Par Colin McGregor | Dossier Médias
Deux exemples des décisions rendues par le Conseil de Presse du Québec sur deux plaintes illustrent leur processus :
Julie Guillemette a déposé une plainte le 29 septembre 2021 au sujet de l’une des photos illustrant l’article « Collision grave en Beauce : un motocycliste est décédé de ses blessures » publié sur le site Internet du Journal de Québec, le 19 septembre 2021. Elle est la mère du motocycliste de 16 ans qui a péri.
Mme Guillemette a déploré la publication de la photo qui apparaît au début de l’article. Cette photo montre la moto renversée au bord d’une route ainsi que des débris du véhicule et un sac à dos. On aperçoit une petite flaque de sang au sol, au bas de la moto endommagée, partiellement cachée par le sac à dos.
La mère a demandé : « Croyez-vous qu’il était nécessaire de bien montrer à nos parents et amis à quel point mon fils s’est vidé de son sang sur les lieux de l’accident ? Le photographe a pris bien soin de zoomer jusqu’à voir la mare de sang avant de la publier. »
Selon le Conseil, les photos choquantes dans l’intérêt public sont souvent disséminées par les médias. Par exemple, en 2015, la fameuse photographie du corps du petit Alan Kurdi sur une plage de Turquie alors que sa famille tentait de fuir la violence de la Syrie a permis d’illustrer les risques que les migrants étaient prêts à prendre. Mais dans l’exemple de la photo de la moto renversée, est-ce que le Journal de Québec a inutilement heurté la sensibilité du public ?
Selon le Conseil, dans leur décision rendue en février 2023 :
« La photo pointée par la plaignante n’apporte aucun élément d’information supplémentaire ou essentiel pour comprendre les événements décrits dans l’article ou dans les autres images. C’est pourquoi, dans ce cas bien spécifique, il n’était ni nécessaire ni utile de publier la photo qui comportait la flaque de sang, car d’autres photos illustraient bien l’accident et que celle-ci n’apportait rien de plus en matière d’information. »
« Conséquemment, cette photo heurte inutilement les proches de la jeune victime et toute autre personne qu’elle a pu choquer. »
Plainte rejetée
Il arrive qu’une plainte soit rejetée : Geneviève Denis dépose une plainte le 12 novembre 2021 au sujet de l’article « Nouveau procès parce qu’il est anglo » publié dans Le Journal de Montréal, le 11 novembre 2021. La plaignante déplore un titre inexact et sensationnaliste. Le journaliste n’est pas mis en cause dans ce grief, parce que le titre relève de la responsabilité du média. Normalement dans un quotidien c’est un rédacteur (ou une rédactrice) et non le journaliste lui-même qui va écrire les titres, en tenant compte de l’espace sur la page qu’ils doivent remplir au-dessus de l’article.
Selon la décision : L’article mis en cause rapporte qu’« un trafiquant de drogue anglophone condamné à 15 ans de prison après avoir été pincé avec la plus grosse quantité de crystal meth jamais saisie à Montréal aura droit à un nouveau procès, car ses droits linguistiques n’ont pas été respectés par le tribunal. » En tant qu’anglophone, l’accusé avait droit à un procès dans la langue de son choix, cependant « le français s’est vite installé dans la salle d’audience […] Un nouveau procès, en anglais cette fois », a été ordonné par le juge Robert M. Mainville.
La plaignante s’inquiète de l’interprétation qui pourrait être faite du titre, qu’elle considère sensationnaliste, estimant qu’il pourrait « alimenter la rage de certains francophones envers “les Anglais”. »
Mais, selon le Conseil, le titre ne déforme pas la réalité et n’exagère pas abusivement la portée réelle des faits qu’il décrit. Il fait référence au statut linguistique de l’accusé, un anglophone, qui n’a pas été respecté lors du procès initial, et au nouveau procès ordonné par la Cour d’appel.
Les décisions du Conseil de presse sont publiées sur leur site web avec les noms des membres du comité des plaintes. Il est composé de six membres : deux représentants du public ; deux représentants des journalistes ; et deux représentants des entreprises de presse.
Le Conseil de presse du Québec est le chien de garde de l’intérêt public envers les médias. Voici comment il exerce sa mission.Pour plus d’information : conseildepresse.qc.ca
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