Un texte de Kathleen Couillard – Agence Science-Presse
Dossier Santé
Nos vies ne sont pas seulement plus sédentaires que celles de nos grands-parents : nous passons de plus en plus de temps en position assise. Ces dernières années, différents intervenants ont allégué que cette habitude pouvait entraîner des conséquences négatives sur la santé. Le Détecteur de rumeurs a exploré ce qu’il en était.
Plusieurs médias ont notamment fait écho à ces préoccupations (ici et ici). Certains organismes vont jusqu’à comparer le fait d’être assis au tabagisme : une étude avait même découvert 600 articles de presse qui, entre 2012 et 2016, évoquaient cette comparaison (en anglais, « is sitting the new smoking? »).
Les effets sur la santé d’être assis
Plusieurs études se sont effectivement penchées sur la question depuis une dizaine d’années. Par exemple, une équipe britannique, en 2012, a conclu d’une revue de 18 études que les comportements « assis » étaient associés à une augmentation du risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité, peu importe la cause.
Une autre étude qui date de 2015 et qui s’était penchée spécifiquement sur l’écoute de la télé —une activité qui se pratique généralement en position assise — a noté que, sur une période de 14 ans, une écoute « prolongée » (définie comme une augmentation de 2 heures par jour) était associée à un risque plus élevé de mortalité.
Enfin, selon une étude suédoise sur la santé au travail publiée en 2021, les personnes qui sont constamment assises au travail disent se sentir en moins bonne santé et souffrir davantage de douleurs au cou et au dos.
Il va sans dire que l’effet de la position assise dépend du temps qui y est passé. Les données suggèrent des conséquences négatives à partir de plus de 7 heures assises par jour, expliquent des chercheurs canadiens et australiens qui avaient analysé en 2018 la littérature scientifique récente.
Qu’est-ce que la sédentarité ?
Toutefois, dès 2006, une équipe internationale de chercheurs s’interrogeait sur le fait que les différentes études sur la sédentarité n’utilisaient pas toujours les mêmes définitions pour décrire la position assise, ce qui complique l’interprétation des résultats.
Le problème commence avec la définition même de la « sédentarité ». Les chercheurs canadiens et australiens cités plus haut rappellent ainsi que les comportements sédentaires n’incluent pas seulement la position assise, mais tous les comportements éveillés caractérisés par une « faible dépense énergétique ». C’est le cas par exemple de la position debout immobile des proposées aux caisses, par exemple, qui peut entraîner tout un lot de problèmes additionnels, comme le soulignait déjà l’étude de 2006.
Et si des chercheurs ont inclus le temps passé devant la télé dans le bilan des heures en position assise, l’article de 2006 estimait que cela peut fausser les résultats. Cette opinion est partagée par des chercheurs australiens qui, en 2016, ont tenté d’établir si le fait de passer beaucoup de temps assis était vraiment responsable d’une augmentation du risque de mortalité prématurée. Ils soulignent que le fait de regarder la télévision est associé à plusieurs facteurs confondants et moins bons pour la santé, comme grignoter.
Le danger : être assis ou ne pas bouger ?
Ces chercheurs australiens ont évalué huit revues systématiques (c’est-à-dire huit synthèses d’études), en se basant sur ce qu’on appelle les critères de Bradford Hill (neuf critères, largement utilisés en épidémiologie) pour évaluer si l’on peut conclure à un lien de cause à effet. Leur conclusion est qu’il y aurait bel et bien un lien « fort » entre le temps passé assis et la mortalité, en raison notamment de la stabilité de ce lien dans le temps. Les auteurs soulignent toutefois que cette association n’est observée que chez les personnes peu actives, ce qui ramène encore une fois à la définition de « sédentarité ».
L’article de 2006 avait aussi noté que le lien entre le temps passé assis et la mortalité semblait dépendre du niveau d’activité physique des individus. De même, deux études de 2014 et de 2015 ont montré que les risques associés au temps assis étaient plus élevés chez les personnes qui étaient peu actives physiquement.
Selon ces chercheurs, il faut donc se demander si le fait d’être assis a vraiment des conséquences qui sont indépendantes du manque général d’activité physique. Les chercheurs australiens ne sont pas d’accord : ils soulignent qu’il est possible d’être très actif en général, tout en passant beaucoup de temps assis.
Remplacer le temps assis par du temps actif ?
Plus récemment, une étude réalisée dans trois pays a conclu que de réduire le temps passé assis ne serait pas suffisant pour améliorer la santé chez les personnes complètement inactives. En d’autres termes, remplacer le temps assis par du temps debout ne serait pas suffisant : il vaudrait mieux le remplacer par de la marche ou par une activité plus vigoureuse.
Une étude publiée dans The Lancet en 2016 avait, pour sa part, conclu que de faire 60 à 75 minutes d’activité physique par jour éliminait le risque posé par le fait d’être assis 8 heures ou plus par jour. Autrement dit, selon le premier auteur de l’article, une heure d’activité physique compenserait 8 heures d’inactivité.
C’est ce vers quoi tendait déjà l’étude de 2006 : plutôt que de recommander aux gens de passer moins de temps assis, on devrait les encourager à bouger davantage, peu importe l’intensité de l’activité.
Verdict
Passer beaucoup de temps assis est bel et bien associé à une augmentation du risque de mortalité. Toutefois, cette association est probablement due au manque d’activité physique et non à la position elle-même.
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