Par Colin McGregor
Dossier Communautaire
Je suis assis à une table au Bistro le Ste-Cath un samedi matin pour notre levée de fonds pour la fête du St-Jean Baptiste. Tout à coup, debout à côté de moi se trouve un homme, souriant, qui remplit mon champ de vision. Un « liseur public. »
« Bonjour, » me dit-il, « est-ce que je peux vous lire des poèmes que j’ai trouvé pertinents pour ce matin ? » Il poursuit en me lisant deux poèmes, Un bagel et Croissants, écrits par le rappeur, poète et essayiste montréalais Jérémie McEwen, tirés de son recueil La panse. Un extrait :
Un bagel
Je me lève du sofa pour aller pisser.
Head rush.
La forme de mon esprit a un trou dedans.
Mon âme devient bagel…
Les Montréalais savent.
Les New-Yorkais font semblant de savoir,
parce qu’ils font semblant de tout savoir.
En matière de bagels, ils savent rien.
Moi, je sais, je suis pas cave.
A la fin de sa lecture, l’homme souriant, Olivier Courtois, m’offre le livre gratuitement. Je le prends.
« Tu dois être surpris », me dit-il. Je le suis.
Il explique pourquoi il a fait cette bonne action. Il est Liseur Public.
Le Liseur Public est un projet de lectures ambulantes offert pour les événements et les organismes. Le Liseur Public crée des interventions et des ateliers pour redonner le goût de lire principalement aux 16-35 ans. Créé en 2019 par la Directrice du Carrefour jeunesse emploi de Hochelaga-Maisonneuve, Eve Cyr, les lecteurs bénévoles se faufilent dans les événements afin d’offrir de courtes lectures ludiques, créatives et spontanées.
Le but, selon Olivier, c’est de « donner le goût du lire aux adolescents et aux adultes. »
Il y avait toute une « brigade » de Liseurs Publics présents à notre brunch ce jour-là. Six liseurs se déploient pour lire à toutes les personnes présentes.
À St-Jérôme, à Trois-Rivières, à Québec et dans Hochelaga-Maisonneuve, il y a le même phénomène littéraire assez curieux et révolutionnaire. Des projets hors de l’Île de Montréal établis avec l’aide du premier projet des Liseurs Publics de Hochelaga-Maisonneuve. « On les a aidé à créer leurs projets, » dit Olivier.
« On cherche à trouver des extraits punchés. Ça crée des étincelles. Après, on offre les livres au public, parce qu’on se dit on peut encourager la lecture, on donne des livres aux mains des gens. C’est un cadeau. »
Ce n’est pas une idée nouvelle. Tout un métier existait autour de la lecture publique au Moyen Âge, il y a mille ans : les troubadours et les jongleurs. C’étaient les hommes et les femmes dont le travail consistait à composer et à interpréter des histoires (romans ou épopées) et des poèmes devant un public qui pouvait être composé de nobles ou de roturiers.
Parce que tant de contes qui ont été conservés par écrit étaient destinés à être lus ou récités à haute voix, ils contiennent encore des traces orales par écrit. De nombreuses romances commencent par « oïez oïez » (entendez-vous, entendez-vous) et incluent fréquemment des phrases telles que « écoutez ce conte » ou « Je vous le dis ».
Olivier a accepté de faire une entrevue avec nous. Voici nos questions, et ses réponses :
– Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être Liseur Public ?
Après ma formation en interprétation théâtrale au Cégep de St-Hyacinthe, je cherchais de belles opportunités pour réaliser mon métier dans mon quartier sur une base régulière. En 2019, j’ai vu l’ouverture de son nouveau projet et ce nouveau poste via le Carrefour jeunesse-emploi d’Hochelaga-Maisonneuve. J’ai tenté ma chance et j’ai obtenu ce merveilleux poste. Ce que j’aime dans ce travail c’est de faire résonner les arts et les rencontres humaines.
– Avez-vous eu des incidents en faisant cela qui vous ont particulièrement touché, particulièrement avec des jeunes ?
On a la chance d’avoir de riches échanges avec les différents groupes du quartier. Évidemment, il y a de très belles rencontres dans notre parcours. Depuis 4 ans, nous collaborons étroitement avec l’école des adultes d’Hochelaga-Maisonneuve, Centre Hochelaga, et nous avons même réussi à amener une partie des élèves au Salon du livre de Montréal. C’est tellement plaisant de faire découvrir de nouveaux livres et des auteurs à ces étudiants.
– J’ai votre formation sur le site web (Il est comédien de formation de l’École de théâtre du Cégep de St-Hyacinthe depuis 2012) mais avez-vous quelque chose à ajouter?
C’est exact, j’ai gradué en 2012 et je continue ma carrière d’acteur depuis 10 ans. J’ai la chance de travailler sur différents projets et de faire du théâtre socialement engagé avec le Théâtre Parminou. Mon cv est accessible sur internet : https://www.agencejr.ca/artiste/244-oliviercourtois.html
– Vous devez aimer lire. Parlez-moi de votre amour de la lecture.
Au départ, je ne suis pas le plus passionné de lecture. J’utilisais la lecture comme outil lors de ma formation de jeu, mais je ne prenais pas le temps de lire pour moi. J’ai fait mes premières belles découvertes littéraires en secondaire 3 grâce à la bibliothèque personnelle de mon enseignante de français. J’ai eu mes premiers contacts avec Patrick Senécal et Chrystine Brouillet. Le projet du Liseur Public me permet de créer de magnifiques rencontres et d’apprivoiser le milieu littéraire à ma façon.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur liseurpublic.com et stecath.com.
Illustration: Laetitia Géraud
Autres textes sur Communautaire
- Chic Resto Pop: Une repas qui fait du bien
- Aider les nécessiteux
- Retraite et pandémie ne font pas bon ménage
- Le visage de l’itinérance
Pour s’abonner à Reflet de Société, cliquez ici
Pour faire un don, cliquez ici
Continuez votre lecture :