Un texte d’Alexandra Grenier
Petit traité sur le racisme est un essai de Dany Laferrière paru aux éditions Boréal en 2021. En 213 pages, Laferrière dresse un portrait du racisme en Amérique du Nord et particulièrement aux États-Unis, de l’esclavage à aujourd’hui.
On ne présente plus Dany Laferrière. Auteur prolifique et membre de l’Académie française, originaire de Port-au-Prince en Haïti, il a gagné de nombreux prix littéraires et il est également artiste visuel à ses heures. C’est notamment lui qui a réalisé l’illustration de la couverture du Petit traité sur le racisme.
Si vous n’êtes pas familier avec les traités, sachez qu’il s’agit, selon le dictionnaire Le Robert, d’un « ouvrage didactique où un sujet est exposé de manière systématique. » On peut ainsi penser que le Petit traité sur le racisme est semblable à un manuel scolaire, mais ce n’est pas du tout le cas. Il s’agit plutôt d’un agréable mélange entre un recueil de poèmes et un essai à proprement dit.
La lecture de ce livre se fait assez rapidement, bien qu’elle puisse parfois être troublante et bouleversante. Avec beaucoup d’habileté l’auteur nous met face à nos propres contradictions, en tant que Blancs, ainsi qu’à des injustices sans nom commises à l’égard des Noirs.
En préambule, Laferrière nous explique les bases de sa réflexion et insiste sur l’importance de la nuance : « On doit encore comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n’est qu’avec les nuances qu’on peut avancer sur un terrain si miné. »
Un ouvrage d’actualité
Même si l’on sait que l’esclavage a été aboli il y a très longtemps et que Laferrière se concentre, dans son essai, sur le racisme aux États-Unis, on peut faire plusieurs parallèles avec l’actualité québécoise. Rappelons que le premier ministre du Québec, François Legault, refuse d’admettre l’existence du racisme systémique dans la province et que c’est donc un sujet qui fait encore débat aujourd’hui.
Petit traité sur le racisme étant paru en 2021, Laferrière a pu y faire mention de certains événements ayant marqué l’actualité, comme le décès de l’Afro-Américain George Floyd, tué par un policier en mai 2020. Laferrière ne prend pas de gants blancs : « Je me méfie de cette Amérique qui clame que c’est un jour historique parce qu’un policier qui a étouffé un Noir pendant près de dix minutes est condamné pour meurtre involontaire, car je ne vois pas où c’est involontaire. »
L’auteur parle d’ailleurs au « je » tout au long de l’ouvrage. Il donne son opinion, raconte des anecdotes et fait même preuve d’humour à plusieurs reprises. De quoi donner un peu de légèreté à un sujet aussi lourd. Certains passages sont en effet assez difficiles à lire, comme lorsque Laferrière décrit la mort d’un jeune homme noir de 23 ans ayant été confondu avec un violeur en fuite. Les phrases sont percutantes et on ne peut rester de marbre après les avoir lues.
Un peu d’histoire
L’un des aspects particulièrement attrayants de ce livre est la mise en lumière de plusieurs figures historiques noires malheureusement trop peu connues. Pensons notamment à l’autrice Zora Neale Hurston (1891-1960) et à l’auteur Ralph Ellison (1914-1994), pour ne nommer que ceux-ci. Laferrière met en contexte leurs œuvres et explique aussi leur apport à la communauté.
L’auteur parle également de la Guerre de Sécession, de l’histoire du lynchage, de certaines lois discriminatoires envers les Noirs (comme l’interdiction de regarder une femme blanche dans les yeux, par exemple), du Black Panther Party(mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine) et de bien d’autres pages de l’histoire des Noirs en Amérique. Il n’entre pas dans les détails, mais il s’agit d’un très bon point de départ pour quiconque est intéressé à en apprendre davantage.
En conclusion, Petit traité sur le racisme est un livre dérangeant, mais utile et somme toute agréable à lire. Notez par contre que certains sujets pourraient heurter la sensibilité des lecteurs non avertis. Le livre aborde en effet des thèmes tels que la mort et la violence. Il n’en reste pas moins que c’est un ouvrage accessible et important qui nous ouvre les yeux sur la réalité des Noirs qui vivent encore énormément d’oppression et d’injustice.