Par Colin McGregor | Dossier Dépendances
Les habitudes de consommation de drogues varient entre les États-Unis, le Canada et le Québec : analysons ces différences.
Aux États-Unis, il y a une épidémie de décès par surdose d’opioïdes. Dans l’ensemble, les décès par surdose de drogue ont augmenté entre 2019 et 2021, avec plus de 106 000 décès signalés en 2021. Parmi ceux-ci, les décès impliquant des opioïdes synthétiques autres que la méthadone (principalement le fentanyl) ont augmenté avec 70 601 décès par surdose signalés en 2021, donc plus de 2 sur 3 (U.S. National Institute on Drug Abuse).
Cette tendance est constatée dans l’ouest du pays. En Colombie-Britannique, on compte plus de 1 200 décès liés à des drogues toxiques enregistrés au cours des six premiers mois de 2023, le fentanyl et/ou un analogue du fentanyl étaient présents dans plus de 90 % des tests toxicologiques. Même en Ontario, la plupart des surdoses proviennent du fentanyl.
Mais au Québec, l’enjeu est différent. Selon Santé Montréal, en 2022, parmi les décès par intoxication suspectée signalés par le Bureau du coroner du Québec, des stimulants ont été détectés dans 63 % des cas et du fentanyl (opioïde) dans 23 % des cas. C’est l’inverse de la situation aux États-Unis et dans l’ouest du Canada.
Opioïdes VS stimulants
Selon Santé Montréal, les opioïdes produisent un effet stupéfiant et relaxant, et peuvent provoquer de l’euphorie. Ce sont des substances extraites d’une plante, le pavot à opium, ou des produits fabriqués en laboratoire avec des effets similaires (opioïdes de synthèse). Le fentanyl est un opioïde 40 fois plus puissant que l’héroïne et 100 fois plus puissant que la morphine.
Les stimulants sont des substances qui augmentent l’activité du système nerveux central, l’état d’alerte, l’attention et l’énergie. Ils peuvent aussi augmenter la pression artérielle, accélérer la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire. Des exemples des stimulants sont la cocaïne, le crack, le crystal meth (méthamphétamine) et les amphétamines.
Mortalité
Pourquoi avons-nous moins de décès par des opioïdes ici qu’aux États-Unis et dans l’Ouest canadien ?
Les intervenants qui travaillent dans la rue avec des toxicomanes ne sont pas sûrs. Il y a plus d’efforts par Santé Canada pour fournir des seringues propres que pour enseigner des façons d’inhaler sous supervision, dans un espace sécuritaire. Le fentanyl est souvent injecté tandis que les stimulants sont généralement inhalés.
Une intervenante, qui ne voulait pas être nommée, suggère que c’est une question d’approvisionnement. Le fentanyl vient d’Asie; les stimulants viennent d’Amérique du Sud. Et il y a une forte population asiatique dans l’ouest qui consomme des opioïdes.
Les intervenants au Québec cherchent les autorisations pour établir des sites de consommation supervisés (SCS), qui englobent plus que les sites d’injections supervisés (SIS). Dans un SIS, tu peux avaler une pilule, tu peux t’injecter, tu peux sniffer (priser), mais tu ne peux pas inhaler une substance, car ça prend un système de ventilation.
L’organisme Oasis à Laval a travaillé avec la santé publique pour mettre en marche une unité mobile de SCS. « Nous sommes fiers de l’avoir mise en place pour combler le besoin », nous dit une intervenante. « On a constaté un grand besoin, on a une grande population qui consomme des stimulants ».
Ça a pris plusieurs démarches pour mettre en mouvement ce projet, sous le nom Nomade, mais « ce n’était pas si difficile », nous dit un travailleur de l’organisme Oasis.
Leur unité mobile fonctionne depuis juin 2023. Pour plus d’informations, téléphonez au 438-867-4225 ou consultez leur site Web : oasisunitemobile.com.
Jusqu’à présent, il n’existe aucun SCS, mobile ou fixe, à Montréal ou à Québec.
La réduction des méfaits
L’expression « réduction des méfaits » a été adoptée par le Québec – et les traducteurs du Canada anglais – comme traduction du terme harm reduction.
La caractéristique centrale de l’approche de réduction des méfaits repose sur la réduction des conséquences négatives liées à l’usage des drogues plutôt que l’élimination du comportement d’usage lui-même. L’approche de réduction des méfaits est d’abord apparue aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Allemagne au début des années 1980 pour ensuite s’étendre à l’Amérique du Nord et au reste du monde.
L’approche inclut plusieurs principes :
– Tolérance à l’endroit d’un comportement socialement et moralement controversé ;
– Réduction progressive des méfaits jusqu’à une éventuelle élimination de l’usage (hiérarchie d’objectifs) ;
– Rencontre des usagers dans leurs milieux de vie (outreach) ;
– Offre de services et de soins adaptés à leurs conditions physique et psychologique, assortie d’un minimum d’exigences (seuil bas).
Source : Institut national de santé publique du Québec
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