Par Raymond Viger | Dossier Éducation
En prévision d’y inscrire son enfant Élijah, Annie Larouche était présente au début de la fondation du centre. L’ouverture de sa coopérative, son projet de maternité, une petite épicerie, l’a obligé à sauter une année avant d’y revenir. Elle est membre du Conseil d’administration (CA). Chaque parent s’engage à 40 heures d’implication par année dans un des comités (financement, entretien, harmonie pour la gestion des conflits ou le CA).
Au début, il y a eu des conflits à régler, avoue Annie. Le centre est géré en mode sociocratique, c’est-à-dire que tout le monde est consulté pour chaque décision. Parfois, c’est un système qui est lourd. Le CA a appris à prendre sa place. Aujourd’hui, un membre extérieur s’est joint au groupe pour les aider et les soutenir dans leur développement. Le groupe a appris à déléguer certaines tâches et prendre des décisions à plusieurs comités.
Michèle M-Giroux avoue que la sociocratie est un défi à relever parce que les gens ne sont pas habitués à ce mode de gestion. Ça nécessite un temps d’adaptation, nous confie-t-elle. Mais cela permet de mettre tout le monde au courant de tout ce qui se passe. Le centre tend également à inclure les enfants dans les prises de décisions.
L’éducation à la maison n’est pas une panacée. Certaines familles vont tenter d’en faire l’expérience mais reviendront au système scolaire conventionnel.
Nous n’avons pas les ressources pour répondre aux soins particuliers ou à des jeunes qui ont besoin d’un encadrement plus serré, explique Michèle. Nous devons mettre nos limites. Nous avons un comité de sélection pour nous assurer d’être la meilleure ressource pour les jeunes que nous accueillons.
Tissé serré
Le contexte multi-âge a de nombreux avantages : apprendre de l’autre, l’entraide, le partage. Cette année, nous avons majoritairement un groupe d’enfants de 4 à 9 ans. Les 10 à 12 ans étant moins bien représentés. Notre espace est limité à 20 jeunes. Nous séparons quelques fois le groupe lors d’activités selon leurs intérêts, parfois leurs tranches d’âge pour des discussions plus pointues.
Des liens tissés serrés s’installent entre les parents, nous décrit Annie. Il y a de petites subventions pour des activités mais il faut penser à organiser des soupers spaghetti, des ventes de garage… Tout ça va se faire avec la complicité des jeunes et des parents.
Apprendre par le jeu, la liberté d’apprendre, apprendre avec beaucoup d’activités extérieures… Telles sont les bases du centre qu’ils surnomment familièrement Arbo.
Annie nous raconte qu’elle a été mise en contact avec un projet similaire à St-
Damien. Devant la réaction des parents qui s’organisaient, l’école du village s’est ajustée pour répondre aux besoins des citoyens. Le projet d’école alternative est tombé à l’eau.
La bureaucratie
Le centre n’est pas responsable des acquis scolaires des jeunes. Il permet aux parents de documenter son cheminement. Les facilitatrices précisent les sujets abordés, fournissent des pièces justificatives pour les parents.
Sans le Centre, Annie avoue qu’elle ne réussirait pas à faire l’école à la maison.
« Avec la Direction école à la maison (DEM) et l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED), il y a beaucoup d’informations disponibles mais peu de gens pour faire le suivi et nous soutenir. »
« Au début je ne savais pas tout ce qu’il fallait produire. Il faut être organisé pour la paperasse à remplir. »
Annie se souvient que des jeunes n’ayant pas reçu une éducation adéquate ont amené le gouvernement au tribunal. Depuis ce temps, le gouvernement s’implique à mieux suivre le développement des enfants pour éviter que d’autres histoires semblables se répètent. Depuis ce jour, une évaluation annuelle est faite en 3e et 4e année mais elle ne compte pas pour un passage. Le gouvernement s’assure ainsi que le jeune évolue dans un milieu sécuritaire.
Les limites
« L’école à la maison pour le primaire, c’est réaliste. C’est le même prof qui enseigne toutes les matières. Mais je ne sais pas encore si je vais continuer pour le secondaire. C’est beaucoup de matières enseignées par des spécialistes. On se remet souvent en question. Est-ce que j’ai fait le bon choix ? se questionne Annie. »
« Élijah adore fréquenter le Centre d’apprentissage. Il n’a jamais manqué une journée. Pas besoin de le forcer pour y aller. Il y va trois jours par semaine. Il a débuté à 5 ans. Il a maintenant 7 ans. »
Au centre, la journée débute en demandant comment ça va. Quelles émotions le jeune vit et traverse. Parler de ses émotions et s’en libérer est un facilitateur pour avoir un temps d’apprentissage de meilleure qualité.
« Il doit se responsabiliser, apporter son lunch, choisir quand le manger et comment s’habiller pour affronter le froid… C’est un avantage de faire partie d’un groupe multi-âge. Il apprend la patience avec les plus jeunes et se fait des amis plus vieux. »
« Élijah participe à une heure de tutorat. Cela permet d’avoir un regard extérieur et s’assurer qu’on est dans la bonne direction, que tout va pour le mieux. Ce sont des personnes ressources, d’anciens enseignants à la retraite. »
L’école à la maison peut représenter des avantages fort intéressants pour la famille. L’an prochain Annie prévoit avec son conjoint d’origine chilienne qu’Élijah ira vivre plusieurs mois dans le pays natal de son père. Et Élijah continuera l’école à la maison… sur un autre continent.
Elle me présente Milaine Brousseau Ouellette comme étant la maman d’Arborescence. Le titre officiel de la fondatrice du centre.
Vous pouvez soutenir les activités du Centre d’apprentissage libre en forêt Arborescence en faisant parvenir vos dons à SURVIVRE.SOCIAL en mentionnant le nom de C.A.L.E.F.A.. Vous pourrez ainsi obtenir un reçu d’impôt tout en aidant les jeunes dans leur épanouissement.
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