouté.es / Pis entendu.es slamer. »
Bilbo a soumis ce recueil à Raymond Viger, directeur des Éditions TNT. Le projet a été mis en route. Bilbo ajoute fièrement : « Quelques centaines de copies pour un recueil de poésie au Québec, c’est un énorme best-seller ! »
Récemment, les activités du P.O.S.A., qui étaient déjà très variées, se sont étendues à des ateliers d’écriture avec le rappeur et ex-narcotrafiquant DIE-ON, Christian Dionne. Il a passé deux ans derrière les barreaux. Il a transformé sa vie en consacrant son temps à la Maison Stéphane Fallu, avec des jeunes qui sortent de centres jeunesse. Stéphane Fallu est un humoriste qui lui-même a eu des expériences au sein de la DPJ. Il a aidé à créer l’établissement de la maison qui porte son nom.
La poésie dans la forêt – il faut le faire !
Crédit photo: Isabelle Jetté
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