Petites filles hypersexualisées
Les lolitas des temps modernes
Aujourd’hui, nos petites filles ne font plus leur âge. Maquillage, vernis à ongles, brassière, g-string, tenues courtes et provocantes… le sexy est à la mode et il semblerait qu’il n’y ait pas d’âge pour s’y mettre.
Gifty Mane Dossiers Hypersexualisation, Santé, Société
Victimes de la mode de plus en plus jeunes, ces minis lolitas veulent tout faire comme des adultes et elles sont poussées, très tôt, à découvrir le culte de la beauté et de la féminisation du corps.
Mais une telle tendance comprend des risques et peut nuire à leur développement. Qu’est-il arrivé à l’âge de l’insouciance? Que pouvons-nous faire pour inverser la tendance?
Toutes les petites filles ont déjà joué «à la madame»: enfiler une jolie robe, se glisser dans les chaussures à talon de maman, porter ses bijoux, son parfum, son rouge à lèvres et déambuler dans la maison, maquillées comme une voiture volée, dans un accoutrement trop grand.
Jeux d’enfants
Cette phase d’imitation est tout à fait normale, quoi de plus naturel que de vouloir ressembler à son premier modèle féminin? Mais lorsqu’un marché se crée autour de cette phase de mimétisme et propose aux petites filles des produits initialement destinés aux adultes, la situation devient problématique. Notre société pousse les enfants à grandir trop vite, au risque de leur voler leur innocence.
«De nos jours, on a tendance à percevoir l’enfant à partir de considérations adultomorphes, en d’autres termes, on impose à l’enfant ce qui appartient à l’adulte, et on le voit comme tel», affirme la psychanalyste Marie-Claude Argant-Le Clair.
Petites reines du spa
Le phénomène des lolitas est une tendance occidentale inquiétante et la société de consommation y joue un rôle important. Au nom de la mode, nous laissons nos enfants consommer des produits et services normalement réservés aux plus âgés. Aujourd’hui, on peut voir des petites filles de 5 ans aller au spa ou chez l’esthéticienne pour un soin du visage, un bronzage ou une pédicure.
Depuis peu, le concept des instituts de beauté pour enfants gagne en popularité et se développe dans les métropoles: Montréal, Toronto, New York, Paris, Bruxelles… toutes les grandes villes sont touchées.
Ces instituts ont développé des produits et services spécialement destinés aux très jeunes enfants: soins du visage au chocolat, massages, manucures colorées, impression sur ongles, du rose, des paillettes… Il n’y a aucune limite, tout est fait pour plaire aux petites filles. Il est même possible d’organiser son anniversaire au spa.
Mimétisme
Cette nouvelle tendance intrigue: est-il vraiment sain de laisser des enfants si jeunes se préoccuper autant de leur image? «L’enfant naturellement se préoccupe de son image et veut être comme maman, mais en lui proposant sérieusement de se maquiller ou de se mettre du vernis, on vient perturber l’ordre des choses», explique le Dr Argant-Le Clair.
D’après Émilie Mane, conseillère familiale et spécialiste de la petite enfance, un enfant à 4/5 ans se construit d’images, il imite ce que fait l’adulte sous forme de jeu. «Il joue à la madame, à la maman, au pompier ou au docteur […]. Quand on l’emmène dans un institut de beauté, il n’y a plus de semblant, ça devient réel. On le pousse à reproduire l’adulte, on lui impose un modèle, sans le laisser exprimer sa créativité et cela pose problème, car on ne l’aide pas à bâtir son identité.»
Idoles dévoyés
En allumant la télévision ou en scrutant les pages d’un magazine, on comprend mieux l’origine de cette tendance. Les célébrités adulées par les petites filles (Rihanna, Selena Gomez ou Miley Cyrus) font la une de la presse à sensation dans des tenues provocatrices. L’image de la femme projetée dans les médias est réduite à l’état d’objet sexuel. Et laisser nos enfants suivre la mode sans discernement peut entrainer des risques sérieux.
Mini moi
Le phénomène des lolitas touche les petites filles de plus en plus tôt et l’industrie de la mode est à remettre en cause. Il suffit de visiter les boutiques de prêt-à-porter ou les cours d’école pour se rendre compte de la réalité. Les tenues indécentes sont aux goûts du jour, et c’est ce que veulent les enfants et parfois, ce qu’encouragent les parents.
Dans un centre commercial, nous rencontrons Haley et sa maman: cette petite Ontarienne de 10 ans sort très rarement sans son lip gloss rose bonbon et son faux piercing au nez. Et lorsqu’on lui demande pourquoi, elle répond: «c’est jolie et ça match avec le piercing que porte ma maman, comme ça on est pareilles.»
