Le politicien neutre est un leurre. Idéal républicain maintes fois rabâché, ce concept pourtant séduisant sur papier se montre inopérant dans les faits. Parce qu’une femme qui fait de la politique reste avant tout une femme, avec l’expérience de vie qui lui est propre et les valeurs spécifiques à son genre. Parce qu’aussi, si le moule politique a été bâti au masculin – les femmes en étant exclues pendant des siècles -, les temps changent. Et c’est timidement que l’on voit aujourd’hui le féminin s’affirmer en politique.
Un texte de Eléonore Genolhac – Dossier Politique
Pendant longtemps, les femmes ont dû acquérir les attributs masculins, le fameux « instinct du tueur » évoqué par Françoise Giroud, journaliste et femme politique française, dans son livre La comédie du pouvoir, pour acquérir leur place en politique. Faire de la politique en tant que femmes, mais comme des hommes. Oublier la spécificité due à leur genre, se plier au moule et s’y fondre. Il est vrai que bien souvent, c’est ainsi qu’elles ont réussi à se faire accepter.
En attestent les réponses à un vox pop réalisé en juin 2014 dans les rues de Montréal. À la question « pouvez-vous me citer trois grandes femmes en politique ? », la majorité des personnes interrogées ont immanquablement répondu Margaret Thatcher, et l’une d’elles, Catherine (55 ans), d’ajouter : « la politique, c’est un système, les femmes qui montent acquièrent des traits de caractère dits masculins; regarde Thatcher. »
Reconnaissance du féminin
Heureusement, l’exercice du pouvoir par les femmes, les différentes images qu’elles en offrent contribuent à modifier la culture politique traditionnelle. « Ce n’est pas parce que tu es une citoyenne que tu en es moins un citoyen », déclare Pascale Navarro, journaliste et auteure du livre Les femmes en politiques changent-elles le monde?.
Il est grand temps de comprendre qu’hommes et femmes ne partagent pas la même vision ni la même façon de faire de la politique et que l’apport des femmes – en tant que femmes – est essentiel. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait déjà l’Union interparlementaire internationale, en juillet 2008, lorsqu’elle écrivait, dans son rapport Égalité en politique. Enquête auprès de femmes et d’hommes dans les Parlements, « qu’en raison de leur expérience de femmes, de mères, d’épouses et de filles, les femmes parlementaires apportent une contribution très particulière à la vie politique (…) ».
Faire autrement
Si les hommes valorisent le pouvoir, les femmes, quant à elles, n’y voient qu’un moyen de gouvernance, et non une fin en soi. « Les femmes n’ont pas la même façon que les hommes de prendre des décisions, d’analyser une situation, de mettre en pratique. Comme, en général, elles n’ont pas une soif de pouvoir à assouvir – à moins d’être devenues des bêtes de partis politiques–, elles restent très concrètes, très pratiques, avec un grand sens des réalités. Elles savent gérer, ramener à la raison. Elles sont plus à l’écoute des besoins et des demandes que les hommes », confie Catherine de Falguerolles, élue municipale depuis plus de 25 ans à Lempaut (village français).
Ainsi donc, les femmes exerceraient un leadership distinct de celui des hommes, plus interactif, davantage basé sur le dialogue et la recherche de consensus. Louise Mainville, conseillère de ville de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal va dans ce sens en déclarant: « Les hommes aiment la chicane, ils pensent que c’est en bataillant qu’ils imposeront leur point de vue. Les femmes sont différentes, elles sont davantage portées sur la conciliation, sur le consensus qui va leur permettre de faire passer et accepter leur projet ».
Multiplier les images
L’entrée des femmes en politique est encore très récente d’un point de vue historique. Les Québécoises peuvent voter depuis 1940 seulement. La première femme députée au Québec, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, a été élue en 1962. Il y a à peine plus de 50 ans. C’est pourquoi il faut « multiplier les images, les représentations des femmes au pouvoir pour imposer une vision différente du monde traditionnel qu’est la politique », comme l’affirme Pascale Navarro.
« Les structures de nos sociétés ont été ébranlées depuis que les femmes ont intégré l’espace public. Par les valeurs qu’elles portent, elles vont à l’encontre de notre façon de voir le monde, comme système fortement hiérarchisé. Mais on voit bien que ce système est devenu dans le même temps obsolète, que ce soit avec la crise économique et financière, ou les différents scandales qui sont venus entacher le monde politique. Les femmes proposent d’autres façons de fonctionner qui sont en train de se généraliser », avance Madame Navarro.
Le monde est à l’aube d’un changement majeur dont nous vivons actuellement les balbutiements. Et si ce changement ne provient pas que de l’initiative des femmes, gageons qu’il ne se fera pas sans elles et qu’elles sauront y occuper toute la place qui leur est due.
[…] texte de Eléonore Genolhac publié sur Reflet de Société – […]