Par Colin McGregor | Dossier LGBTQ+ et Éducation
Une année martienne équivaut à 687 jours terrestres. En effet, la planète rouge est plus éloignée du Soleil que la Terre et se déplace plus lentement sur un chemin plus long pour compléter une orbite. Il faut plus de temps pour faire le tour du Soleil…
Farah Alibay, née à Montréal et élevée à Joliette, fille d’immigrants de Madagascar, titulaire d’un doctorat du MIT à Boston, a passé une année « martienne » à travailler sur le projet d’astromobile Perseverance, une mission sur Mars, pour la NASA. Le rêve d’un enfant, un rêve réalisé. Cela signifiait parfois travailler de nuit comme de jour, car la journée martienne est un peu plus longue que notre journée, 37 minutes de plus en fait.
Depuis lors, elle est devenue un incontournable à la télévision, faisant le tour des écoles dans son temps libre, nous expliquant l’espace, inspirant les générations à aller au-delà de leur portée.
Dans son livre Mon année martienne, Farah nous raconte son incroyable voyage de Joliette au futuriste Jet Propulsion Laboratory (JPL) de Pasadena, en Californie, d’où sont contrôlées les missions robotiques de la NASA sur la planète Mars. En chemin, nous rencontrons sa famille, jusqu’à ses arrière-grands-parents, et leurs propres voyages remarquables à travers l’Afrique, l’Inde et la France.
Nous découvrons son enfance et les amis proches qu’elle s’est fait pour la vie, ainsi que certains des coups durs qu’elle a endurés en tant que minorité visible dans une partie très blanche du Québec. Athlétique et livresque à la fois, elle se tourne vers le patinage artistique, le vélo et les heures à la bibliothèque publique pour passer son temps libre. Dans la cour de récréation de son école, elle est souvent bousculée et traitée de « sauvage » et encore pire. Limitée à 30 minutes de télé par jour, elle se sent accueillie par la gentillesse et la généreuse Passe-Partout. En effet, Marie Eykel, qui jouait Passe-Partout, a écrit la préface du livre. « Au moins, dans ce monde-là, je me sentais acceptée », écrit Farah.
Être différente
Plus tard, elle souffrira de discrimination en raison de son statut de femme LGBTQ+. Des micro-agressions qui la frappent tout au long de sa vie. Les femmes ont leur place dans le monde scientifique, mais leur bataille pour l’équité est loin d’être entièrement gagnée. Mais elle ne recule jamais devant ses études. Des générations de femmes fortes dans sa famille lui ont fait savoir qu’il n’y avait pas de limite à ce qui pouvait être accompli en classe. Ils peuvent vous enlever beaucoup de choses, a-t-elle été prévenue, mais jamais votre éducation.
Elle apprend à demander de l’aide, car : « Même dans les vallées les plus profondes, avec un peu d’aide, on peut toujours retrouver le soleil. » À la NASA, elle souffre du syndrome de l’imposteur : recrutée pour des positions où ses compétences sociales et ses dons de résolution de problèmes étaient valorisés. Elle a « un excellent sens de la communication et un bon esprit d’équipe » nous dit-on. Tout le monde peut apprendre des données techniques, mais ce sont des qualités que vous ne pouvez pas enseigner à un ingénieur de la NASA à partir de zéro.
Elle arrive même à utiliser son français lorsqu’elle travaille avec des ingénieurs en aérospatiale au Centre national d’études spatiales de Toulouse, en France – bien qu’ils la taquinent pour son accent québécois et des mots comme « souliers d’escalade », « chandail », « planche à neige » et « magasinage ».
Faire usage du français « m’a aidée à gagner leur confiance, ce que mon équipe au JPL considérait comme une grande force. »
Exploration martienne
Elle nous explique, comme une maître vulgarisatrice, pourquoi l’exploration des autres planètes est si fascinante et importante pour nous tous et toutes. En cours de route, il y a des leçons qu’elle apprend, qu’elle partage avec le lecteur. « La comparaison avec les autres ne fait que nous affaiblir », écrit-elle. « Nous allons tous à notre rythme et réussissons à notre façon. Je dois me rappeler cette leçon chaque fois que je suis en retard dans mes objectifs de vie. Chacun avance à sa bonne vitesse. » Le livre est plein de bons conseils.
Y-a-t-il déjà eu de la vie sur Mars ? Il y a certainement beaucoup de preuves que des lacs et des rivières d’eau étaient autrefois présents sur la surface martienne. Farah nous donne l’impression de faire partie de l’équipe de son lieu de travail à l’ère spatiale. Travailler la nuit quand notre nuit correspond au jour martien vaut le coup, nous assure-t-elle.
Mon année martienne est facile à lire et très difficile à lâcher une fois qu’on l’a entamé. Un voyage de 480 millions de kilomètres d’ici à Mars vaut la peine d’être vécu avec toute la lucidité et la joie de vivre que dégage cette dame de science exceptionnelle.
Comme son héros le Petit Prince, elle a voyagé sur une autre planète avec son esprit. Son ambition est de continuer au JPL. Inspiration pour les petites filles et les femmes souhaitant réaliser leurs rêves dans le monde réel.
Mon année martienne par Farah Alibay,
Les Éditions de l’Homme, 2022. 224 pages.
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