Après une enfance souvent solitaire et marquée par une mauvaise gestion des émotions, Constance Cazzaniga a reçu le diagnostic du syndrome d’Asperger à ses 21 ans. Aujourd’hui, elle demande une meilleure représentation des femmes vivant avec le syndrome d’Asperger dans les médias québécois.
Au primaire, Constance ne pouvait pas s’arrêter de pleurer normalement. Elle s’enfermait dans sa chambre et elle criait pendant des heures. « Quelque chose ne fonctionnait pas dans ma tête », affirme-t-elle. La petite brunette pouvait exploser à tout moment puisque c’était sa seule façon de réagir.
Durant l’adolescence, Constance n’acceptait pas l’idée d’être différente. « Je me distinguais par mon style vestimentaire plutôt que par moi-même. » Pour elle, c’était un moyen de se protéger et de renier cette différence. Elle voulait, tout simplement, se fondre dans la masse. « C’était plus facile de faire le caméléon que d’essayer de me trouver. »
En classe, Constance ne reconnaissait pas toujours l’autorité de ses professeurs. Elle ne se gênait pas pour exprimer ses opinions. Elle ressent, encore aujourd’hui, le besoin de dénoncer les injustices. « L’esprit critique permet de naviguer entre le vrai, le faux, l’opinion et les faits », clame-t-elle.
Gentiment « piégée »
Son père, psychologue de formation, avait assisté à la conférence d’une thérapeute spécialiste de l’autisme. « Il m’a reconnue lorsqu’elle a présenté le syndrome d’Asperger ». À ce moment, la jeune femme de 21 ans souhaitait consulter un psychologue pour des raisons personnelles. Son père lui a donc proposé de rencontrer la docteure Isabelle Hénault, sans lui mentionner sa spécialisation. « Il m’a piégée en croyant que je percevrais négativement le diagnostic ».
Au contraire, Constance a compris tout l’éventail des émotions en suivant une thérapie cognitivo-comportementale. « J’ai appris à identifier le moment où je commençais une crise. J’ai aussi appris comment je pouvais la désamorcer. » Dans son « ancienne vie », elle ne ressentait que la colère, la tristesse et la neutralité. Aujourd’hui, elle arrive à mettre le doigt sur la bonne émotion.
Ce processus s’est toutefois étendu sur plusieurs années, mentionne-t-elle. « On doit se payer un psychologue béhavioriste et suivre une approche cognitive comportementale. Ce ne sont pas des frais que tout le monde peut se permettre. On doit aussi, évidemment, compléter les exercices. »
Constance a ressenti de la compassion pour ses parents depuis l’annonce de son diagnostic. À l’inverse, de vieux amis ont arrêté de lui parler. « Cela a créé des malaises chez certaines personnes. »
Pas de pilule miracle
« Tu me proposerais une pilule miracle et je ne la voudrais pas, lance Constance, qui s’estime heureuse dans la vie de tous les jours. Une personne atteinte du syndrome d’Asperger souhaitera guérir de la dépression, des troubles anxieux et de ses attitudes autodestructrices et non du syndrome. »
Au contraire, la Rédactrice en chef du magazine Hollywood PQ est fière d’avoir « le cerveau [qu’elle a] aujourd’hui ». « On parle beaucoup de diversité, mais on doit également célébrer la diversité neurologique », croit-elle.
Elle estime qu’il faut parler du syndrome pour mieux se comprendre entre personnes neurotypiques et neuroatypiques. « Sur une échelle d’anxiété de 0 à 10, des individus neurotypiques se situeront autour de 0 à 2, sans facteur de stress. De mon côté, mon anxiété naturelle se retrouve à 5 ou 6. Je deviens anxieuse rapidement dès qu’une situation angoissante survient », donne-t-elle comme exemple.
« On a souvent l’impression que le syndrome nous impose des limites. Toutefois, ce sont des barrières psychologiques qu’on se met dans notre tête », ajoute Constance. Selon elle, Serge Denoncourt, metteur en scène reconnu à l’international, et Louis T, humoriste apprécié par les Québécois, sont des exemples positifs de personnes vivant avec le syndrome. « Ils démontrent que nos rêves demeurent atteignables, peu importe notre diagnostic. »
Peu de modèles féminins
Constater que les seuls modèles québécois sont des hommes est une frustration en soi, relate la professionnelle des médias. « Je reçois beaucoup de messages de jeunes femmes après que celles-ci aient pris connaissance de mon histoire sur Ton petit look. Comme je ne suis pas une personnalité publique, ça en dit gros sur la représentation dans les médias. »
Constance aimerait accroître la visibilité des femmes Asperger dans la société québécoise. « Si les médias commencent à parler davantage de l’autisme, on entend moins parler du syndrome d’Asperger. Discuter ouvertement de ce trouble permettra à d’autres personnes de s’y identifier. Elles pourront ainsi mettre un mot sur leur différence », pense-t-elle.
Ressources
La Fédération québécoise de l’autisme
Partout au Québec au (514) 270-7386
La Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement
Montréal au (514) 524-6114
Partout au Québec
Troubles du spectre autistique : guide de sécurité en ligne
Groupes d’entraide
Aspie Québec, Aspi(e) rations et Femmes Asperger (aspergirls) francophones
Livres
Le syndrome d’Asperger : guide complet
Tony Attwood | 2009
L’Asperger au féminin : comment favoriser l’autonomie des femmes atteintes du syndrome d’Asperger
Simone Rudy | 2013