L’émission Seconde chance: la réflexion

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Note spéciale: Jean-Pierre Bellemare a été reconnu coupable en mai 2021 pour un autre crime commis en 2018 et se retrouve maintenant en prison.

Un miroir nous renvoie l’image que nous présentons aux autres, mais pas notre condition mentale. Un peu comme à l’épicerie, où l’emballage influence notre choix alors que nous savons que l’intérieur est parfois à des années-lumière. Voilà ma réflexion, cette partie de moi qui n’est pas représentative du reste de mon corps est mon esprit. L’emballage est digne des CD de musique: sous une transparence fragile, son ouverture est difficile.

Un texte de Jean-Pierre Bellemare – Dossier Chronique d’un prisonnier

Un jour, lors d’un meeting des Narcotiques anonymes au pénitencier du Centre Fédéral de Formation, j’écrivis spontanément au tableau: L’armure, qui nous protège de l’extérieur, nous isole autant de l’intérieur. C’est sorti sans réfléchir, c’était une première piste, une clé pour ma libération éventuelle. Un de mes blocages venait d’être défoncé.

J’avais également cette tendance à me comparer aux autres. Pourtant, je connaissais l’adage qui dit que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin. À nouveau, une réflexion vint briser cette attitude qui m’empoisonnait: Nous sommes tous le voisin de quelqu’un d’autre.

Je crois que mon envie de ressentir au lieu de comprendre prenait la mesure de son importance. Depuis des événements de mon jeune âge, j’avais essayé, par instinct, d’éliminer tout ce qui me faisait mal… émotions incluses. Lorsque que je fus arrêté, condamné et incarcéré, tout ce que je voyais me prouvait que j’avais raison: moins tu ressens, mieux tu te portes et couper les ponts avec amis et famille te rend intouchable. Je venais de construire mon propre pénitencier dans ma tête: plus rien ne pouvait m’atteindre, mais je ne pouvais plus en sortir non plus. Le temps passa, les réflexions aussi, un seul constat: le jour où les portes s’ouvriraient… les miennes resteraient fermées.

Je savais dans mon for intérieur que ma vie n’avait aucune valeur. Mais après une évasion manquée où j’ai passé trois heures à me faire recoudre, un trou explosa dans mon armure pour enfin voir les choses autrement. Je pris la décision que la douleur que j’aurais à vivre était le prix à payer pour retrouver mon droit à l’amour.

Ma plume devint un outil de libération. Je donnais vie, transformais et modifiais l’histoire. Je réalisais que sous ma plume, je pouvais retrouver mon essence d’amour. Celle qui donne sans compter. Celle qui anime sans contrôler. Mes réflexions s’approfondissaient, je donnais du sens à ce qui ne semblait pas en avoir. Pour comprendre les autres, je devais d’abord me comprendre.

Si la majorité des gens qui passent par le pénitencier ont le besoin de s’identifier par un tatouage, moi j’en suis sorti sans aucun. J’ai souvent fanfaronné auprès des fonctionnaires, qu’ils n’existaient pas de gens mauvais, mais que des hommes mal-aimés. Car du jour où un homme se sent aimé d’amour, il se transforme en une chose magnifique…

L’émission Seconde Chance, à laquelle j’ai participé, déclencha (beaucoup) de réflexions en moi. Tous ceux j’aime ou que j’ai aimé étaient maintenant capable de revisiter ma relation avec eux d’un œil lucide, en toute connaissance de mon histoire. Plusieurs m’ont demandé ce qui m’avait incité à me jeter en pâture aux lions. Je fus touché par leur sollicitude, mais mon objectif était de démontrer qu’une erreur monumentale pouvait se transformer en leçon sur les bénéfices du pardon.

Que celui qui n’a point péché jette la première pierre. Cette citation biblique a perdu de sa force parce que trop souvent prêchée. Mais le pardon ne vient pas de Dieu, il vient de l’amour. Celui qui nous pousse à nous dépasser, à faire des choses que nous n’aurions jamais faites autrement. L’amour n’est pas juste ce qui nous permet de procréer, il nous aide, supporte et permet de comprendre et de ressentir ce que l’autre est, sans nécessairement être en accord.

Cette expérience médiatique avec des gens bien intentionnés a permis de transformer sur pellicule une crapule en une personne déconstruite. De me présenter sans emballage, sans coloration, ni parfum fut bénéfique. Est-ce que je me suis senti mieux? Pas de doute. Est-ce que je me suis senti misérable ? Pas de doute non plus. Est-ce que cela va me conduire ailleurs dans mes réflexions ? Seuls mes futurs textes en témoigneront.

Cette page de vie marquante fut rendue possible par tous ceux et celles qui, sans nécessairement accepter, comprennent qu’il y a des choses qui nous permettent d’élever notre esprit au lieu de s’abaisser à la condamnation. Merci.

En complément à Reflet de Société +

Entrevue avec Martin Comeau, directeur des communications de l’organisme en promotion de la santé mentale, Survivre, sur le pardon authentique à soi et aux autres. 

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