L’une des particularités du français québécois, c’est la façon dont on prononce certains mots. Rien de nouveau me direz-vous. Non effectivement, mais est-ce que vous saviez qu’on prononce certaines voyelles sans même s’en rendre compte? C’est ce qu’on appelle la diphtongaison.Ce beau grand mot signifie simplement qu’on change de voyelle en cours de prononciation dans une seule et même syllabe.
Un texte de Mylène Roy – Dossier Éducation
Par exemple, certains Québécois et certaines Québécoises prononcent le mot fête [fait]. Donc, on prononce le [a] puis on glisse vers le [i], [fait]. Même chose pour le mot peur où on prononce [a] puis [oe], je répète [paoeʀ]. Comme c’est un fait assez courant et qu’on ne contrôle pas, on le repère quand on se compare avec une autre variété du français. Si on compare la prononciation québécoise du mot fête et celle du français hexagonal, on entend la distinction. La population française prononce [fɛt] sans la diphtongaison, on entend tout de suite la différence entre [fɛt] et [fait]. C’est la même chose pour le mot peur qui est prononcé [poeʀ] en France et [paoeʀ] ici au Québec.
Je vous entends déjà me demander « Comment ça se fait qu’on diphtongue comme ça nous autres, là ? », ce à quoi je répondrai que c’est l’allongement des voyelles qui permet la diphtongaison. Autrement dit, c’est le fait que certaines voyelles soient prononcées avec une durée plus longue qui rend propice le fait qu’on en prononce une autre, parce qu’en les allongeant, ça fait en sorte qu’elles peuvent être relativement instables.
Attention, ce n’est pas parce qu’on ne prononce pas le même mot de la même façon qu’en France que notre prononciation est fautive. Les sons ont simplement évolué différemment dans les deux régions, ce qui est normal vu le peu de contact entre la France et la Nouvelle-France après la Conquête britannique en 1763. Ce qui explique qu’il y ait des diphtongues en français québécois, c’est le fait que les voyelles longues du français classique ont été conservées ici alors qu’en France, la prononciation des voyelles est devenue brève pour la plupart. Donc, le phénomène de la diphtongaison n’est pas récent dans la langue française. Il y en avait déjà dans le français du 12e et 13e siècle, qu’on appelle l’ancien français. À l’époque, il y avait même des triphtongues, c’est-à-dire qu’il y avait trois voyelles qui étaient prononcées à la place d’une seule. La graphie de certains mots témoigne, encore aujourd’hui, de ces phénomènes, par exemple, les mots avec une terminaison en -eau comme beau ou encore le [a] et le [i] dans le mot faire qui se prononce maintenant [ɛ].
Malgré le fait que la diphtongaison ne soit pas une erreur de prononciation ou une façon moins correcte de prononcer un mot, il faut quand même noter qu’en contexte formel, un allongement très prononcé peut être mal perçu. Ça veut dire que si vous accentuez vraiment beaucoup votre allongement en disant, par exemple, mon [pa:iʀ] dans une rencontre avec la direction, vous risquez peut-être de vous faire juger un peu. Il faut aussi garder en tête que ce n’est pas tout le monde qui diphtongue, même si on l’entend souvent au Québec, et que ce n’est pas considéré comme étant standard donc, ça peut avoir une connotation négative.
Maintenant que vous savez ce qu’est la diphtongaison, vous ne pourrez plus vous empêcher de remarquer chaque fois qu’une personne qui vous entoure le fait, parole de linguiste !