Par Colin McGregor | Dossier Criminalité
Quand Jean-Simon Brisebois avait cinq ans, « mes parents se sont battus aux couteaux devant moi », se souvient-il. Il a donc été placé en centre d’accueil par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Un geste qui lui a sauvé la vie, pense-t-il. « J’étais dans un milieu précaire où la drogue était présente. Mon père était un motard ».
Il est resté dans des centres d’accueil pendant neuf ans. En 2024 cet « enfant de la DPJ », comme il se décrit, âgé de 44 ans, est un poète montréalais bien établi avec 12 livres à son actif. Il contribue à son tour en offrant les redevances de quatre de ses livres à la Fondation des jeunes de la DPJ. Ces quatre recueils de poésie sont publiés par les Éditions TNT.
« Les livres sont bien choisis », dit-il. L’un d’eux, L’éveil des émotions, qui traite de la dépendance affective, a été écrit alors qu’il était à l’Institut psychiatrique Pinel. Les trois autres sont Renaissance, son premier recueil ; Je me raconte, qui relate le début de son histoire personnelle ; et Lettres écarlates, qui parle de l’amour et de la rupture.
Il lui a fallu du temps pour qu’il se décide à céder ainsi ses royautés. « J’avais des lacunes, des réserves parce que concernant la DPJ, il y a du pour et du contre dans la balance. Mais le pour était plus fort. Ils font de leur mieux. Ça a façonné la personne que je suis aujourd’hui. Sans la DPJ, je serai en prison, à l’hôpital ou la morgue ».
En 1997, à l’âge de 17 ans, « j’ai découvert le Café Graffiti. J’étais dans le parc avec mes chums. On chillait dehors parce qu’on était des délinquants. On consommait, on buvait, on cherchait à se sentir relié à quelque chose ». De plus, il a eu une altercation à son école où il s’est fait battre par 20 gars.
« J’ai vu le Café Graffiti à l’émission de Claire Lamarche ». Il s’est aventuré à l’intérieur. Raymond Viger, qui est toujours directeur de l’organisme, lui a dit : « bienvenue au Café Graffiti, le théâtre de la vie ».
Raymond « est devenu mon sauveur ». Dans le Café traînaient quelques-unes des personnes qui l’avaient battu. Mais avec l’encadrement de Raymond et des autres préposés, Jean-Simon se sentait en sécurité. Même si « la peur était là ».
Au Café Graffiti, Jean-Simon a trouvé un sens d’appartenance que les autres anciens de la DPJ retrouvaient dans des gangs.
Parlant de sa jeunesse, il se rappelle : « C’était dur de regarder par la fenêtre, le soir, espérant qu’on vienne me chercher. Lourd de peine, lourd de solitude, le début de la carence affective. Souvent les gens vont dans la rue parce qu’ils consomment de la drogue, de l’alcool, en quête de sexe et de jeu pour apaiser leur dépendance affective ».
Toutefois, « la plus grande des prisons est à l’intérieur de nous », ajoute-t-il. Il a été sauvé de cette geôle par la poésie. « Je suis armé de mon stylo pour me défendre. »
Le jeu
Un coup de dés
La roulette de l’amour
A chaviré
Lorsque le pire est survenu
D’un silence amer
D’une conscience
Aveuglée de trahison
L’amour au prix
Misé d’un non-retour
Jetant cartes sur table
Se rendant compte
Que le croupier a ramassé
L’enjeu d’un passé instable
Rouge, rouge
Impair et passe
Les jeux sont faits
L’amour sur un coup de dés
Le croupier a tout réclamé
– Jean-Simon Brisebois, de son recueil L’éveil des émotions (Éditions TNT)
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