La consommation d’insectes par l’être humain s’appelle l’entomophagie. Cette pratique existe depuis toujours et pourrait s’avérer être la solution à la faim dans le monde. Pourtant elle reste encore peu développée dans les pays occidentaux, même si d’aucuns la considèrent comme la nourriture de demain.
Un texte de Enora Perez – Dossier Santé
Avantages sur la viande
D’ici 2050, la Terre comptera neuf milliards d’êtres humains. La production de viande devrait doubler pour pouvoir continuer à nourrir la population globale, ce que les surfaces agricoles ne permettront pas. Il est nécessaire de trouver une solution alternative. L’entomophagie semble en être une, puisque la production d’insectes prend très peu de place et est beaucoup plus naturelle que les élevages de viande, dans la mesure où elle pollue 10 à 100 fois moins.
Les changements climatiques sont la conséquence des gaz à effet de serre, lesquels font partie de la pollution générale dont la planète souffre. Ils ne se dissipent plus, et emprisonnement la chaleur sur la Terre. Au cours des dernières années, l’effet de serre s’est amplifié à cause de l’activité humaine. Les élevages de viande sont en partie responsables de cette conséquence. Les besoins en eau et en nourriture qu’ils demandent sont en fait très polluants pour un résultat peu conséquent.
À l’inverse, les insectes sont peu énergivores. Ils ont moins de besoins à combler, tout en se multipliant plus facilement. Leur taux de protéine présente dix fois plus de valeur énergétique que les autres sources de protéines connues, qu’elles soient animales ou végétales. Ils sont également riches en matières grasses, en fibres et en vitamines.
De plus, rappelons-nous que la maladie de la Vache folle, ou encore la grippe aviaire ont été provoquées par les viandes issues d’élevages intensifs. Elles présentent beaucoup de gènes communs avec l’être humain, à la différence des insectes. Cette alimentation remise au goût du jour diminue donc de façon significative le risque de maladie.
Une pratique ancestrale
La consommation d’insectes est une pratique courante dans de nombreuses régions. En comptant les continents asiatique, africain et sud-américain, on dénombre environ 2,5 milliards d’êtres humains qui se nourrissent d’insectes. Dans ces pays, l’entomophagie est normale et elle est intégrée à l’alimentation quotidienne.
Cette pratique millénaire a même déjà existé dans les sociétés occidentales. En effet, on en a retrouvé des traces provenant d’aussi loin que l’Antiquité et jusqu’à l’époque moderne. Pourtant, ce mode de nutrition a disparu en Occident au cours des siècles, peu à peu délaissé, victime de nombreux préjugés. Les insectes ont été associés à la maladie et à la saleté. Cette image de malpropreté est d’autant plus navrante qu’on l’attribue à tous les insectes, alors qu’en vérité, seule une minorité d’entre eux a réellement un tel rôle de composteur. La mouche en est un exemple, davantage considérée comme un bon recycleur que comme une source de nourriture. En outre, les sociétés occidentales ont développé des moyens pour soutenir l’élevage intensif des animaux et le besoin de se nourrir d’insectes ne se fait donc pas sentir.
Toutefois, étant donné que les ressources nécessaires à la production de viande vont finir par disparaître, quelques pays occidentaux commencent à sensibiliser leur population à cette option culinaire. Ils focalisent leurs arguments sur les bienfaits sanitaires ou encore sur les intérêts environnementaux apportés par cette alimentation nouvelle. Dans cette optique, et pour changer peu à peu la mentalité de leurs clients, certains restaurants ajoutent quelques plats à base d’insectes dans leur menu. Pour contourner le frein psychologique qui subsiste chez certains, l’option des restaurateurs pourrait-être en premier lieu de rendre ces insectes invisibles aux yeux du consommateur…
À petits pas
Raymond Viger a pris connaissance de cette pratique il y a trois ans, en rencontrant la directrice de la Fondation des amis de l’Insectarium de Montréal. Le gérant du bistro le Ste Cath s’est montré tout de suite enthousiaste devant cette possibilité dont il ignorait l’existence jusqu’alors. « Je pensais que c’était possible en Afrique, mais pas à Montréal», affirme-t-il. Cette découverte s’est transformée pour lui en un véritable défi.
Alors qu’à l’Insectarium, les grillons sont enveloppés dans du chocolat, Raymond opte pour une autre approche. Il présente l’insecte dans une cuillère, afin que le client soit conscient de ce qu’il goûte. Si, à la suite de cette expérience, certains déclarent que l’insecte « goûte les chips », son projet de sensibilisation a fonctionné.
En découvrant le menu, certains clients ont d’abord adopté une posture dédaigneuse. Manger dans des assiettes dans lesquelles des insectes ont été servi leur a semblé impossible. À l’inverse, d’autres se sont montrés plus enthousiastes. Raymond Viger lui-même a apprécié cette expérience. Il en a consommé pour la première fois lorsque son restaurant a commencé à en proposer, il y a trois ans. Depuis, il cherche à développer cette clientèle.
Actuellement, le bistro ne dispose que de deux types d’insectes : les grillons et les sauterelles. D’ici quelques années, Raymond espère pouvoir fournir une gamme plus importante d’insectes et voir plus de fermes d’élevages se développer dans la province.
[…] Publié sur le site internet de Reflet de Société le 21 février 2020 […]