Jeunes enfants, personnes âgées, en perte d’autonomie, souffrant de maladies chroniques ou personnes travaillant à l’extérieur : au cours des derniers jours, les médias n’ont cessé de nous rappeler les groupes les plus vulnérables à la canicule. À ceux-ci s’ajoutaient les gens qui souffrent de troubles de santé mentale. Mais quel lien existe-t-il entre un état mental altéré et une vulnérabilité accrue à la chaleur ? La prise d’antidépresseurs et d’antipsychotiques expose-t-elle les patients à davantage de risques en période de chaleur extrême ?
Un texte de Catherine Morin – Dossier Santé mentale
C’est ce que semble malheureusement confirmer le dernier bilan du Ministère de la Santé et des Services sociaux qui, en date du 9 juillet 2018, recensait pas moins de 70 morts liées à la canicule qui s’est accrochée au Québec récemment. Le bilan du Ministère stipule que des personnes consommant des antidépresseurs et/ou des antipsychotiques (reconnus pour augmenter l’intolérance à la chaleur) faisaient partis des victimes.
Médication à risque
C’est que ces psychotropes jouent sur certains neurotransmetteurs (la dopamine, la sérotonine et la norépinéphrine notamment) impliqués dans l’hypothalamus, qui joue un rôle majeur dans la régulation de la température corporelle. La prise de médication peut alors modifier la perception de la chaleur et mener certaines personnes souffrant de maladie mentale -particulièrement celles qui manquent d’autonomie- à adopter des comportements qui ne sont pas adaptés à la température. Ces gens peuvent, entre autres, ne pas penser à rafraîchir leur environnement, à augmenter la fréquence des douches ou des bains frais, à fréquenter des endroits climatisés, à boire plus de liquide ou à porter des vêtements plus légers. Lors de chaleurs intenses, les antidépresseurs et les antipsychotiques (tout comme les antiparkinsoniens, les anticonvulsivants, les inhibiteurs de cholinestérase et le lithium) peuvent inhiber la sudation, provoquer une vasoconstriction (réduction du diamètre des vaisseaux sanguins et donc altère la circulation du sang), augmenter la vulnérabilité à la chaleur rayonnante, nuire à la perte de la chaleur ou mener à une diminution des effets refroidissants de l’évaporation. Des phénomènes aux conséquences dangereuses pour la santé.
Vulnérabilité sociale
Mais l’isolement social, les conditions de vie et la situation socioéconomique de la personne ont aussi une influence sur sa vulnérabilité à la chaleur. Pour cette raison, Santé Canada prône les facteurs de protection suivants : avoir des amis en ville, recevoir des appels ou de la visite régulièrement, participer à des activités de groupe ne requérant pas d’effort physique, vivre dans un endroit climatisé (ou augmenter le temps passé dans des endroits climatisés) et prendre des douches fraîches plus souvent. Pour les personnes aux prises avec des troubles psychiatriques sévères, ces moyens ne sont cependant pas toujours à portée de main.
En effet, de nombreuses études ont démontré que ces dernières se retrouvent plus souvent isolées, pour des raisons qui peuvent être volontaires ou imposées (habiter seul, ne pas avoir de réseau social, ne pas recevoir d’appel ni de visite de façon régulière, rester alité ou éviter de sortir de la maison en cas de symptômes dépressifs, paranoïdes ou schizoïdes).
Elles peuvent également être contraintes à l’isolement et à la solitude en raison d’un accès au transport limité par un maigre budget.
Faible revenu
D’ailleurs, davantage de personnes aux prises avec des troubles sévères de santé mentale auraient un faible revenu, corrélé à un faible niveau de scolarité. Cette précarité économique les contraindrait alors plus souvent à devoir habiter en maison de chambre, dans des immeubles situés dans des îlots de chaleur urbains ou carrément dans la rue. Elles auraient moins les moyens de se procurer un climatiseur et seraient plus à risque de se retrouver en situation d’itinérance que la population générale. Pour les personnes qui ont la capacité de se déplacer dans des endroits publics climatisés, les risques de se faire expulser en raison d’une marginalité trop apparente /dérangeante ou d’un manque d’hygiène seraient plus grands.
Enfin, le fait de souffrir de maladie mentale expose à davantage de comorbidités (maladies cardiovasculaires, démence, problèmes de mémoire, obésité, toxicomanie, alcoolisme ou autre dépendance) qui peuvent être associées à un manque d’autonomie ou à un état de santé fragilisé. Cela favorise donc le développement d’effets secondaires liés à la médication et multiplie par cinq les risques de subir des complications de santé potentiellement mortelles.
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[…] First seen in: Reflet de Société, Vol. 26 no. 3, été (summer) 2018, page 28 […]