Myriam (nom fictif) est arrivée au Québec il y a environ quatre ans. Elle quitte la Côte d’Ivoire, son pays d’origine, pour fuir le régime autoritaire instauré depuis des décennies. Myriam rêvait d’un endroit où elle pourrait s’épanouir et travailler dans son domaine en sécurité, un endroit comme le Canada. Deux ans après son arrivée, le rêve de Myriam commence à s’effriter lorsque sa demande d’asile est refusée.
Un texte de Mélina Soucy – Dossier Immigration
« Ce jour-là, je suis devenue une femme sans statut, se rappelle Myriam. À partir de ce moment, j’ai mis mes rêves en attente. »
L’absence de statut limite les possibilités d’avenir pour l’Ivoirienne. Elle ne peut pas être propriétaire, n’a pas accès à un permis de travail, ni aux soins de santé, ni à l’éducation. « En ce moment, je vis en colocation à Montréal et je travaille illégalement deux jours par semaine en entretien ménager, en dessous du salaire minimum, se désole la jeune femme qui a effectué des études en communication. J’ai à peine de quoi payer mon loyer et me nourrir. »
Se cacher pour vivre
En février 2017, le maire Denis Coderre avait annoncé que Montréal était une ville sanctuaire. Ce statut devait « assurer la protection et l’accessibilité aux services municipaux aux personnes sans statut légal vivant sur son territoire. » La mairesse actuelle Valérie Plante, bien qu’elle souhaite maintenir pour ces personnes un accès aux services municipaux, parle plutôt maintenant de « ville responsable et engagée », puisqu’elle dit ne pas être en mesure de demander aux policiers d’ignorer une demande de renvoi qu’effectuerait Ottawa. Les villes au Canada n’ont pas le pouvoir de défier l’autorité fédérale, contrairement aux prérogatives dont elles jouissent aux É.U., par exemple.
Pendant les premiers temps où elle commençait officiellement sa vie d’immigrante illégale, Myriam ne voulait pas s’associer au Collectif des femmes sans statuts. « Je croyais que ça augmenterait le risque de me faire renvoyer dans mon pays, explique-t-elle. Et c’est vrai qu’il y a de quoi se cacher. Je vis beaucoup d’anxiété. Une simple infraction comme traverser la rue sur une lumière rouge peut entraîner ma déportation puisque l’ASFC (Agence des services frontaliers du Canada, NDLR) et la police travaillent main dans la main. »
Lorsque sa demande d’asile n’a pas abouti, Myriam a décidé de rejoindre le Collectif des femmes sans statut. « Ça m’a finalement plu comme groupe, car on se soutient entre nous, ajoute-t-elle. En réunion, on discute et on rit. Quand on sort, c’est souvent pour poser des actions politiques, comme le rassemblement d’octobre 2017 où nous avions dénoncé l’inaction du maire de l’époque, Denis Coderre ».
La tribune des femmes sans statut demeure modeste, même si le message qu’elles ont à passer est urgent. « À toutes les femmes dans ma situation je veux dire que ça ne sert à rien de rester seules à la maison, que c’est ensemble qu’on fait bouger les choses, soutient l’Ivoirienne. Et à Sophie Grégoire, représentante de toutes les Canadiennes, je dis : impliquez-vous mieux dans la cause des femmes sans statut; nous vous avons envoyé une lettre ouverte en 2015 à laquelle nous n’avons jamais eu de réponse ».
L’Arabie Saoudite a donné le 25 octobre 2017 à Sofia, une intelligence artificielle humanoïde, un droit de citoyenneté, devenant ainsi le premier pays à accorder un tel statut à une machine. À qui reconnaît-on la plus grande humanité dans cette situation?
Conditions des femmes en Côte d’Ivoire
Ce pays de l’Ouest africain a ratifié en 1995 la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pourtant, un rapport de la Banque mondiale de 2013 démontre que 75% des femmes vivent sous le seuil de la pauvreté en Côte d’Ivoire, surtout en milieu rural.
Le peu d’influence de la gent féminine se manifeste également par le faible taux de femmes dans le cabinet ministériel du pays. En 2017, il n’y avait que 6 femmes ministres sur 29 au sein de cette instance politique. Comment faire entendre la voix des Ivoiriennes si elles ne représentent que 20% du cabinet?
La Côte d’Ivoire était en guerre civile entre 2002 et 2007. Cette guerre a eu plusieurs impacts négatifs sur les droits de la personne. Les femmes et les enfants ont été particulièrement touchés, car ils composaient la majeure partie des réfugiés et des déplacés. Les répercussions se font encore sentir aujourd’hui, car les femmes ont été mises de côté pour les négociations de paix et ont toujours un faible poids dans l’appareil politique.
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