Il est vrai que la ressemblance de la fillette et de sa mère est frappante, d’autant plus qu’elles portent les mêmes vêtements: un mini short et une camisole rose. Ce petit jeu d’assortiment semble amuser sa mère Nancy: «Les gens trouvent qu’on se ressemble, ils pensent des fois qu’on est sœur. Haley aime bien qu’on porte la même chose pour qu’on soit « comme des jumelles ». Mais bon, c’est plus un mini moi qu’une jumelle.»
Victime de la mode
Le Dr Argant-Le Clair explique que c’est la responsabilité du parent d’éduquer son enfant et de lui apprendre le bon goût.
«C’est le rôle des parents d’imposer des limites. Et de savoir dire non. On ne va pas partout habillé de la même manière. On ne va pas à l’école habillé comme à la plage ou comme une star… On doit éduquer l’enfant à respecter les conventions sociales… Tout ce qui est à la mode ne convient pas forcément esthétiquement aux jeunes et ne sied pas non plus au corps de l’enfant. C’est aux parents de voir ce qui est convenable.»
Pour Ophélie (8 ans) et sa sœur Valérie (12 ans), magasiner est une vraie passion, et comme beaucoup de jeunes filles de leur âge, elles apprécient les sorties au centre commercial. Bien qu’elles soient encore trop jeunes pour aller magasiner sans leur mère, ces jeunes filles ont déjà une idée bien précise de ce qu’elles veulent porter.
«Moi j’aime les vêtements qui ont des couleurs et des paillettes, le rose et le violet surtout, confie Ophélie. Quand on va magasiner, je choisis mes habits et après c’est ma mère qui achète et décide ce que je peux porter à l’école.» «Moi j’aime les jeans, et les crop top (demi T-shirts), ajoute sa grande sœur, Valérie. Ma mère ne voulait pas m’en acheter au début, mais elle a dit oui, mais pas pour l’école, juste en vacances pour aller à la plage ou à la piscine.»
Rôle des parents
Le travail de supervision de Lucie, la maman, est très important, spécialement à cet âge-là. «En tant que parent, c’est vrai qu’on a une pression. Elles veulent être bien habillées, et nous, on veut qu’elles soient heureuses, mais si on ne dit pas non de temps en temps, elles vont suivre toutes les modes. Par exemple la grande (Valérie), elle voulait commencer à mettre du maquillage, comme les copines. J’ai dû dire non, pour moi elle est trop jeune. Du maquillage sur une fillette de 12 ans, ça n’a pas d’allure, elle ne va pas aller à l’école comme ça.»
Le Dr Argant-Le Clair encourage les parents à imposer des limites à leurs enfants. «Bien souvent la pression sociale sape l’autorité parentale. Mais il est important pour les parents de ne pas céder et d’imposer un cadre à leurs enfants pour qu’elles se construisent sainement.
«Quand on habille une fille de 10 ans comme une adulte de 18 ans, on lui envoie le message qu’elle peut tout faire comme une adulte de cet âge. Il y a là un problème de cadre et de limite qui incite aux débordements…», explique le Dr Argant-Le Clair. Les parents doivent considérer qu’avec certaines modes, il est facile de tomber dans l’hypersexualisation et en laissant les petites filles les suivre sans limites, on les rend vulnérables à la perversité de certains.
«À long terme, ces petites filles risquent de devenir des surconsommatrices, ajoute le docteur. Elles peuvent suivre la mode sans questionnement: est-ce que ça me convient? Puis-je choisir librement de façon appropriée ce qui me plaît?» Autant de dangers auxquels le Dr Argant-Le Clair veut alerter les parents.
Phénomène durable
Toute mode n’est pas forcement bonne à suivre, et le phénomène des lolitas est bien parti pour durer. Il appartient aux parents d’agir en adultes responsables et d’imposer des limites visant à protéger leurs enfants des excès de notre société de consommation.
L’impact de l’hypersexualisation et sa banalisation auprès des fillettes est un sujet ouvertement débattu. En revanche, l’impact de ce phénomène sur les petits garçons est encore un thème mystérieux qui reste à étudier.
Hypersexualisation: terme moderne dont la définition est encore incertaine. Les professionnels de la santé s’accordent à dire que l’hypersexualisation désigne un comportement sexuel précoce. Jocelyne Robert, sexologue, résume ce terme comme une «représentation de l’enfant comme une sorte d’adulte sexuel miniature.» Ce terme peut aussi désigner l’utilisation de la sexualité à des fins commerciales.
Lolita: concept occidental relativement récent. Utilisé dans les médias, le terme lolita désigne les préadolescentes et les adolescentes qui plaisent par leur jeunesse. Ce terme provient du roman Lolita de Vladimir Nabokov, contant l’histoire du narrateur amoureux d’une fillette de 12 ans. Aujourd’hui, on parle de phénomène des lolitas pour décrire la tendance de ces petites filles qui se prennent pour des jeunes femmes, et qui par le biais de la mode, entrent de manière précoce dans le monde adulte.
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