Une chronique de Florence V.Savoie et Estelle Cazelais, sexologues – Dossier Sexualité
Le mouvement des carrés jaunes est né d’une dénonciation des codes vestimentaires, souvent perçus comme sexistes et plus restrictifs envers les filles. Il a été initié par des étudiantes dans des écoles secondaires du Québec, d’abord dans la région de Québec, puis a gagné les autres régions de la province. Un élément déclencheur : plusieurs adolescentes sont renvoyées chez elles parce qu’elles sont habillées de manière jugée indécente : refus de porter un soutien-gorge, épaules non couvertes, shorts ou jupes trop courtes. Or, ce type de sanctions renforce les stéréotypes sexuels qui nous envahissent déjà trop.
- L’éducation des filles est moins importante que celle des garçons.
- Une femme se définit par sa manière de se vêtir.
- Certaines parties du corps féminin sont taboues alors qu’elles ne le sont pas chez les hommes.
- Les garçons sont moins bons à l’école que les filles. Ils ont besoin de plus d’encadrement pour se concentrer. C’est pour cette raison que les filles doivent être décentes (quel mot horrible!)
- Les garçons sexualisent les filles, ils sont des agresseurs de nature.
Des messages tous plus stéréotypés les uns que les autres qui mettent en boîte les comportements attendus des femmes et des hommes dans notre société, excluant du même coup les personnes trans, les personnes au genre non conforme et les personnes non binaire.
Il faut faire appel à notre gros bon sens et rappeler que deviner la poitrine d’une adolescente en dessous de son chandail, mesdames et messieurs, c’est normal ! Oui, parce qu’à l’adolescence, il se produit un phénomène fort intéressant qui se nomme la puberté… Et avec la puberté vient la poussée des seins chez les jeunes femmes (et même chez certains jeunes hommes !). Vient aussi la poussée de la barbe, de la pomme d’Adam et même des muscles – particulièrement l’élargissement des épaules – chez les jeunes hommes. Mais ça, on ne s’en formalise pas. Eh non ! Ça, ce n’est pas indécent, voyons, ce ne sont que les caractéristiques normales d’un adolescent qui grandit. Comprenez bien mon sarcasme, ici ! Un corps de femme qui grandit devrait être perçu aussi positivement que le corps d’un homme qui grandit. Tu deviens un homme, qu’on dira à notre ado de 14 ans aux bras trop grands. Couvre tes épaules et ta poitrine, qu’on dira à notre cocotte qui s’habitue alors à ne pas aimer son corps qui change, parce que tous les jours on lui rappelle qu’elle doit le cacher, que ce soit à l’école, au travail ou dans la rue.
Se choque-t-on de pouvoir deviner la poitrine d’une dame de 75 ans sous son chandail ? La réponse est évidente. Non ! À moins que toutes les femmes ne se mettent à porter continuellement des chandails amples, nous continuerons à pouvoir deviner les poitrines sous les chandails des femmes, qu’elles aient 17, 42 ou 86 ans, comme il est possible de deviner le pénis et les testicules d’un homme dans ses bermudas ou ses jeans. La question qu’il faut se poser est la suivante : pourquoi est-ce que cela dérange chez une adolescente, mais pas chez une femme plus âgée ? J’y répondrais simplement que la sexualisation est dans l’œil de celui ou de celle qui regarde.
On souhaite voir grandir des femmes qui s’aiment et s’estiment, des femmes qui ont confiance en elles. Laissons-leur alors la chance de choisir pour elles-mêmes la manière dont elles souhaitent se présenter – avec ou sans soutien-gorge, avec ou sans jupe à la mi-cuisse, avec ou sans poils. Et apprenons aux adolescent-e-s à se respecter les un-e-s les autres, à ne pas prendre pour acquises les intentions et les volontés d’une autre personne à partir de son style vestimentaire, à accorder plus d’importance à son parcours scolaire qu’à l’épaule de la fille d’à côté.
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Découvrez cette vidéo réalisé par Marine Spaak dans le cadre du concours Ton court pour l’égalité (Centre Huberpine Auclert) qui illustre très la mécanique sexiste. Comme elle l’explique, tout commence par la focalisation autour d’une caractéristique qui en vient à définir la personne.
[…] chronique de Florence V.Savoie et Estelle Cazelais, sexologues, publié sur Reflet de Société – […]