Un texte d’Estelle Cazelais et Florence Valiquette-Savoie, sexologues
L’éducation à la sexualité dans nos écoles, on en parle à toutes les sauces. On se la renvoie comme une patate chaude !
Ce seront les enseignant-e-s qui en seront responsables. Ah non, au fait, ce sera plutôt à chaque direction d’école de choisir la manière d’éduquer sexuellement les prochaines générations, à chacune de trouver les ressources nécessaires. En voilà une belle responsabilité !
Hmmm, mais les parents, quel sera leur rôle? Pourquoi parle-t-on de thèmes si intimes à l’école ? C’est à la maison que ça doit se faire !
Et les syndicats des enseignant-e-s s’en mêlent. Oh pardon, non non, il me semble que les enseignant-e-s sont déjà débordé-e-s ! Les sexologues rappellent qu’elles sont formées. Oui allô ! Monsieur le ministre de l’Éducation et de tout le tralala, nous, on le voudrait bien le mandat, s’il-vous-plait ! Les organismes communautaires et les infirmières prennent une part du morceau. Ouf, au moins, des profesionnel-le-s qui s’impliquent.
Enfin, pour clore le tout, notre ministre martèle : Il y a aura de l’éducation sexuelle dans les écoles en septembre 2019. Si le message est clair, le « comment », lui, l’est moins…
Derrière tout ce combat reste une interrogation : pourquoi de l’éducation à la sexualité dans nos écoles ?
La démocratisation des savoirs ou en finir avec les tabous.
Si le rapport Parent, en 1961, a permis une réforme de l’école et du système d’éducation en mettant en œuvre une démocratisation et un droit à l’éducation, force est de constater que ce ne sont que certaines matières ou certains thèmes qui sont aujourd’hui démocratisés. L’éducation à la sexualité n’est pas à la portée de toutes et de tous, que ce soit en raison de valeurs, de manque de fonds, de manque de ressources professionnelles ou de manque de temps.
Or, comprendre les cycles des corps n’est pas moins important que de connaître le théorème de Pythagore.
Retenir les règles d’accord des verbes être et avoir est aussi essentiel que de connaître les règles et les lois régissant le consentement sexuel. Savoir dénoncer un abus sexuel s’apprend, comme on apprend à jouer au badminton en éducation physique. Parler d’abus et d’agressions sexuelles, nommer les parties des organes génitaux, discuter de plaisir et de désirs, dialoguer sur la diversité sexuelle, argumenter sur l’exploitation sexuelle permet d’affuter l’esprit critique, d’augmenter les connaissances, de préparer pour l’avenir, le tout dans le but de prévenir les abus, les agressions, les violences et de faire la promotion de la santé sexuelle. Il est reconnu qu’une éducation à la sexualité préventive réduit les risques à tous ces niveaux.
Il faut savoir que l’éducation à la sexualité, c’est beaucoup plus que le simple fait de parler de sexe. C’est avant tout le respect et la connaissance de soi et des autres ! L’éducation à la sexualité propose
- des savoirs: l’anatomie et la physiologie des organes génitaux, la compréhension du phénomène de la puberté ou de la grossesse, les éléments clés d’une relation amoureuse saine et égalitaire, les lois régissant le consentement, les ITSS et leurs modes de transmission, les méthodes pour s’en protéger – de l’abstinence à la digue dentaire en passant par les condoms internes et externes;
- un savoir-faire : ne partez pas en peur, on apprendra à un-e adolescent-e à utiliser un préservatif correctement, et non comment masturber son ou sa partenaire ou comment faire l’amour ! Certaines choses sont, effectivement, intimes…
- et, un savoir-être : respecter le consentement d’une autre personne ou accepter de se faire répondre « non », se montrer à l’écoute des besoins, des désirs et des limites de son ou sa partenaire, et surtout des siens !
Alors, pour répondre à la question : pourquoi l’éducation à la sexualité dans nos écoles ? Pour s’assurer que toutes et tous auront les mêmes chances de se connaitre, de se respecter, de connaître et respecter l’autre ; pour une égalité des chances.
En complément à Reflet de Société +
Retrouver cette capsule de Florence et Estelle sur la/les premières fois. D’ailleurs pourquoi parler « des » premières fois. Peut-il y en avoir plusieurs ?
Une capsule réalisée dans le cadre leur projet Sex URL.
Crédit illustration : Reflet de Société.
[…] First seen in: Reflet de Société, Vol. 26, no. 3, été (summer) 2018, page 12 […]