Par Raymond Viger
Dossier Politique
Je suis né dans les années 1950. Lorsque j’étais jeune, à l’école, les professeurs nous avaient rassemblés devant des téléviseurs. On voyait en boucle l’assassinat de John F. Kennedy. Quelques années plus tard, c’était celui de Robert Kennedy. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le regard que mes enseignants avaient devant ces images. La peur, la terreur, l’incompréhension. J’ai eu des expressions similaires devant les images des tours jumelles en 2001.
Pendant que certains suivaient le hockey et les batailles sur glace, de mon côté, j’ai passé mon enfance à suivre la guerre du Viêt Nam dans les médias. Je participais aussi à la rencontre de familles qui y ont perdu un fils, un frère, un père… J’ai plus tard rencontré des soldats revenus du Viet Nam. Un stress constant les hantait encore.
Dans mon adolescence, j’écoutais les récits d’hommes qui ont fait la Seconde Guerre mondiale. Leurs histoires trop souvent se limitaient à un long silence. Un récit encore trop pénible pour être raconté. Un mutisme lourd d’émotion pour décrire l’indescriptible.
Adulte, je vendais des meubles. Mon fournisseur m’annonce qu’il va y avoir un important retard dans les livraisons de mes commandes. Bien que les mobiliers soient fabriqués au Québec, certaines composantes provenaient de Bosnie-Herzégovine. Une guerre venait d’y éclater et l’approvisionnement avait cessé. Il fallait refaire une nouvelle chaîne de ravitaillement.
Dans les années 2000, notre journaliste Dominic Desmarais s’était rendu en République démocratique du Congo, au Rwanda et dans plusieurs autres pays d’Afrique pour couvrir la réinsertion des enfants soldats. Des jeunes mutilés, non seulement physiquement, mais surtout psychologiquement. Il a ensuite couvert l’Afghanistan. Une guerre où des jeunes que j’avais accompagnés s’étaient rendus sous le drapeau canadien.
Crise en Ukraine
Et voilà que la guerre en Ukraine éclate. Une Québécoise d’origine ukrainienne, Maria Bilash, avec ses amis, ses parents et beaux-parents, nous demande l’utilisation du Bistro Ste-Cath pour soutenir des actions humanitaires pour son pays natal. Le temps d’un brunch ukrainien, dans un bistro décoré aux couleurs du pays, Maria nous présente un autre visage de la guerre. J’ai croisé ses parents qui arrivaient d’Ukraine. Retraités qui ne sont plus en âge de combattre, ils peuvent quitter l’Ukraine en autobus, se rendre en Pologne pour y prendre l’avion pour Montréal. Mais leur attachement est encore au pays. Après quelque temps, ils retourneront volontairement en Ukraine.
Je prévoyais initialement de faire un reportage de deux pages sur Le Petit Varenyk. Cette activité est un brunch éphémère qui, sous la gouverne de Maria, s’est promenée de Paris à Hochelaga. Finalement ce sera un numéro spécial sur ces Ukrainiens qui nous racontent la guerre, par les arts et la culture.
Malgré une souffrance et des blessures fort possiblement énormes, ce sont des gens qui n’ont que la joie de vivre dans les yeux et le sourire au visage. Une communauté s’est rassemblée. Ils veulent être vus et entendus. Ils veulent nous sensibiliser à la réalité de cette guerre en Ukraine.
Maria nous présente sa communauté. L’autre visage de la guerre.
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