Miguel (nom fictif), d’origine colombienne, est arrivé au Québec avec sa femme et sa petite fille il y a trois ans et demi.
Dossier Immigration
«Les premiers temps de notre arrivée, tout allait très bien. Nous étions comme en vacances. Arrivés à la belle saison, nous avons pris le temps de découvrir la ville de Montréal que nous avons trouvée très jolie. Nous étions encore pleins d’espoir, même si l’incertitude de cette nouvelle aventure demeurait présente dans notre esprit.»
Sur les motivations de leur immigration, Miguel répond: «Nous faisons partie des immigrants travailleurs qualifiés et dans notre vie antérieure, nous étions professionnellement bien intégrés. Ma femme et moi avions une vie assez agréable, des salaires convenables, et nous habitions un quartier tranquille de Bogota. Mais on voulait découvrir autre chose, une autre culture, une autre langue, avancer et par la même occasion améliorer notre situation dans son ensemble et offrir une vie meilleure à notre fille.
«Nous n’avons pas tout de suite trouvé du travail à cause du handicap de la langue. J’ai entamé mes cours de francisation après deux mois pour y remédier et j’ai poursuivi mon processus d’intégration par les démarches pour la reconnaissance de mes acquis. J’ai même pu trouver du travail dans mon domaine de compétences. Ce qui n’a pas été le cas de ma femme qui ne vivait pas les choses de la même façon. Elle était un peu perdue, elle n’a rien entrepris pour la valorisation de ses acquis professionnels, et elle a dû ensuite prendre un travail dans lequel elle ne s’épanouissait pas, elle trouvait même cela dévalorisant en comparaison de sa précédente expérience. Quand l’hiver est venu, elle n’a pas pu s’empêcher de déprimer et ça a été le début des disputes entre nous. On ne pouvait plus se parler sans se chicaner. L’idée de retourner au pays nous a traversé l’esprit pendant une courte période, mais vu l’énergie et l’argent qu’on y avait mis il n’était pas question de baisser les bras.
«Le plus dur, aussi, ça a été de ne pas avoir de cercle social, hormis le couple d’amis colombiens qui nous avait reçus à notre arrivée. Ici, les gens sont très respectueux et ne s’occupent pas des affaires des autres. Mais dépasser cette étape et tisser une véritable amitié, ce n’est pas possible. Moins de 2 ans après de notre arrivée, nous sommes retournés en Colombie pour une visite et cela nous a fait du bien. Ça a été une pause qui nous a permis de respirer.
«Ce qui m’attriste, c’est qu’il a fallu que nous en arrivions à des violences pour saisir la gravité de ce qui nous arrivait. Mais c’est ce qui nous a poussés à trouver de l’aide auprès du Centre d’aide aux conjoints. C’est à partir de là qu’on s’est donné la chance de nous prendre en main et surtout de reconnaître nos difficultés. Avant, nous faisions tout pour montrer aux autres que tout allait bien. C’est dommage, mais entre Colombiens nous sommes constamment dans une espèce de concurrence pour montrer qui a le mieux réussi ici, ce qui fait que chacun s’arrange pour sauver la face et laisser croire que tout va pour le mieux même si ça n’est pas vrai.
«Aujourd’hui, ma femme et moi, on a décidé de se donner la chance de tenir nos promesses et de respecter nos objectifs de départ, pour nous et pour notre fille qui est si bien intégrée à la société. Elle aime la neige, elle aime vivre ici, même si personnellement je souhaite qu’elle conserve aussi des valeurs de sa culture colombienne.
«Je me souviens qu’en arrivant au Centre d’aide aux conjoints je me trouvais dans une profonde solitude.»
Miguel ne peut retenir ses larmes en évoquant ce moment.
«Aujourd’hui, cela fait quatre mois que nous sommes en thérapie, et on a appris à tirer des enseignements de nos problèmes et à apprécier ce que nous avons: une vie paisible et une bonne santé pour surmonter ensemble les obstacles du parcours d’immigrants. Si je devais donner un conseil aux autres immigrants, ce serait de ne pas se référer aux histoires des autres. Chaque parcours est unique. Garder ses objectifs en vue, mais s’accorder le temps nécessaire pour les réaliser. Vivre chaque nouvelle étape franchie comme une victoire.»
Même si le processus peut être difficile au début, d’autres couples réussissent à maintenir la cohésion familiale. Ils renversent la vapeur en resserrant leurs liens de manière à mieux appréhender cette phase transitoire et ainsi faire face ensemble à l’orage en attendant le beau temps.
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