Paranatation: Rêves olympiques

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Delphine Caubet

Est-ce que tu rêves d’avoir des rêves? Ne crains plus les défaites, les as-tu crus quand ils te disaient que toutes les luttes étaient vaines? Ces paroles du rappeur Nekfeu, le paranageur Hicham Boufekane, les affectionne particulièrement. Car des rêves, il en déborde, dont le plus important est d’aller en sélection nationale et de porter un bonnet à son nom aux couleurs rouge et blanche. Jeux paralympiques accrochez-vous, Hicham est en voie de vous envahir.

Paranatation: Rêves olympiques

À l’image du danseur international, Lazylegz, Hicham Boufekane souffre d’arthrogrypose. Concrètement, les muscles de ses jambes sont faibles, il ne peut plier les genoux à moins de 90 degrés et a une faiblesse sur tout le côté droit du corps.

Est-ce suffisant pour limiter le jeune homme de 17 ans et le brimer dans son quotidien ou ses rêves? Pantoute! Lui-même confie que son handicap n’a jamais été un problème dans sa vie.

Contrairement à Lazylegz, le handicap d’Hicham ne nécessite pas qu’il utilise des béquilles au quotidien. Sa passion, il la vit dans l’eau avec la natation. Tout débute à ses 8 ans, lorsque ses parents soucieux d’avoir un enfant en santé cherchent une activité physique qui n’aggrave pas sa pathologie. Le médecin recommande la natation. Résultat, 10 ans plus tard, Hicham fait figure d’espoir en paranatation québécoise. Sa pratique du sport ne nécessite aucun suivi médical spécifique et il profite, comme les autres sportifs, de séances de massothérapie pour éviter des tensions dans les muscles.

Graine de champion

En 2016, Hicham a concouru à ses 3es Jeux du Québec en paranatation. Et une fois encore, sa participation a été fructueuse avec 3 médailles (2 ors et 1 argent) sur 4 épreuves. Heureux de sa performance, Hicham explique qu’il était exténué avant que ne débutent les épreuves. Il revenait de Gatineau où eurent lieu les Can-Am, plus gros championnat de paranatation au Canada dont il remporta la médaille d’or au 400m nage libre.

Non content de ses médailles, Hicham battit son principal adversaire aux Jeux du Québec: lui-même. Il réalisa ses meilleurs temps en plus d’avoir raflé 4 médailles en quelques jours, sur 2 championnats. «La course est déjà faite avant d’entrer dans la piscine, explique-t-il. Elle est juste le fruit du travail.» Aujourd’hui, entouré de récompenses et reconnu par le comité national, Hicham montre une confiance tranquille qu’il a appris à bâtir avec les années.

Angoisse de la victoire

«Hicham est un guerrier, explique son entraîneur Bruno Benceny. Mais au début, il souffrait d’anxiété avant la course. Au point où parfois je me demandais s’il allait monter sur le podium. Mais il a réussi à sortir de sa torpeur et cette année a été incroyable.»

À trop vouloir bien faire et à avoir l’esprit trop compétitif, Hicham se mettait beaucoup de pression. Mais pour celui qui nage depuis ses 8 ans, la natation reste avant tout un plaisir où il peut tout donner. «Je me sens inarrétable dans la piscine.»

Loin d’être un simple entraîneur, Bruno est surtout l’une des personnes les plus importantes dans la vie d’Hicham. «Il a été le premier à croire en mes rêves; je peux réussir avec lui.» Côte à côte, les deux hommes respirent la complicité, «même un peu trop parfois», blague Bruno.

Programme sport-étude

Du haut de ses 17 ans, Hicham doit surtout concilier le sport et les études. Depuis 2015, il a intégré le Cégep Maisonneuve en Sciences de la Santé et dispose d’un programme aménagé pour poursuivre la natation.

En plus des études, c’est 18 heures d’entraînement en piscine et 3 heures de conditionnement physique par semaine.

Qu’il soit parasportif ou non, réussir ses études avec un tel emploi du temps relève d’un jeu d’équilibriste. Son entraîneur le suit de près et veille à ce que la famille, l’entraînement et les activités extérieures trouvent leur place.

Hicham n’a encore jamais été sélectionné pour représenter le Canada, mais il espère bien se qualifier en 2017. Son entraîneur voit pour lui un bel avenir de nageur, et même s’il espère être encore à ses côtés, Hicham a déjà su tracer sa voie vers le succès.

Paranatation

Durant les compétitions, les nageurs avec un handicap physique ou mental concourent séparément. Pour la détermination du podium des nageurs avec un handicap physique, les premiers arrivés ne sont pas nécessairement les vainqueurs.

Chaque nageur est enregistré dans une catégorie correspondant à son handicap. Hicham Boufekane est considéré comme un S9, c’est-à-dire «un nageur éprouvant une sérieuse faiblesse au niveau d’une jambe; ou éprouvant un très léger problème de coordination; ou ayant perdu un membre».

Le score sera calculé en fonction de la performance comparativement au record mondial. Le podium sera formé des meilleurs temps des nageurs non par rapport aux concurrents dans le bassin, mais en fonction du record de la catégorie.

La natation est l’unique sport accessible à tous, quelle que soit la condition physique ou mentale. L’eau enlève la barrière physique, tandis que la nage travaille la motricité de tout le corps.

Au Québec, le succès de la paranatation est clair. C’est la 3e édition de cette discipline aux Jeux du Québec et le nombre de nageurs a doublé, passant de 7 à 15. Hicham Boufekane fait partie des pionniers, y participant dès 2012. Quant à l’équipe canadienne de paranatation, elle est composée de 22 nageurs, 7 d’entre eux proviennent du Québec.

En complément à Reflet de Société

Écoutez le témoignage de Caroline Lamothe, entraîneuse de natation.

Crédit : Fédération de natation du Québec.

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