Capsule de français : Particularismes : des millions de francophones et autant de réalités à décrire

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Saviez-vous qu’il existe plus de 67 millions de personnes parlant français dans le monde? Ces personnes, dispersées sur les cinq continents, vivent des réalités très différentes les unes des autres : essayez de décrire l’hiver québécois à un Camerounais qui n’a jamais vu la neige ou imaginez qu’il vous parle de la saison sèche qui vient de s’achever : quatre mois sans la moindre goutte de pluie! Il y a fort à parier que vous ayez du mal à comprendre sa réalité même s’il vous l’explique en français, tout comme vous aurez du mal à lui décrire la vôtre s’il ne l’a jamais vécue.

Un texte de Aude Charrin – Dossier Éducation


Ce n’est bien souvent pas pour des raisons linguistiques que les échanges entre francophones de divers horizons posent certains problèmes de compréhension, mais bien pour des raisons culturelles : chaque culture possède ses propres codes et c’est quand vient le temps de les exprimer que les particularités linguistiques de chacune émergent dans la langue. Ces particularités peuvent parfois désigner des réalités très proches, qui ne sont pas si différentes d’une culture à l’autre, mais que l’on nomme différemment selon notre région d’origine. C’est notamment le cas du vocabulaire politique. Au Québec, la période pendant laquelle différentes personnes proposent leur candidature à la tête d’un parti politique dans le but d’être élues chef de ce parti s’appelle, depuis 1894, une course à la chefferie. Le mot chefferie est d’ailleurs utilisé en Afrique francophone, notamment au Maroc pour désigner tout « pouvoir conféré par le statut de chef », mais également au Burundi, en Centrafrique, au Tchad et au Congo, au sens d’« organisation sociale ou politique sous l’autorité d’un chef ». En Nouvelle Calédonie aussi, on retrouve le mot chefferie pour désigner une entité qui rassemble des tribus ou des individus. Qu’il fasse référence à une organisation proprement politique ou à une administration sociale, le terme chefferie est donc en usage dans le vocabulaire politique d’une grande partie de la francophonie, mais pas en France, où la course à la chefferie, bien qu’elle soit très similaire, prend le nom de primaires.

Mais ces particularités peuvent aussi désigner des réalités bien différentes. C’est le cas du système scolaire, puisqu’il est propre à chaque pays, les établissements d’enseignement préuniversitaires portent des noms distincts : le cégep, collège d’enseignement général et professionnel au Québec, devient le lycée en Belgique et en France, mais devient le gymnase en Suisse. Et c’est également en Suisse que les établissements universitaires s’appelaient autrefois académies. Si ce nom a été remplacé au fil du temps par université, l’adjectif, lui, employé depuis 1839, est resté dans une grande partie de la francophonie, mais pas en France, ce qu’il lui vaut de se faire taxer d’« anglicisme » ou de « germanisme » lorsqu’il est utilisé ailleurs, c’est-à-dire au Burundi, au Rwanda, en Suisse, en Belgique et au Québec, où l’on parle volontiers de carrière académique, de rentrée académique, de calendrier académique, même si les adjectifs universitaire et scolaire sont privilégiés au Québec. Au Burundi, en Suisse et en Belgique, on utilise aussi l’expression quart d’heure académique pour parler des quinze minutes pendant lesquelles les étudiants sont obligés d’attendre un professeur en retard. Au Rwanda, ce sursis accordé par les étudiants s’appelle le quinze académique, et les Rwandais ont aussi rebaptisé les histoires d’amour qui naissent sur les bancs de l’université : fiançailles académiques! Devant tant d’enthousiasme, on ne peut que souhaiter longue vie aux particularismes francophones : qu’ils vivent heureux et fassent beaucoup d’enfants!

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