Par Raymond Viger | Dossier Éducation et Décrochage
Notre organisme édite et publie des livres et des magazines. L’arrivée de l’écriture inclusive nous questionne. Reflet de Société doit-il adopter ou boycotter cette nouvelle façon d’écrire ?
Notre politique éditoriale a toujours été l’utilisation de mots courts, de termes simples, de phrases et de paragraphes brefs. Le tout pour faciliter la compréhension du texte au plus grand nombre.
La recherche d’une écriture inclusive crée une nouvelle langue et de nouvelles façons d’écrire. Ce nouveau langage complexifie la rédaction et la lecture d’un texte. Si l’objectif est d’inclure le plus de gens possible, elle exclut néanmoins les gens qui sont dyslexiques, ceux qui n’ont pas des habitudes de lecture régulières.
En adoptant l’écriture inclusive, combien de gens ne pourraient plus lire facilement un texte ?
Un article du Devoir se référant à une étude de la Fondation pour l’alphabétisation indique qu’en 2022 ;
· 46,4 % des Québécois présentaient des difficultés aiguës de lecture ;
· 2,5 millions de Québécois sont aux prises avec une forme d’analphabétisme fonctionnel ;
· 25 % des étudiants universitaire éprouvent des difficultés aigües de lecture.
· 25 % des Québécois n’ont pas terminé leur secondaire.
Selon Statistiques Canada, il y a plus de 450 langues maternelles déclarées dans le recensement canadien. Les immigrants contribuent à cette diversité linguistique. Nous avons le défi de véhiculer le français à tous les immigrants que nous accueillons. Faut-il leur rendre la vie plus complexe en leur demandant de maîtriser l’écriture inclusive en plus du français ?
La simplification de l’orthographe
Une tendance a été amorcée, il y a des siècles, celle de simplifier l’orthographe de la langue. L’objectif n’est pas d’en changer la prononciation des mots. Il permet cependant une plus grande facilité pour son écriture ainsi que la compréhension du texte. C’est en 1835 que le vieux français est modifié à l’avantage d’une nouvelle convention orthographique.
L’écriture inclusive va à l’encontre de ce mouvement plus que centenaire de rationalisation de la langue française. Même au niveau de la prononciation, l’écriture inclusive vient brouiller les cartes.
De plus, les adeptes de l’écriture inclusive manient un peu n’importe comment des règles qu’ils ne comprennent ni ne maîtrisent nécessairement. Notre correcteur s’est arraché les cheveux avec des tentatives de correction de textes ayant une écriture inclusive. Des expressions neutres et impersonnelles étaient transformées. Si elles sont neutres et impersonnelles, elles n’avaient pas à être modifiées.
Une langue française complexe provoque un échec de masse, des décrochages scolaires, des troubles de lecture, des citoyens qui ne peuvent pas faire leurs recherches adéquatement parmi différentes sources afin de prendre position socialement…
La féminisation des titres
Selon Statistiques Canada, de 1953 à 1990, les femmes ont pris de plus en plus de place dans le monde du travail. Beaucoup d’emplois n’avaient qu’un titre masculin pour représenter le poste de travail. En 1979, le gouvernement québécois a pris l’initiative de féminiser les titres et fonctions.
Nous avons changé et adapté notre langue française dans une démarche d’inclusion des femmes qui représentent globalement 50 % de la population.
Cette réforme s’est faite facilement, autant dans l’écriture que dans la prononciation, même pour ceux aux prises avec une forme d’analphabétisme fonctionnel.
La question qui tue
Selon Statistiques Canada, 1 personne sur 300 âgée de 15 ans et plus est transgenre ou non binaire. 0,3 % de la population serait donc touché par l’écriture inclusive.
· L’écriture inclusive met-elle en péril notre capacité d’inclure les 48,5 % des Canadiens présentant des difficultés aiguës de lecture ?
· Est-ce que l’écriture inclusive prônée par une minorité est acceptable dans un tel contexte ?
· Est-ce qu’en rendant la langue française plus complexe on marginalise encore plus de lecteurs qui sont différents ?
Reflet de Société a pris position de ne pas inclure l’écriture inclusive dans ses textes.
Je suis un dyslexique majeur avec des troubles de lecture aiguës. Malgré tout, j’ai 22 ans de scolarité et j’ai eu la chance d’être un premier de classe. Si l’écriture inclusive avait existé lors de mes études primaires, je n’aurais jamais réussi à passer au secondaire.
Cet éditorial a été repris dans le livre Regard vers le futur du même auteur. Ce livre est disponible aux Editions TNT.
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