Un texte d’Alexandra Grenier
Christle Gourdet est une jeune femme afrodescendante qui s’implique sur les réseaux sociaux pour lutter contre le racisme et l’envie de changer le monde. Elle souhaite voir un monde plus ouvert d’esprit où il fera mieux vivre pour l’ensemble de la population et en particulier les personnes marginalisées et issues de la diversité culturelle.
Christle Gourdet est originaire d’Haïti. Elle est arrivée au Québec au milieu de son secondaire, alors qu’elle était âgée d’une quinzaine d’années. Pour elle, ça a été un gros choc culturel. « En Haïti, j’étais dans un milieu vraiment privilégié. On avait des employés de maison, des chauffeurs pour aller à l’école, etc. Ici, ce n’était vraiment pas la même réalité. J’ai pris l’autobus pour la première fois de ma vie quand j’étais au Québec et c’était vraiment stressant », raconte-t-elle.
Jamais elle n’avait vécu de racisme avant d’arriver au Canada. « C’est difficile de bien comprendre ce qu’est le racisme quand on vit dans un pays avec une majorité de personnes de couleur. » En grandissant, elle avoue avoir eu une mentalité de « ça ne me concerne pas [le racisme] », puisqu’elle ne s’identifait pas au Québec, de par notamment le manque de diversité dans les médias.
« Dès que c’était une question de racisme ou d’enjeux, je ne donnais pas mon opinion. Je me disais que ce n’était pas mon problème parce que ce n’était pas mon pays. » Elle a fini par réaliser que même si elle ne l’avait pas choisi, le Canada était son pays d’accueil et qu’elle pouvait décider d’avoir un sentiment d’appartenance même si elle ne se sentait pas toujours la bienvenue.
« Tout ce qui se passe au Canada va quand même m’impacter, que je décide de m’impliquer ou pas. Donc j’ai le choix de me battre pour les gens qui me ressemblent ou bien d’accepter que c’est ça ma réalité et de ne rien faire », déclare-t-elle. C’est ainsi qu’elle s’est tournée vers le domaine de l’intervention. « En ce moment je travaille dans une maison de la famille, avec des familles qui sont majoritairement issues de l’immigration et qui n’ont pas de repères. Quand je suis arrivée au Québec, je ne savais pas que ça existait ce genre d’accompagnement et j’aurais aimé le savoir. »
Trouver sa place
Christle se considère un peu comme le « mouton noir » de sa famille. Elle a toujours été attirée vers les arts et les médias. Elle fait d’ailleurs de l’improvisation théâtrale dans ses temps libres. « Ce sont des milieux qui sont très blancs et on m’a parfois fait sentir que je ne rentrais pas dans les cases que la société avait mises en place pour les personnes qui me ressemblaient », raconte-t-elle. Elle s’est déjà fait dire qu’elle n’était pas une vraie noire parce qu’elle faisait des « affaires de blancs ».
« Je veux être capable d’être moi, je ne veux pas être comme tous les noirs, je ne veux pas faire des choses seulement parce que les noirs le font. Je ne veux pas prendre des décisions en fonction de ma couleur de peau », déclare la jeune femme. Ainsi, elle ne se met aucune limite à ce qu’elle peut accomplir.
Christle n’a d’ailleurs pas peur de prendre sa place et de dénoncer les injustices auxquelles elle fait face. À l’automne 2020, elle a assister à un cours où des élèves ont utilisé le mot en N à de multiples reprises. La professeure n’intervenant pas, Christle a dû le faire elle-même. « Je sais que j’ai créé un malaise, mais j’avais le choix entre accepter que les gens ne sachent jamais qu’ils m’ont blessée et qu’ils m’ont recréé des traumas, ou de leur dire Vous faites partie du problème, wake up. »
Suite à cette intervention, plusieurs personnes noires de sa classe l’ont remerciée d’avoir agit. « En ayant parlé, j’ai donné une voix à ceux qui n’avaient pas la force de le faire parce qu’ils avaient trop peur ou pensaient qu’ils étaient les seuls à être mal à l’aise. Je leur ai montré qu’eux aussi pouvaient s’affirmer et prendre parole », raconte-t-elle.
Impact réel
Quand elle est retournée chez elle ce jour-là, elle a ressenti le besoin de publier une vidéo sur ses réseaux où elle racontait la situation. « Mais en même temps, je ne voulais pas avoir l’air de la fille qui chiale parce qu’il y a des personnes blanches qui ne sont pas correctes. Alors je me suis dit que le lendemain j’allais supprimer la vidéo, mais je me suis réveillée et j’avais plus de 130 000 vues! Plein de personnes trouvaient que c’était pertinent », se souvient-elle.
C’est ce jour-là qu’elle a réalisé qu’elle pouvait avoir un réel impact en partageant son vécu et ses opinions. « C’est sûr que dans le futur je veux être dans les médias, mais pas nécessairement en tant que personne qui va juste parler de racisme. Il y a plus à mon identité. J’ai beaucoup plus de talents que mon trauma. Oui je peux parler de racisme et je suis consciente que ce n’est pas tout le monde qui peut le faire. Mais je veux aussi pouvoir parler de mes passions », avoue-t-elle.
Elle rêve d’un jour avoir sa propre société de production et de pouvoir investir dans des projets qui l’emballent. « Je veux être un peu la black Julie Snyder. Je veux faire de l’argent, pas pour être riche, mais plutôt pour investir et créer des emplois. Souvent, on entend qu’il y a de la diversité dans les médias, mais tu regardes et tu vois que toute l’équipe de production est blanche. Je veux qu’on mette de l’avant les personnes de couleur dans les différents contenus sans qu’ils soient confinés dans leurs stéréotypes. S’il y a une personne arabe, ça ne sera pas relié à l’islam. Je veux déconstruire les préjugés », conclut la jeune femme.
Retrouver Naïla, Laurie et Christle sur le balado Black Girls from Laval. https://www.youtube.com/c/BLACKGIRLSFROMLAVAL