Les anglicismes… au Québec, on n’aime pas ça, en France, ils en font tout plein, ben plus que nous, voyons!
Un texte de Ada Luna Salita | Dossier Éducation
Vous avez sûrement déjà entendu des affirmations de la sorte. Mais d’où vient cette idée selon laquelle en France on utiliserait plus d’anglicismes, et pourquoi ça nous dérange autant de les employer ou de les entendre? Pourquoi on est si fiers de dire qu’ils en utilisent plus que nous? La réponse à ces questions relève surtout du domaine social et historique, que de la langue à proprement parler.
Il faut tout d’abord savoir que les anglicismes ne sont rien de plus ni de moins que des emprunts à l’anglais. Un emprunt c’est lorsqu’on prend un mot d’une langue étrangère et qu’on l’intègre à sa langue. Il s’agit d’un phénomène linguistique normal, attesté dans toutes les langues. Le français regorge d’emprunts à diverses langues: pizza de l’italien, sushi du japonais, matelas de l’arabe, Feng shui du chinois, etc. Tous ces emprunts ne choquent personne. Pourquoi alors, on n’aime pas lorsque les emprunts sont faits à l’anglais? Eh bien, c’est en raison de notre histoire. Le Québec est la seule province francophone dans un territoire anglophone, c’est-à-dire, l’Amérique du Nord. Les emprunts à l’anglais au Québec sont apparus très tôt, au moment de la conquête anglaise.
Au départ, on emprunte au Québec surtout par besoin, parce qu’on n’a pas les mots français pour désigner les réalités, les peuples anglophone et francophone sont continuellement en contact et l’anglais est la langue de l’administration et du droit. Ensuite, au XIXe siècle, lors de l’urbanisation et de l’industrialisation, les grandes industries américaines viennent s’installer au Québec et elles apportent avec elles leur vocabulaire anglais pour nommer les nouvelles technologies. Les patrons sont anglais et les ouvriers français. Ainsi, les francophones adoptent les mots anglais propres à leur emploi.
En France, le processus d’emprunt à l’anglais se passe différemment. En effet, ce sont tout d’abord les gens de la haute société qui voyagent en Angleterre qui empruntent des mots à l’anglais et les rapportent en France, par effet de mode. Plus tard, l’essor de l’empire américain en tant que puissance économique et culturelle exacerbe cette tendance à l’emprunt dit de mode en France, c’est chic d’employer des mots anglais. On va même jusqu’au point d’inventer des mots qui ont l’air anglais, mais qui ne le sont pas vraiment comme tennisman, footing ou brushing.
Le fait qu’on soit choqués chaque fois qu’on entend des Français employer des anglicismes relève d’une idée un peu fantaisiste et surtout, fausse, selon laquelle les Français de France parleraient le vrai bon français et pas nous. Et comme nous avons un rapport aussi négatif envers l’anglicisme, le fait de les entendre en employer nous surprend.
Pour finir, je tiens à rappeler que malgré notre rapport difficile avec les anglicismes, il ne faut pas les éviter à tout prix. Ce qu’il faut retenir c’est que ce ne sont pas tous les anglicismes qui posent problème. Certains ont été intégrés en français et ne soulèvent aucune critique, comme plusieurs noms de sport dont baseball, hockey, soccer ou des termes politiques comme caucus, whip, leader. De même, tous les anglicismes n’ont pas le même statut; si certains sont critiqués, comme tire, skate ou graduation pour collation des grades, certains sont neutres, comme hamburger, et d’autres ont même été officialisés par l’OQLF, comme aréna et autobus scolaire. Puis, lorsqu’on dit qu’un anglicisme est critiqué, on fait surtout référence aux contextes formels et à la langue écrite, rien ne vous interdit de dire à vos amis à quel point votre nouveau chum est cool!