Que peuvent bien avoir en commun la dinde de Noël, les céréales que je mange le matin et la crème pour la peau dont toutes les actrices hollywoodiennes se servent pour ne pas vieillir trop vite? La canneberge, bien sûr!
Un texte de Aude Charrin | Dossier Éducation
Ce petit fruit rond, rose, acidulé et qui préfère grandir dans le froid est principalement cultivé en Amérique du Nord. Cette baie est désignée au Québec de bien des façons : canneberge, atoca, ataca, ou encore otoka, parce que vous vous doutez bien que les Iroquois n’ont pas attendu l’arrivée des premiers colon pour consommer cette savoureuse baie. C’est d’ailleurs le terme d’origine iroquoienne, atoca, qui semble être le premier nom attribué à notre petit fruit rouge. Les langues iroquoises étant des langues parlées et non écrites, les Européens avaient l’embarras du choix pour orthographier le mot, en sachant que les Hurons – qu’on appelle aujourd’hui les Wendats –, eux, employait toca, ce qui donne finalement autant de possibilités d’écriture que de canneberges dans un muffin!
Si le terme atoca a beaucoup voyagé dans toute l’Amérique du Nord, puisqu’il a été relevé jusque dans les parlers francophones de la Nouvelle-Angleterre et du Missouri, il a aussi, comme tous les mots qui voyagent, longtemps varié selon les régions. Dans Charlevoix et au Saguenay-Lac-Saint-Jean, la baie était connue sous le nom d’atoca de cran alors que dans les Maritimes, et plus particulièrement en Acadie, on l’appelait, et on l’appelle encore, pommes-de-pré.
Aujourd’hui, toute la vallée du Saint-Laurent privilégie l’emploi du mot canneberge délaissant progressivement celui d’atoca. Mais d’où vient le mot canneberge alors? Il serait la francisation, faite en 1665, du nom anglo-américain cranberry qui signifie littéralement baie de grue, puisque la tige supportant la fleur ressemble aux grues sur les chantiers de construction navale. Ce mot viendrait lui-même de dialectes allemands ou néerlandais et n’aurait été importé aux États-Unis par les premiers colons européens.
La canneberge était, jusqu’à récemment, assez peu connue dans les autres pays francophones…enfin c’est surtout son utilisation qui n’était pas connue, parce que les dictionnaires faits en France avaient répertorié canneberge depuis 1762 quand même! Et elle est emblématique d’un cocktail mieux connu sous le nom de Cosmopolitan. Réputée pour ses vertus antioxydantes, et facilement identifiable à son adorable couleur rosée et à sa saveur surette, la canneberge a conquis les Européens surtout par l’entremise d’une marque agroalimentaire américaine proposant des jus de fruits sous le nom de Jus de Cranberry.
Les Français dorant les mots anglais parce qu’ils les trouvent cool justement, il ne leur en fallait pas plus pour l’adopter, sans même se demander s’il existait un équivalent français déjà utilisé et recensé dans les dictionnaires… après tout ce n’est pas comme si c’était la première fois que les Québécois utilisent le mot français, et que les Français préfèrent le mot anglais… Bref, que vous l’appeliez atoca, canneberge, pomme des prés ou cranberry, cette petite baie mérite d’être consommée sans modération…à part peut-être dans le Cosmopolitan…
[…] https://www.refletdesociete.com/francais-grammaire-canneberge-education/ […]