«Dans le milieu, la plupart des gens se sauvent quand il y a une overdose, parce qu’ils ont des casiers judiciaires, des mandats d’arrestation, vendent de la drogue ou en ont sur eux», explique Julie (nom fictif), une ex-toxicomane dans la mi-trentaine. La loi sur les bons samaritains pourrait donc convaincre les toxicomanes de sauver leurs camarades.
Un texte de Mélina Soucy – Dossier Toxicomanie
Pendant les 9 années qu’elle a consommé, Julie ne s’est jamais enfuie lorsque les gens étaient en surdosage.
Il y a cependant deux histoires qui l’ont marquée plus que les autres.
«La première histoire s’est déroulée au début de ma consommation de drogues. C’était la veille de Noël. Y’a un gars dans son char qui m’a abordée. Il cherchait du crack. On était une p’tite gang, on a embarqué avec lui et on est allés en chercher. Le gars me montrait les photos de ses deux p’tites filles, pendant qu’on était avec le vendeur».
Puis, ça a dérapé.
«La crise est arrivée dans son char. Les autres toxicomanes ont eu peur. Ils ont poussé le gars en dehors de son char. Ils lui ont tout volé: sa voiture, ses clés, son portefeuille. J’suis restée avec le père de famille.
C’était un toxicomane occasionnel, mais là ça faisait 2 jours qu’il était là-dessus».
Il y avait un homme en overdose sur le sol. Les gens l’ignoraient et faisaient comme si de rien n’était. Ç’a pas de sens de laisser quelqu’un dans cet état-là!
«J’ai appelé le 911 pour la première fois. Je me suis fait arrêter, car je n’étais pas allée comparaître pour un autre délit. Quand ils t’arrêtent, ils te fouillent. J’avais de la dope sur moi encore. Je leur ai dit avant qu’ils commencent à me fouiller. Ça sert à rien de mentir, ils vont la trouver». Cette fois-là, la police a emmené
Julie au poste pour s’assurer qu’elle comparaisse. Elle est passée devant un juge et a reçu une libération sous caution.
«La deuxième fois date de la fin de ma consommation. À l’époque je consommais de l’héroïne, du fentanyl, du cannabis, bref, j’ai pas mal tout essayé. J’étais dans un crackhouse. Tout le monde était intoxiqué et n’était pas en mesure de réagir à une éventuelle crise. Il y avait un homme en overdose sur le sol. Les gens l’ignoraient et faisaient comme si de rien n’était. Ç’a pas de sens de laisser quelqu’un dans cet état-là! Il y avait une caserne de pompiers pas loin, donc j’ai couru jusque là-bas pour chercher de l’aide», raconte la trentenaire.
Après avoir placé le toxicomane en crise sur une civière, les policiers ont arrêté Julie. «J’avais encore de la dope sur moi, mais je pouvais pas le laisser de même», affirme-t-elle. Après avoir été amenée au poste, Julie a passé en cour. Le juge lui a donné une libération sous caution, encore une fois.
Aujourd’hui, Julie vit avec son chum et un autre coloc. Elle a arrêté les drogues dures depuis 1 an et demi et est retournée aux études. Après avoir réussi son équivalence de secondaire 5, elle veut étudier pour devenir travailleuse de rue pour aider ses pairs à s’en sortir.
Julie ne croit cependant pas que la loi qui protège les toxicomanes contre certains délits fera une différence pour l’instant, puisque personne ne sait qu’elle est en vigueur.
«Il va falloir que les organismes et les travailleurs de rue informent les toxicomanes pour prévenir les morts. La loi ne sera pas utile sinon», croit Julie.
Cette loi donne l’immunité aux personnes qui appellent le 911 pour aider quelqu’un en état de surdosage.
Elle donne une protection juridique contre plusieurs délits, dont les possessions simples. Grâce à cette loi, si une personne a de la drogue sur elle et qu’elle appelle les secours, la police ne peut pas l’arrêter. Cette protection juridique s’applique aussi si vous êtes en libération conditionnelle ou en probation en lien avec la possession de drogue.
[…] First seen in: Reflet de Société, Vol. 26 no. 1, hiver (winter) 2018, page 11 […]