L’histoire a eu lieu lorsque j’étais en détention, en transfert d’une prison à une autre.
Un texte de Colin McGregor – CFF de Laval – Dossier Chronique d’un prisonnier
Allongé sur le matelas du haut d’un lit superposable dans une cellule de 7 x 10 pieds, nous avons subis mon compagnon cellule et de moi, de terribles démangeaisons.
Des zébrures rouges se sont développées sur toute notre peau, surtout au niveau de la partie inférieure de nos jambes et bras. Mon compagnon en souffrait plus que moi: ses zébrures se sont étendues jusqu’à son ventre. La nuit, on se grattait tellement furieusement que le bruit de l’un pouvait réveiller l’autre.
«Ces docteurs stupides ne veulent pas me voir», se plaignait-il. «Qu’est-ce que c’est que ce bordel?» Un jour -c’était un vendredi- l’équipe médicale débordée de la prison appela son nom. Lâchant des jurons comme… comme tout détenu en prison… Il se leva et s’en alla. Quelques minutes plus tard, mon nom fut appelé, chose bizarre puisque je n’avais pas demandé de rendez-vous. Ma peau était depuis toujours mauvaise… Je me suis dirigé vers le poste des soins infirmiers, où deux infirmières se tenaient à quelques mètres de moi et regardaient, horrifiées, mes chevilles sanglantes.
«La gale.»
Cette chose que vous ne souhaiteriez jamais avoir, et certainement pas dans un espace clos. Nous sommes instantanément devenus les personnes les moins populaires de la prison, qui est remplie de personnes extrêmement impopulaires, chose qui était déjà un véritable exploit.
Petit acarien
La gale est une maladie qui infecte la peau. Elle commence par une petite bosse, puis se propage sous une forme de zébrures rouges et sanglantes. Le cas ressemble à beaucoup d’autres problèmes de peau, tels que le zona. La gale est une sorte de film d’horreur. Elle est causée par un petit insecte brun à 8 pattes, un acarien, ayant une forme de tortue. Et ce parasite Scarpotes Scabiei ne peut pas être vu à l’œil nu.
Les acariens femelles creusent sous votre peau, souvent se faufilant entre vos doigts, orteils, ou vos «parties intimes». Une fois qu’elles accèdent à l’intérieur de votre peau, elles prennent leur temps pour creuser jusqu’à ce qu’elles trouvent un endroit agréable pour pondre leurs œufs. Vous rappelez-vous de ces scènes du film Alien, lorsqu’un animal denté perce la paroi de l’estomac d’astronautes, montrant ses dents en triomphe avant de prendre la fuite dans la station spatiale? C’est la même sensation.
C’est effrayant. Tout ce que vous touchez doit rester dans un sac en plastique pendant 7 jours, ou peut-être même brûlé. Les douches chaudes sont une nécessité, pour faire cuire ses petits diables se trouvant sous votre peau et vous en débarrasser. Il n’y a jamais eu meilleur argument pour prendre des douches chaudes régulières.
Les acariens peuvent creuser jusqu’à 1/5ème d’un centimètre par jour, et peuvent vivre à l’intérieur de vous pendant plusieurs semaines avant que vous le remarquiez. Non seulement cela, mais les médecins ne peuvent jamais confirmer que vous avez ou aviez eu la gale. Les insectes sont trop petits pour être détectés, et il n’existe aucun test définitif. En prison, lorsqu’on remarque des démangeaisons, une peau rouge et des bosses, on assume qu’il s’agit de la gale. Être traité comme un porteur de la gale est une expérience insultante, que vous l’ayez ou non.
La solitude
Nous criant dessus à travers les portes de cellules, mon compagnon et moi prenions des douches séparées en couvrant, de ce qu’on nous a dit, être une crème très chère. Nos repas nous ont été apportés par des bénévoles pas très disposés. La gale est un événement semi-régulier en prison, il existe donc un protocole dont tout le monde est au courant. Vos vêtements sont emportés dans des sacs à risque biologique, vous faisant sentir moins humain, comme si cela ne suffisait pas d’être emprisonné. Vous êtes isolé du reste de la population carcérale le temps d’appliquer vos crèmes et de rester en attente.
Suivant les ordres du médecin, je me suis enduis de crèmes, pris mes douches, changé mes vêtements à plusieurs reprises, et beaucoup lu. J’ai essayé de ne pas me gratter la nuit, juste pour que mon compagnon de chambre puisse dormir. Celui-ci est devenu de plus en plus exaspéré. Il venait d’être condamné à sa première peine de prison. En plus de la gale, Il avait beaucoup de choses à digérer.
En fin de compte, j’ai réussi à convaincre la plupart des prisonniers qui me criaient dessus que contracter la gale n’était pas de ma faute. Après deux semaines de crèmes et de solitude, mes éruptions se sont évaporées. Était-ce la gale après tout? Je ne le saurai jamais.
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