Un peu partout, on invite les gens à prendre soin d’eux. En ayant une vie active ou avec une bonne alimentation. Toutefois, la recherche d’une santé parfaite peut se retourner contre soi. «La personne a l’impression qu’elle prend soin d’elle et qu’elle fait la bonne affaire», explique Linda Lanthier, nutritionniste et propriétaire du Centre ancrage, spécialisé en troubles alimentaires. Elle avertit toutefois que si la bonne alimentation ou l’exercice physique deviennent une obsession, la détresse va prendre le dessus et la santé mentale déclinera.
Un texte de Mickaël Bergeron – Dossier Santé
Une détresse dissimulée
La bigorexie et l’orthorexie sont méconnues et peuvent facilement être perçues comme étant une bonne chose. «La bigorexie est un besoin incontrôlable d’activité physique parfois confondu avec l’intensité de la pratique sportive, explique Linda Lanthier. Même si la personne a une blessure, il n’y aura pas de pause, elle cherchera quand même à s’entrainer à tout prix et lorsqu’il y a une pause, on peut observer des signes de sevrage, comme la tristesse, la colère ou la culpabilité.»
Ainsi, la bigorexie, parfois nommée «anorexie inversée» ou «dysmorphie musculaire», est une dépendance comportementale. Parfois, elle en remplace une autre qui était peut-être jugée plus négativement. L’exercice physique est plus encouragé que le jeu compulsif ou l’alcoolisme, par exemple.
Cette intensité se manifeste également avec l’orthorexie, qui apparaît «lorsque l’alimentation devient une obsession, souligne la nutritionniste. Si l’anorexie se concentre sur la quantité, l’orthorexie vise la qualité.» Au début, ce sont quelques éléments qui sont coupés des repas, comme le sucre ou le sel, puis arrive un moment où ce sont des groupes alimentaires au complet qui sont mis de côté. «Les gens peuvent consacrer plusieurs heures à planifier un seul repas, ajoute-t-elle. Ils ont l’impression qu’ils mettent leur santé en danger si leur alimentation n’est pas pure.»
Ce qui n’aide pas, c’est que ces deux troubles viennent avec une certaine valorisation. «L’activité physique calme l’anxiété, crée du plaisir, booste l’estime de soi et s’accompagne d’une valorisation rapide», précise Linda Lanthier. De l’autre côté, la minceur et la santé sont tellement encouragées, que l’apparence d’une alimentation saine peut être célébrée.
Des conséquences graves
Si l’orthorexie ne met pas le corps en danger en soi, les risques pour la santé mentale sont bien concrets. Le plaisir de manger disparaît et l’obsession envahit la vie des personnes qui en souffrent. La bigorexie et l’orthorexie peuvent toutes deux mener à l’isolement et même à des séparations ou à la perte d’emploi si la satisfaction du besoin obsessif est brimée. De plus, la bigorexie peut aussi occasionner d’importantes blessures.
Peu de personnes viennent consulter Linda Lanthier précisément pour ces problèmes, mais elle les observe chez plusieurs qui ne se rendent pas compte de leur comportement. La nutritionniste conseille aux familles ou aux proches qui pourraient s’inquiéter pour une personne de discuter avec elle, en nommant les inquiétudes, les changements observés et les irritants. Elle les invite aussi à être des «modèles positifs», en ne participant pas à la pression sociale à propos du poids et de l’apparence physique.
[…] texte de Mickaël Bergeron publié sur Reflet de Société | […]