Proches aidants : faire ses deuils

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Faire le deuil d’une personne est un processus qui varie d’un individu à l’autre. Dans le cas des proches aidants – ou aidants naturels – ce processus se complexifie, car plusieurs deuils sont à réaliser en même temps après la disparition de la personne dont ils prenaient soin. Cependant, les rituels visant à rendre hommage à la vie de la personne décédée peuvent être salvateurs, selon les experts. 

Dans son roman-témoignage Tu ne sais plus qui je suis, la psychologue retraitée et écrivaine Édith Fournier raconte sa douloureuse séparation d’avec son mari, le réalisateur Michel Moreau, atteint de la maladie d’Alzheimer. Après sept ans de soins à domicile – prodigués par elle – Édith Fournier a eu à vivre le départ de son mari vers un CHSLD avant que celui-ci ne décède.

Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, les aidants naturels se définissent comme étant sont ceux qui «de façon continue ou occasionnelle, [apportent] du un soutien, de manière occasionnelle ou continue, à un membre de [leur] entourage [présentant]  une incapacité temporaire ou permanente, et avec qui [ils partagent] un lien affectif, qu’il soit familial ou pas ». Au Québec, il y a actuellement 1,5 million de personnes proches aidantes. Ce chiffre représente à peu près 6% de la population québécoise. Parmi elles, 58 % sont des femmes, 42 % sont des hommes.

Dans une situation de maladie, ou de fin de vie d’un proche, l’aidant naturel peut participer à l’aménagement des conditions de vie de la personne vulnérable. L’assistance apportée peut prendre différentes formes, comme le transport, la coordination des soins et des services médicaux ou les travaux domestiques.

Elle porte aussi sur des aspects plus intimes : l’aide aux soins personnels ou le soutien émotionnel et psychologique. En termes de chiffres, les aidants naturels endosseraient entre 70 et 90% des responsabilités pour une personne vivant avec une incapacité, d’après les données présentées sur le site web de l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale.   

Dans son ouvrage, Edith Fournier explique avoir refusé le service de lessive du centre hospitalier pour pouvoir garder un contact avec son époux. Pour elle, une chemise à repasser ou l’effluve d’une eau de toilette était « une question de guérison ». C’était son rituel à elle.

Face à ses deuils

Selon Charlotte Beaudet, coordonnatrice clinique chez Appui pour les proches aidants, c’est aussi le deuil du rôle de proche aidant qui rend le processus d’adieu difficile pour les aidants naturels. «  Beaucoup se définissent par le fait d’être proches aidants. Il y a donc le deuil de la personne, mais, aussi, d’un rôle qui à un côté valorisant », explique-t-elle.

D’autre part, avoir été appuyé par un organisme de soutien aux aidants naturels ne permet pas forcément d’incidence sur le deuil.  En effet, il y a des personnes qui reçoivent l’aide des services des réseaux de soutien aux proches aidants, mais pour qui le deuil sera quand même difficile d’après Mme Beaudet. « La façon dont le deuil sera vécu dépend de la capacité de résilience de chacun » , conclut-elle.

Accompagner un proche à titre d’aidant naturel n’a pas obligatoirement d’impact sur la durée ou la difficulté du deuil. «Tout dépend du lien existant entre l’aidant et l’aidé, de l’investissement émotionnel et énergétique », déclare Laurence Villeneuve, psychologue et présidente du Regroupement des psychologues en gérontologie.   

Des émotions complexes

Maintenir un équilibre psychologique, émotionnel et physique est complexe pour les aidants naturels. C’est un aspect qu’Edith Fournier aborde à plusieurs reprises dans son œuvre. Détresse, épuisement, solitude, impuissance et culpabilité. Cette liste non exhaustive regroupe la gamme d’émotions que sont amenés à vivre les aidants naturels.  « Généralement, les personnes qui souffrent le plus sont celles qui sont allées trop loin dans le dépassement de leurs limites. Il arrive [souvent] que les gens se rendent compte trop tard qu’ils sont épuisés », explique Charlotte Beaudet.

Sur le plan émotionnel, Mme Villeneuve explique que les réactions des proches aidants au cours de leur deuil peuvent être diverses. Par ailleurs, elles dépendent du contexte dans lequel s’est déroulé l’accompagnement. « Certains vont être confrontés à des émotions ambivalentes, comme la tristesse ou un sentiment de libération », dit-elle.

Laurence Villeneuve décrit l’expérience de la mort de la personne aidée – selon la perspective de l’aidant – de la façon suivante : « C’est comme s’ils avaient eu à soulever une charge pendant un long moment. Lorsqu’ils la déposent, ils ressentent une perte d’équilibre ».

L’apport des rituels

Si l’accompagnement des proches aidants au cours de la fin de vie d’une personne en situation de handicap n’a pas réellement de répercussions sur le processus de deuil, la présence de rituels serait apparemment d’une aide précieuse.

Ainsi, prendre le temps de se recentrer sur certaines actions – qui soulignent la vie de la personne disparue – serait une solution pour aider les aidants à traverser l’épreuve du deuil. «  Certains vont aller à des rencontres ou parler de la personne décédée. Permettre l’accès à des rituels et être à l’écoute des personnes endeuillées apporte une aide significative aux proches aidants », souligne Laurence Villeneuve.

Selon la psychologue, il est important de pouvoir marquer la fin de la vie de la personne que l’on a accompagnée lorsque celle-ci décède. Le rituel permettrait de dire au revoir à l’être disparu et de tourner une page – qui ne s’effacera probablement jamais – afin de continuer sa route.

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