Gabriel Cudia : Un ordinateur arc-en-ciel

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Par Colin McGregor | Dossier Santé mentale et LGBTQ+

Après avoir lu son premier livre, ça n’était pas du tout le genre de personne que je m’attendais à rencontrer lorsque j’ai rencontré Gabriel Cudia, 20 ans, commis comptable reconnu pour sa compétence et son amour des chiffres. 

Cool, serein, souriant, direct dans ses réponses; avec ses lunettes et son apparence soignée j’ai pensé à Spock de Star Trek ou à Sheldon de The Big Bang Theory. Ce qui va avec sa différence, quand on y pense.

À partir de l’âge de 17 ans, Gabriel Cudia, née une fille, écrit une série de textes lors des moments difficiles pour parler du vécu sur sa différence : il souffre d’autisme (Syndrome d’Asperger), du TDAH-I (Trouble du Développement de l’Attention et de l’Hyperactivité avec Impulsivité), du TPL, (Trouble de la Personnalité Limite) et se dit « Gender Fluid ». Les Aspergers en particulier sont connus pour être hautement intelligents et restreints.  

Dans son œuvre Un pas vers ma différence Moi (publié par les Éditions TNT) il parle ouvertement des années d’intimidation vécues à l’école et ailleurs. Des années de lutte acharnée qui ont fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui.

Gabriel Cudia : Un ordinateur arc-en-ciel
Gabriel Cudia Crédit photo: C. McGregor

Il s’ouvre aussi au sujet de ses pensées suicidaires.  Il écrit:

Entre ma relation toxique qui virait au cauchemar, la cyberintimidation, les nombreux couteaux qui traversaient mon dos pour ressortir par mon coeur, les coups de coude dans les côtes quand je marchais, les lancées de monnaie sur ma tête dans l’autobus, les commentaires, les regards de travers, les dîners et les regrets sous les marches d’escalier, les agressions sexuelles, les nuits où je m’endormais en pleurant, la mutilation et mon envie d’en finir, je trouvais encore du temps pour apprendre à me détester encore plus chaque jour.

Un soir, une ombre, la mort, lui prend par sa main, mais Gabriel refuse de la suivre. Il pense à sa mère: « J’ai décidé de rester en vie et d’accepter ma souffrance pour que ma mère puisse garder son sourire.» 

Il a enfin trouvé un équilibre grâce au soutien d’une mère qui l’a toujours aimé pour qui il est. Il parle du fait qu’il ne faut jamais lâcher prise, qu’il faut apprendre à s’aimer : « Je ne dis pas que c’est facile de s’aimer, » il écrit, « mais ce n’est pas impossible. C’est un apprentissage comme un autre. Avec le temps et la discipline, on finit par y arriver. »

Mais l’être devant moi ce samedi soir au Bistro le Tambour du Ste-Cath n’a rien de manifestement conflictuel dans son attitude ou son apparence. C’est son Asperger qui lui donne son aspect logique. Donc, comme c’est une particularité d’Asperger qu’ils ne comprennent généralement pas les idées abstraites, il a lâché ses études en finance au Cégep pour faire un DEP en comptabilité.  « Je veux travailler avec des chiffres, »  il explique. « Je veux que 1 + 1 soit 2, et je ne veux pas comprendre ce que je peux faire pour que le chiffre 2 devienne 4 en termes de revenu, comme on apprend en finances. »  

Il aime son apparence super-logique, comme Spock. « Dans un film, le capitaine lui dit, ‘tu feras un très bon ordinateur’, et Spock dit ‘merci,’ c’est moi. » Les chiffres sont concrets : « C’est ma tasse de thé, pour moi c’est juste logique. Je n’ai pas à chercher comment penser, comment je dois me positionner. C’est relaxant. » 

Pourtant, ses écrits sont beaucoup plus émotifs que l’ordinateur devant moi. « J’écris beaucoup sur le coup d’émotion, » il m’explique. « Je veux passer un message de joie, un message d’espoir pour du monde différent, à ceux qui comme moi qui ont failli terminer leurs jours. »

Sa couleur préférée c’est l’arc-en-ciel, toutes les couleurs en même temps : voilà qui est approprié pour une personne « gender fluid. » Il a subi deux opérations pour devenir un homme, mais a refusé la phalloplastie, qui consiste à prélever un lambeau de peau d’une région du corps pour la création du phallus (pénis artificiel). 

Le problème? « Je me vois tantôt comme un homme, tantôt comme une femme. »  Il garde la liberté de s’habiller comme il veut le matin, en fonction de ce qu’il ressent. Comme il écrit dans son livre, « pourquoi n’aurais-je pas le droit ? » Quand je lui ai parlé, le jour de son lancement à Montréal, il portait fièrement les couleurs du drapeau gender fluid  sur une cravate-papillon en mauve bleu et blanc, style de Passe-Montagne dans Passe-Partout

Il veut aider ceux qui souffrent encore de l’intimidation en leur donnant l’espoir. Que se serait-il dit à l’âge de 10 ans s’il avait pu s’adresser à lui-même ? «  Il faut que je sois honnête. Ça sera tough, je n’ai rien vu encore. Il faut que je me concentre sur des raisons qui, malgré toute ça, vont me donner de l’espoir. Si un jour je ne crois plus en moi, que j’aille vers des gens qui savent qui je suis. Eux, ils croient en moi. » 

Mais c’est son côté Asperger qui sort souvent, peu importe le genre que ce transsexuel affiche de jour en jour. « Chaque expression doit être apprise différemment et parfois à la dure. »


Par exemple, lors d’une soirée, une de ses relations l’a invité à s’asseoir, lui lançant l’expression  « tire-toi une bûche ».  «  Je suis allé chercher le foyer pour une bûche. Tu dois m’expliquer les expressions… Avec l’Asperger, on est comme des enfants qui ont tout à décoder. C’est qu’on ne naît pas avec les codes de la norme. »

Il avoue qu’il se bat « chaque jour pour accepter la personne que je suis. » Pourtant, le nombre des amis et membres de sa famille présents pour ses deux lancements du livre – un à Mascouche d’où il vient, et un dans l’est de Montréal – témoigne du fait que Gabriel Cudia a un nombre enviable de personnes qui l’aime dans son cercle de soutien. Un de ses messages phares à ses lecteurs : trouvez des personnes qui vous soutiennent et rapprochez-vous d’elles.. 

Gabriel écrit souvent dans son livre son amour pour les étoiles. « J’adore tout ce qui brille, » il confie. « J’ai une passion pour les lumières. Mon lieu favori c’est Illumi à Laval.  J’y vais chaque année. »

Avec son amour pour les astres et son génie évident, pourquoi n’a-t-il pas suivi des études en astronomie?  « J’aime bien garder une part de mystère. J’ai peur que de tout savoir ne brise ma créativité. »

 


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