Des règles, pour quelles finalités ?

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Un des défis de taille à relever pour l’animation de séances de discussion est sans contredit de faire passer l’information de manière captivante et accessible de sorte que les participants soient réceptifs à ce qui est présenté. Ceci pour qu’ils puissent repartir avec un bagage de nouvelles stratégies et techniques de croissance personnelle qu’ils pourront utiliser à un moment ou un autre de leur vie. Malheureusement, il n’est pas toujours évident de vulgariser et d’adapter son discours sans compromettre l’essence même du propos. Assurément, une part de sa subtilité et de sa profondeur sera le plus souvent perdue dans cette opération, rendant les explications parfois plutôt ambiguës, parfois trop stériles. Toujours est-il qu’indépendamment de la rhétorique de l’animation, rien n’empêche les participants.es de bénéficier des explications théoriques fournies, celles-ci les amenant indéniablement, entre autres,  à se questionner et à réfléchir sur eux-mêmes.

Un texte de Guillaume Tremblay – Dossier Santé mentale


Lors de notre atelier sur la moralité et l’égo, c’est ce qui est littéralement arrivé ; même si la partie explicative de l’atelier (qui fut avouons-le un peu longue, aride et surtout lourde d’informations) a été fastidieuse et pénible pour certains.es, la discussion qui s’est ensuivie a été très féconde. Suite à notre exposé sur la théorie du développement moral par stades de Lawrence Kohlberg[1], les discussions ont majoritairement porté sur la façon dont notre conception de la moralité ainsi que notre niveau de conscience individuelle et collective viennent teinter et orienter nos comportements.

Pour Richard (NDLR tous les prénoms ont été changés), il est incontestable que « ta définition personnelle, la façon dont tu conçois la moralité modifie tes comportements et tes actions. » Arnold, approuvant la vision de Richard, renchérit en  précisant que ce sont « tes valeurs versus les valeurs des autres, plus tes croyances qui définissent ta morale, qui vont aussi définir tes actions et tes comportements dans la société, lesquels vont faire en sorte que tu sois considéré comme un bon citoyen ou un délinquant. » Dans ce même ordre d’idées, Julien ajoute :

« Les jeunes ne sont pas tous marginaux de façon négative, il y a certaines règles qu’on peut et même, à la limite, qu’on doit transgresser, car c’est pas toujours équitable et correct, les règles. Mais d’un autre côté ce n’est pas toujours facile d’être marginal, rebelle, de pouvoir changer les choses, en fait d’assumer sa morale. Je suis de plus en plus conventionnel maintenant, mais c’est seulement pour ne pas avoir de problème, ce n’est pas par conviction, ni par volonté. »

Ces paroles sont très évocatrices : la moralité devient modulable; elle change selon les situations  rencontrées au quotidien, mais aussi, chez chaque individu, selon ses perceptions de la réalité, qu’il s’agisse de la sienne ou celle de son entourage. Cette même moralité est aussi tributaire de l’état émotionnel et de l’état de présence de la personne. À cet égard, Paul soulève le point suivant : «  lorsque je suis en consommation, ma moralité est plus souple, en fait elle n’existe plus vraiment. C’est aussi vrai quand je suis fâché, déprimé ou fatigué, elle n’est plus la même. »

La moralité ne serait donc pas quelque chose de statique et de figé, mais aurait plutôt comme caractéristique d’être malléable et adaptable selon les circonstances et les contextes. Ce qui pousse Arnold à dire qu’il aimerait « que l’on soit plus juste envers les autres et soi-même. Que l’on accepte plus la différence, les particularités de chaque personne » et conséquemment, « que l’on arrête de juger les autres pour ce qu’ils font ou comment ils sont. »

Il aimerait aussi « que l’on accepte de faire des erreurs et d’apprendre d’elles, que nous ne soyons pas tous au même niveau de développement et que l’on soit tous en processus d’évolution. »

En fait, il nous amène à appréhender la moralité de façon holistique, qui selon lui « doit d’être englobante, axée sur les besoins des personnes et non sur l’intérêt des plus forts. »

Ce dernier énoncé résume bien ce que l’atelier a suscité comme souhait et prise de conscience de la part de l’ensemble des participants.es : une société plus sensible aux particularités et réalités de tout un chacun, plus inclusive. Une société où ces jeunes (qui trop souvent, en étant victimes d’exclusion sociale, sont marginalisés) trouveraient leur place. Pour que cela soit possible, il importe que nous soyons aptes individuellement, mais tout aussi collectivement, à modifier notre conception de la moralité, à sortir des sentiers battus, à innover, à oser. En réalité, il serait souhaitable de s’exercer à voir la moralité comme étant un véritable contrat social plutôt que de la soumettre à des dictats rigides qui sont très (et trop) souvent éloignés des principes moraux universels tels que la dignité humaine.

[1] Psychologue américain qui est principalement connu pour ses recherches dans le domaine de l’éducation, du raisonnement et du développement.

En complément à Reflet de Société +

Apprenez-en davantage sur la théorie du développement de la moralité avec cette explication de l’Université McGill et cet article de Psychomédia.

Envie de philosopher sur votre morale et celle des autres ? Écoutez cette pertinente vidéo de Monsieur Phi.

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