Un texte de Grégoire Banse
Dossier Éducation et Santé mentale
Soucieuse d’encourager ses étudiants en génie à relever des défis, Virginie Francoeur, professeure de gestion du changement à Polytechnique Montréal offre à ceux qui manifestent des aptitudes exceptionnelles en communication de publier leurs écrits à chaque chronique. Virginie Francoeur présente Grégoire Banse, étudiant de baccalauréat en génie industriel. Voilà une formidable opportunité non seulement de relier génie, gestion et communication mais de mettre à profit et de partager des connaissances en regard des enjeux environnementaux ou sociaux avec un large public.
Mieux connu pour son esprit cartésien et ses capacités d’innovation plutôt que pour ses aptitudes interpersonnelles, l’ingénieur est parfois décrit comme étant introverti ou encore excentrique.
Cette description suggérant de potentielles lacunes de communication et de cohésion entre l’ingénieur et son environnement de travail est un manque à gagner pour celui-ci œuvrant à la frontière entre sciences dites dures (physique, chimie, biologie) et molles (sciences sociales et humaines).
Selon un sondage réalisé en 2021 par l’Ordre des ingénieurs du Québec, pour lequel près de 2850 membres de l’Ordre furent convoités, il s’avère essentiel pour les futurs ingénieurs de développer de solides aptitudes humaines. Pour un membre de l’Ordre sur deux, l’intelligence émotionnelle et les relations interpersonnelles feraient partie des compétences destinées à gagner en importance. Ces habiletés sociales se retrouvent désormais au cœur du travail de l’ingénieur, qui occupe des postes où le leadership et la coordination d’équipes pluridisciplinaires doivent être effectués avec bienveillance. À ces fins, il lui est donc primordial de porter un œil attentif aux émotions émises lors d’interactions sociales.
Créer et entretenir un environnement de travail sain ainsi qu’une gestion intelligente des émotions avantagerait les nouveaux diplômés une fois sur le marché du travail. Aux États-Unis, en 2011, une étude montre que 71 % des 2662 gestionnaires recruteurs consultés ont affirmé accorder plus d’importance à l’intelligence émotionnelle qu’à l’intelligence intellectuelle d’un employé. Lorsqu’il était question de promouvoir soit l’employé doté de la plus grande intelligence intellectuelle, soit celui avec le plus d’intelligence émotionnelle, 61 % des gestionnaires choisissaient de récompenser le deuxième candidat. Les explications données quant au choix de favoriser un aspect émotionnel plutôt qu’intellectuel sont, d’une part, énoncées comme suit : « Les employés avec une forte intelligence émotionnelle ont plus de chances de rester calmes sous la pression » et, d’autre part, ainsi : « Ils savent comment résoudre des conflits efficacement »
Conscient de l’importance de former de futurs ingénieurs adaptés aux besoins du marché de l’emploi, les établissements supérieurs proposent désormais des enseignements axés sur la gestion d’équipe et d’intelligence émotionnelle. Au Québec, Polytechnique Montréal offre des cours de gestion du changement et de travail d’équipe à tous les programmes de génie (chimique, civil, électrique, industriel, logiciel, physique, etc.). À l’international, l’université de Floride du Sud (USF) propose un programme d’intelligence émotionnelle et de leadership pour ingénieurs. Ces exemples non exhaustifs témoignent d’une tendance grandissante faisant de l’intelligence émotionnelle une composante fondamentale au métier d’ingénieur.
Selon Mayer et Salovey, des chercheurs en psychologie, l’intelligence émotionnelle correspond à la synergie de quatre processus : la perception, l’utilisation, la compréhension et la gestion des émotions.
· La perception montre l’aptitude à percevoir nos émotions et celles des autres. Celle-ci passe notamment par la compréhension ainsi que l’expression de ses émotions et des besoins découlant de ces dernières. Finalement, elle comprend la distinction entre de franches et trompeuses expressions des émotions chez les autres.
· L’utilisation des émotions est la capacité à considérer le lien existant entre nos émotions et notre processus cognitif. Cela comprend l’habilité à savoir employer les émotions à bon escient afin de prendre de meilleures décisions et de s’adapter au mieux à l’environnement.
· La compréhension des émotions concerne la faculté à discerner différentes émotions complexes provenant d’une même situation. Une fine compréhension de l’état émotionnel tient compte des causes à l’origine de ses émotions ainsi que de leur portée.
· La gestion des émotions est la capacité à gérer nos émotions afin de faire prévaloir celles positives sur celles négatives. Cette aptitude permet aussi d’envisager l’émotion la plus appropriée pour une situation donnée ainsi que les stratégies de régulation des émotions les plus efficaces.
Finalement, les nombreux articles scientifiques, publiés sur le sujet, attestent de la nécessité de consolider le profil des ingénieurs par des compétences sociales et plus particulièrement par l’intelligence émotionnelle. Déjà dotés de solides connaissances techniques, ceux-ci se retrouvent désormais dans des situations où le savoir humain est tout aussi capital que le savoir pratique. Heureusement, le modèle portant sur l’intelligence émotionnelle, proposé par Mayer et Salovey, ouvre la voie à la compréhension et au développement de cette habileté pour tous y compris pour ces spécialistes leur permettant, ainsi, d’accroître leurs capacités de gestion d’équipe et de leadership.
Illustration: Laetitia Géraud
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