Communitas: réintégrer les ex-détenus anglophones

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Traduit de l’anglais par Simon-Claude Gingras

Un détenu sort de prison après une longue peine. Il n’a pas de famille. Puisque la loi interdit aux ex-prisonniers de fréquenter quiconque possède un dossier criminel, tout contact avec les comparses qu’il a connus entre les murs lui est maintenant interdit. Dénicher une maison de transition, trouver un emploi, se débattre avec les forfaits de téléphonie mobile ou les comptes de banque, tout cela peut devenir accablant: c’est là qu’entrent en jeu les équipes de bénévoles.

Montréal possède plusieurs de ces groupes destinés à accompagner un ex-détenu dans ses démarches de réinsertion. La plupart proviennent d’organisations religieuses. Les anglophones, eux, peuvent compter sur Communitas. C’est en 1999 que le prêtre anglican Peter Huish, aumônier dans les pénitenciers fédéraux, constate cependant le manque de ressources dont souffrent les anciens prisonniers anglophones lorsqu’ils retournent dans la communauté. « De plus », dit-il dans une entrevue accordée en 2009 au Sou’Wester newsletter, « j’ai compris que les moins isolés d’entre eux entretenaient surtout des liens dans le secteur sud-ouest de Montréal. »

Peter Huish a d’abord consulté les groupes religieux et communautaires du quartier pour mettre sur pied les Missions communautaires du sud-ouest de Montréal (MSCM). Aujourd’hui, l’organisation s’appelle Communitas, et son siège social a pignon sur rue en plein centre-ville, au 635 Ste-Catherine ouest, au sous-sol de la cathédrale Christ Church.

Constitué d’aumôniers, de bénévoles et d’ex-détenus, l’organisme a toujours comme but de tendre la main à ceux qui sont en liberté conditionnelle ou qui sortent tout juste de prison : « C’est une façon de participer à la sécurité de la population et au bien-être de l’ensemble de la communauté. »

Réseau d’entraide

De plus en plus, le Service correctionnel du Canada cherche du soutien à la réintégration des ex-détenus auprès des Églises et des groupes de bénévoles. Les organismes religieux et leurs membres ont toujours eu à cœur de guider les anciens prisonniers vers une vie qui leur permette de participer positivement à la société.

La Covid-19 n’a pas mis un terme à la libération de criminels, et ce sont des bénévoles qui les aident à retomber sur leurs pieds. « En fait, la Covid s’est révélée très bénéfique aux Relais Famille, affirme Bill Kokesch, bénévole de Communitas. À cause des rencontres Zoom, le nombre de participants a augmenté ».

Les Cercles de Soutien et de Responsabilité (CSR), affiliés à CoSA (Circles of Support and Accompaniment), comptent parmi les programmes soutenus par Communitas. Faisant partie d’une initiative nationale présente en pas moins de 15 endroits partout au Canada, les CSR aident les délinquants sexuels, dont la sentence arrive à terme. Bien que les bénévoles ne cautionnent pas leurs crimes, ils ne portent pas de jugement sur les individus et les accompagnent au jour le jour dans leur réinsertion sociale.

L’organisme CoSA/CSR existe depuis plusieurs années et a maintenant le statut de projet de recherche, administré par l’Université St.Mary de Halifax. Il a démontré sa valeur en plus de 25 ans d’activité. « Parmi tous les programmes destinés aux ex-détenus, c’est l’un de ceux qui ont connu le plus de succès », soutient Ron Melchers, criminologue de l’Université d’Ottawa, dans une entrevue réalisée en 2014. « Ç’a été une sorte de phare, si on contemple son succès ».

Fraternité diversifiée

Les membres de Communitas avaient l’habitude de visiter les prisons pour y effectuer une reconnaissance et jeter des ponts, mais la Covid-19 a interrompu cette pratique. Une autre tradition chère à l’organisme a cependant subsisté : les réunions « Portes ouvertes », qui persistent, chaque mardi soir, malgré que la salle de réunion où elles se tenaient soit fermée depuis le début de la pandémie, en mars 2020.

Réunis par le truchement magique de Zoom, ex-prisonniers, bénévoles et aumôniers échangent des infos et assistent à une présentation sur un sujet d’intérêt général. Entre 35 et 50 personnes en moyenne assistent à ces rencontres virtuelles, ce qui équivaut à peu près à l’auditoire qu’attiraient les réunions avant la Covid, lorsqu’elles prenaient place au diocèse montréalais de l’Église anglicane.

Le lancement des Portes ouvertes a eu lieu le 11 septembre 2001, se rappelle Jeri, qui participe à la coordination des rencontres. « Nous étions tous un peu hagards, comme en état de choc », dit-elle à propos de cette première soirée d’activité, qui coïncidait avec les attaques terroristes perpétrées contre les tours jumelles, à New York. 

La popularité de l’activité a rapidement pris de l’ampleur. Jeri impute son succès à l’effet de surprise : « nous ne révélons jamais d’avance les sujets qui seront abordés, contrairement à ce que font les autres groupes du genre. Si le sujet du jour est, par exemple, le féminisme, quelqu’un pourrait prétendre ne pas vouloir se renseigner à ce propos. Or, aux Portes ouvertes, chaque participant se familiarise avec les thèmes mis au programme, puisqu’il se trouve déjà sur place. »

Jeri ajoute qu’« il ne s’agit pas simplement d’un groupe de personnes qui se rencontrent. Nous sommes mus par des motifs supérieurs. Nous voulons améliorer le monde. Et que dire de la diversité! Où d’autre peut-on retrouver côte à côte analphabètes fonctionnels, doctorants, sans-abris et fonctionnaires des Nations-Unies, dont l’âge va de 20 à 85 ans? Ici, toutes les rencontres sont possibles! »

Les sujets abordés par les conférenciers lors de ces rencontres s’étendent du droit matrimonial au retrait des tatouages en passant par l’élevage des moutons, et un membre de Communitas est même déjà venu raconter son ascension du mont Everest.

Prise de position pour la réinsertion

Communitas, grâce à son infolettre ainsi qu’aux conférences et autres projets de recherche auxquels il participe, prend position publiquement sur de nombreuses questions, qu’il s’agisse de l’opposition au confinent solitaire des détenus ou de la promotion de la justice réparatrice

Plusieurs textes de son infolettre portent la signature d’avocats qui commentent l’actualité ou quelque changement à la loi, surtout si l’une ou l’autre concerne la détention et ce qui l’entoure. L’objectif de tous ces efforts, comme le formule un article de Sou’Wester paru en 2019, est de « faire participer une plus grande portion de la population au processus de réinsertion ».

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