Une passion, ça ne se choisit pas. On nait avec et on espère vivre au travers. Pour Linda Spear, la vision de son avenir a toujours été simple: depuis ses 4 ans, elle veut devenir prêtre. Problème, elle est catholique et pour le Pape, une femme prêtre doit être excommuniée. Détail qui n’a pas arrêté cette fervente féministe qui, depuis ses 70 ans, vit sa passion.
Un texte de Delphine Caubet – Dossier Religion
Dans une petite ville touristique du sud du Québec, une étrange messe a lieu chaque semaine. L’église anglicane à la sortie de la ville y abrite 2 «hommes» de Dieu. Son propriétaire actuel est pasteur et partage sa maison avec Linda Spear depuis son ordination en 2010. Une collocation atypique et validée par la population qui ravit les 2 protagonistes.
Préparations à la prêtrise
Linda a un long parcours religieux derrière elle. Entre ses années en tant que sœur et son expérience d’universitaire en théologie, son implication dans la foi et la culture catholiques est longue et diversifiée. Son rêve ne s’est réalisé qu’en 2010, mais elle est prête depuis les 1960 à être ordonnée prêtre. À cette époque, l’Église catholique fait un travail de réflexion sur elle-même en s’ouvrant à la modernité: c’est le Concile de Vatican II. Linda est à Winnipeg et l’évêque, comme beaucoup d’autres, est optimiste quant à l’accessibilité des femmes à la prêtrise. «Il nous disait d’étudier, que c’était imminent», explique Linda.
Et elle s’exécuta. L’histoire suivant son cours, le concile réputé pour être l’ouverture de l’Église sur le monde moderne laissa les femmes sur la touche.
Excommuniées
Plusieurs décennies plus tard, Linda découvrit la Roman Catholic Women Priest (RCWP) ou, en français, les Femmes prêtres catholiques romaines. Ce mouvement est né en 2002 en Allemagne par un évêque qui ordonna 7 femmes, celles-ci devenues les fondatrices du RCWP. Aujourd’hui, ces femmes ont été excommuniées par le Vatican, sans pour autant que cela les empêche de poursuivre leur travail. L’évêque ayant lancé le mouvement, lui, reste encore inconnu à ce jour. Il est simplement appelé «Bishop X» et son identité ne sera révélée qu’après sa mort.
En 2017, les femmes prêtres sont plus d’une centaine à travers le monde.
Pour Linda, cette excommunication n’a pas été un choc, car aujourd’hui elle se sent à sa place. Raison pour laquelle elle parle aussi librement aux médias. «Mais d’autres sont moins à l’aise, explique-t-elle, et une personne travaille encore pour l’Église catholique.» Ces femmes sont des bénévoles et n’ont pas de rémunération par les paroissiens ou une organisation supérieure. Un grand nombre de ces femmes ont plus de 70 ans et, grâce leur retraite, elles n’ont plus besoin de s’inquiéter de leur source de revenus. Linda ajoute que ces femmes avaient 20 ou 30 ans au moment du concile de Vatican II… des aspirations qui ne demandaient qu’à se concrétiser.
Idéologie
Parmi les préceptes de ce mouvement, on compte l’égalité entre les genres, bien sûr, mais également le respect de la diversité sexuelle, religieuse et ethnique. Traduction: Linda, est-ce que le RCWP accepte les personnes homosexuelles? «J’espère que oui, car je suis lesbienne», répond-elle dans son flegme anglophone.
Passé l’attrait de la nouveauté d’une femme prêtre, Linda a fidélisé un groupe de 5 ou 6 fidèles qui assistent à sa cérémonie hebdomadaire. Pour Céline, l’une des paroissiennes, assister à la messe de Linda est autant un acte de foi que politique. «Je viens par amitié, pour l’appuyer, et je me sens plus près de Dieu en célébrant avec elle. Et pourquoi pas une femme prêtre?», conclut-elle.
Mais, conséquence de l’excommunication, le RCWP n’est plus à même d’offrir des sacrements reconnus par le Vatican, dont le baptême et le mariage. «Ça ne fait rien pour mes paroissiens, explique Linda, ce sont des personnes déjà en marge de l’Église. Ce sont des paroissiens très œcuméniques».
En effet, certains sont pentecôtistes, d’autres anglicans, catholiques, homosexuels, hétérosexuels, etc. Lors de ses 5 premières années en exercice, Linda a célébré 2 mariages: un gay et un lesbien.
La religion au Québec
En 2017, Linda Spear est la seule femme prêtre catholique du Québec. Elle l’explique que l’accueil a été positif, car la province s’est distancée il y a plusieurs décennies de la religion… ce qui également une plausible explication à son unicité au Québec.
L’un des défis à venir du RWCP sera de maintenir son recrutement pour que l’ordre continue à vivre.
L’observation des pays émergents sera d’autant plus intéressante; leur accession à la prêtrise via le RCWP sera un indicateur sur l’évolution du droit des femmes.
En complément à Reflet de Société +
Retrouvez ce reportage de France 24 sur les femmes prêtes au Royaume-Uni.