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Capsule de français : Langue et préjugés raciaux

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Capsule de français : Langue et préjugés raciaux
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Si je vous dis un casse-tête chinois, une douche écossaise, une clé anglaise, des montagnes russes ou le téléphone arabe, il y a de bonnes chances que vous ne vous soyez jamais arrêtés sur le fait que ces expressions étaient construites avec des noms de peuples. On les a entendues des milliers de fois, employées nous-mêmes, elles nous paraissent complètement naturelles et désignent de façon neutre des réalités contemporaines.

Un texte de Aude Charrin | Dossier Éducation

Si certaines de ces expressions tirent effectivement leur nom de leur nationalité, c’est le cas des montagnes russes, du téléphone arabe et de la douche écossaise, la plupart n’ont rien à voir avec la nation dont il est question. Le problème, c’est que dans la langue française, il y a aussi des expressions associées à une nationalité qui ne sont pas neutres; pire, elles sont même dévalorisantes, voire carrément racistes pour le peuple visé. Parfois, ces expressions sont tellement intégrées dans la langue qu’on ne les perçoit plus comme dénigrantes et pourtant leurs propos sont très explicitement racistes…

L’hiver dernier, un politicien québécois, en visite dans une école de Québec, a employé l’expression « travailler comme un nègre », signifiant travailler durement. Cette expression date d’une période peu glorieuse, celle de l’esclavagisme, où les travaux manuels les plus durs étaient réservés aux hommes de couleur, obligés par la force d’exécuter le dur labeur que les Blancs refusaient de faire. Cette malheureuse réalité a également donné l’expression « plan de nègre » encore plus dévalorisante que la première puisqu’elle désigne un plan dont certains aspects sont douteux, voire illégaux ou un projet farfelu ou irréaliste voué à l’échec. Ces expressions, loin d’être « politiquement correct » expriment clairement la domination d’une race sur une autre, et, à ce titre, leur présence dans la langue est questionnable. Le politicien en question a d’ailleurs dû présenter des excuses publiques devant le tollé médiatique qu’a suscité son propos.

L’expression tête de Turc, qui signifie souffre-douleur, bouc émissaire, celui sur qui on rejette constamment la faute, est aussi un cas épineux. Cette expression aurait vu le jour au 19e siècle avec l’apparition d’un nouveau jeu dans les fêtes foraines de l’époque qui consistait à frapper le plus fort possible sur une cible à l’aide d’un maillet afin de mesurer sa force. La cible en question était décorée d’une tête enturbannée, l’image que les occidentaux gardaient des Turcs, depuis l’époque des croisades qui opposèrent les chrétiens aux musulmans. Dans la conscience populaire, les Turcs ont toujours eu cette image d’ennemis redoutables, mêlant force et courage, stéréotype qui se retrouve d’ailleurs dans l’expression « fort comme un Turc ». Ce ressentiment à l’égard des Turcs en a fait les victimes symboliques de cette attraction de fête foraine, sur laquelle il était bienvenue de se défouler, et a donné son sens à cette expression.

Certaines de ces tournures, d’ailleurs consignées dans les dictionnaires, ne sont même plus perçues comme offensantes par les locuteurs qui les emploient. C’est le cas de l’expression c’est du chinois qui signifie que quelque chose est incompréhensible en référence au système d’écriture des langues chinoises. Si cette expression nous semble plutôt innocente, ce qui contribue certainement à maintenir son utilisation, elle qualifie de façon dégradante la langue de tout un peuple.

Ces expressions ouvertement racistes ou imprégnées d’une connotation dévalorisante participent à la construction et à la diffusion de stéréotypes infondés et de préjugés discriminatoires. Il vous revient le choix de les utiliser ou non; sachez toutefois que le fait d’éliminer les expressions racistes dans la langue n’entraîne pas pour autant l’élimination du racisme dans la société…