Dans notre société, somme toute sécuritaire, comment se fait-il que tant de gens souffrent d’anxiété? Nous avons posé la question à Samuel Veissière, anthropologue et professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill.
Dossier Santé mentale – Anxiété, quand tu nous tiens
« Avant même la pandémie, on constatait une épidémie de troubles anxieux et d’attaques de panique, particulièrement chez les jeunes. Pourtant, nous vivons dans un endroit où il n’y a ni guerre, ni catastrophe naturelle, et où les taux de criminalité sont très bas. En fait, c’est un peu contre-intuitif, mais la liberté est très anxiogène.
Dans les sociétés traditionnelles, le but de la vie était déjà donné, il suffisait d’intégrer les structures en place. De nos jours, les jeunes font face à un éventail étourdissant de choix : il faut choisir une carrière, une identité, des partenaires amoureux, un sens à la vie… Or, plus il y a de choix, plus cela crée de l’anxiété.
C’est un fait très étudié, notamment en marketing. Donnez aux clients d’un restaurant un menu avec trop d’options, et ils vont figer! À l’épicerie, devoir choisir entre quatre sortes de beurres d’arachides est angoissant!
Une autre raison, c’est qu’il y a une culture de surprotection des enfants depuis les années 80. Ce qui est paradoxal, puisque cela coïncidait avec une baisse de la criminalité et des accidents de la route.
Et, finalement, rappelons que l’humain a évolué dans un contexte très dangereux où il n’était pas prédateur, mais proie. Notre cerveau et notre système nerveux se sont développés dans ces conditions. Nous jouissons donc d’un système de détection des menaces très raffiné, mais l’absence de dangers nous prive de la possibilité d’entraîner ce système. Ce qui nous mène à surinterpréter ce qui nous entoure, et à sursauter en croyant voir un serpent ou un rat, là où il n’y a qu’une feuille qui tombe. »
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