Une rencontre avec Omégatron. «Je suis tout et en même temps je ne suis rien.» Ainsi se caractérise le danseur de breakdance Jonas Napoléon, plus connu sous le nom d’Omégatron.
Un texte de Marie Semeur – Dossier Santé mentale
Jonas est l’un des ambassadeurs du breakdance à Montréal, avec plus de 20 ans de carrière, 14 compétitions remportées,10 ans de leçons de vie dans le social et une philosophie incroyable. Il nous fait part de son histoire avec le breakdance et de sa méthode d’intervention sociale auprès des jeunes.
Élevé par une mère qui décide de tout quitter pour s’installer au Canada, Jonas s’inspire d’elle pour choisir de suivre son propre chemin en 1990. Que ce soit par le dessin, la musique, les jeux vidéo ou même la BD, chaque médium qui l’entoure devient une source d’inspiration. «Jackie Chan, Fred Aster, les Simpson, James Brown chacun d’eux a apporté une couleur et une personnalité à mes mouvements», explique-t-il.
Philosophie de vie
Des périodes difficiles qu’il a traversées, Jonas a tiré une philosophie et une force de vie qu’il veut transmettre: «J’ai appris à me retrouver et à vivre de choses simples. Chaque situation doit être prise comme un apprentissage, qu’elle soit bonne ou mauvaise, décevante ou encourageante. Il faut l’analyser et en tirer quelque chose», confie-t-il.
Jonas se rappelle avoir découvert le hip-hop dans les années 80/90. «C’est grâce à une cassette vidéo de Lords of the underground (groupe de rap influent des années 90) que j’ai découvert le hip-hop et le breakdance. J’ai réussi à la dénicher par miracle, car à l’époque ces cassettes étaient rares. C’est grâce à elle que j’ai pu me démarquer des autres.»
À cette époque, la plupart des jeunes, dont Jonas, sont inspirés par les arts martiaux. Les films à succès de Jackie Chan, Bruce Lee ou Van Damme font partie de leur quotidien. «Tout le monde voulait faire comme eux et utiliser son corps de façon dynamique», déclare-t-il en souriant. Le breakdance fut alors une alternative, «une plate-forme expérimentale de son corps» pour lui permettre de se sentir libre.
Pour Jonas, le 21e siècle tourne autour de l’artificiel. Le monde se projette dans le futur avant même de comprendre son passé. Il faut donc revenir aux bases avant de voir loin. «Je pense que pour évoluer dans le breakdance, c’est pareil. Il faut rechercher des fondations solides pour progresser. Le breakdance actuel est dans un état d’esprit de compétition et de volonté d’aller plus loin», décrit-il.
Selon sa philosophie, notre seule limite est nous-même, et non nos excuses. Réussir à se démarquer dans ce milieu ne s’effectue pas seulement avec l’entraînement, mais aussi grâce à la capacité à écouter, au mode de vie. Il faut trouver sa personnalité.
Travail avec les jeunes
Sa vision d’un cours de danse: ne pas donner de consignes et laisser place à la créativité. Cela fait maintenant au-delà de 10 ans qu’il intervient dans les écoles avec des jeunes de tous âges, qui comme lui ont d’abord été timides. «Je n’aurais pas pu voyager en laissant les autres derrière moi, je devais faire quelques choses pour ces jeunes et pour le breakdance», affirme-t-il.
Il ne se trouve pas devant les jeunes pour leur donner un cours uniquement pratique, mais aussi théorique: «L’éducation est l’un des moyens de faire vivre l’histoire du breakdance. C’est aussi un milieu rude qui évolue tout le temps et auquel il faut être préparé», leur dit-il.
Ces jeunes aux parcours difficiles et différents, Jonas ne veut pas en faire de simples bons danseurs. Il veut les amener à utiliser leurs difficultés et leurs émotions comme une force. À la première rencontre, les jeunes jettent des regards furtifs qui trahissent leur manque d’assurance. «Ces jeunes sont renfermés sur eux-mêmes, mais je peux voir dans leurs yeux qu’ils ont des choses à raconter.»
Petit à petit, il sait comment aller les chercher pour qu’ils trouvent le moyen de s’exprimer à travers la danse. Jonas ne se considère pas comme un professeur typique, mais comme un apprenti. «Je fais partie de leur équipe, je les épaule, les conseille. Les jeunes aussi ont beaucoup à m’apprendre» dit-il.
Passion, émotion, entraînement, partage et persévérance sont les maîtres mots pour un apprentissage complet, selon le prof Jonas. Les bgirl et bboy doivent être en mesure de défendre avec force les valeurs et les couleurs du hip-hop. «Nous sommes des soldats du breakdance en constante évolution. L’Histoire est partout et le hip-hop en fait partie. Le hip-hop puise sa force et se ressent au plus profond de soi», explique-t-il avec fièvre.
Il est fier d’avoir donné accès à l’apprentissage du breakdance à ces jeunes, de les avoir aidés et vus évoluer. «Je suis très content d’avoir permis à des femmes de trouver leur place dans un monde masculin. Elles font évoluer les mentalités et font taire les préjugés. C’est pourquoi je souhaite mettre en avant dans cette entrevue des artistes bgirl telles que bgirl Lynx et bgirl Victoria», conclut-il fièrement.
Cependant, malgré le constat des aspects positifs de l’enseignement du hip-hop auprès des jeunes, l’intervention dans les écoles pour valoriser la discipline devient de plus en plus difficile.
La crise du bboying
Le budget des écoles publiques diminue de plus en plus, ce qui les contraint à embaucher moins d’intervenants extérieurs. Les revenus diminuent et les breakdancers ont souvent des emplois précaires. «On ne peut pas être légitimés si on ne nous considère pas comme des travailleurs! On peut facilement perdre sa place du jour au lendemain», ajoute-t-il.
Il pense de façon peut-être utopique à un syndicat du breakdance qui défendrait leurs droits et valeurs. «Il faut prouver au monde que le hip-hop n’est pas un simple passe-temps.» Malgré ces difficultés, Jonas préfère mettre de l’avant les aspects positifs du breakdance. Que ce soit dans son enseignement ou dans la vie en général, Jonas est fier de son hip-hop! Il est là pour le défendre et montrer à ceux qui essayent de le tirer vers le bas que le hip-hop représente plus qu’une culture, qu’il s’agit d’une communauté, d’une famille.
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