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Capsule de français : Ces noms propres qui deviennent des mots

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Capsule de français : Ces noms propres qui deviennent des mots
Photo par Carolyn V sur Unsplash.

Que certains gars se prennent pour des dons Juans et abordent les filles en se donnant de faux airs de casanova pour camoufler vainement leur timidité dans l’espoir de trouver leur dulcinée, n’a rien de franchement étonnant lorsqu’on est adolescent… Ce qui l’est en revanche, c’est que derrière la banalité de cette situation se cachent trois éponymes. Oui, oui des éponymes… des mots formés à partir d’un nom propre. 

Un texte de Aude Charrin – Dossier Éducation

Si de nos jours, un don Juan est un séducteur collectionnant les conquêtes, à l’époque de Molière et de Tirso de Molina, dramaturges respectivement français et espagnol, c’était surtout un célèbre personnage de théâtre, coureur de jupons. Dulcinée, quant à elle, était l’amoureuse de don Quichotte dans le roman de Cervantès, un autre auteur espagnol, alors qu’aujourd’hui le nom de ce personnage de fiction est surtout utilisé pour désigner l’âme sœur d’une personne. Et que dire de Casanova, aventurier italien qui lui a vraiment existé, et dont l’autobiographie a fait l’un des plus grands séducteurs du 18ᶿ siècle.

Mieux encore, Don Juan, Dulcinée et Casanova sont des éponymes que l’on appelle des antonomases, une figure de style qui consiste à désigner une personne en utilisant un nom propre plutôt qu’un nom commun, ce qui explique pourquoi un don Juan ne fait plus référence au personnage de Don Juan lui-même, mais à toute autre personne qui se comporte de la même façon, c’est-à-dire en séducteur ne prêtant que peu d’attention aux sentiments de ses conquêtes.

La littérature a fourni de nombreux éponymes : on a vu Don Juan et Dulcinée, mais on pense aussi à Séraphin Poudrier, le plus célèbre avare de la littérature québécoise, un personnage fictif créé en 1933 par Claude-Henri Grignon dans le roman Un homme et son péché. Cette œuvre a tellement été adaptée, que ce soit à la radio, au théâtre, au cinéma, à la télévision, dans le feuilleton culte Les Belles Histoires des pays d’en haut, et même en bande dessinée, que le personnage de Séraphin a fini par accéder au titre d’antonomase dans la conscience collective des Québécois, et désigne toute personne qui est un peu trop proche de ses sous. Cette référence culturelle est d’ailleurs propre au Québec. En France, la conscience collective a retenu le nom d’Harpagon pour désigner une personne consumée par l’avarice, un personnage fictif crée par Molière en 1667 pour tenir le rôle principal dans une de ses pièces intitulée devinez comment : L’Avare évidemment!

(…) le personnage de Séraphin a fini par accéder au titre d’antonomase dans la conscience collective des Québécois, et désigne toute personne qui est un peu trop proche de ses sous.

Et tant qu’à être au 17ᶿ siècle, restons-y un instant : si je vous dis que vous connaissez forcément un éponyme qui date de 1697, mais dont l’origine remonte en fait à l’antiquité… Oui, oui pas besoin d’une machine à remonter le temps pour connaître l’héroïne du roman de Charles Perrault, une pauvre servante exploitée par sa belle-mère et ses demi-sœurs, j’ai nommé Cendrillon. Ce personnage tire d’ailleurs son nom du mot cendre parce que son rôle de servante l’obligeait à travailler près du foyer, où elle était salie par la cendre. Aujourd’hui, une Cendrillon peut désigner une véritable fée du logis où une personne victime d’humiliation.

Mais pas besoin de remonter aussi loin dans le temps pour trouver des éponymes dans la culture populaire : tout le monde connaît l’expression Ça prend pas la tête à Papineau pour dire qu’une chose n’est pas difficile à comprendre ou à faire. Mais saviez-vous que Louis-Joseph Papineau était un politicien québécois reconnu pour sa grande intelligence?

Enfin, pour rester dans la politique, sachez que les éponymes ne sont pas l’apanage du français. Un ours en peluche se dit Teddy Bear en anglais. Eh bien ce mot serait un éponyme qui ferait référence au président des États-Unis Theodore Roosevelt qui, grand amateur de chasse à l’ours, aurait refusé de tuer un ourson. Les médias de l’époque ont récupéré l’incident et l’histoire a été immortalisée en caricatures dans le Washington Post. Profitant de cette publicité rêvée, une entreprise commercialisera un ours en peluche portant le surnom du président, Teddy…