Portrait : Samuka – Samuel da Silveira Lima
Par Équipe Reflet de Société | Dossier Culture
Dans l’univers du break, les corps défient la gravité. Mais certains vont plus loin encore. Ils défient les normes. Les diagnostics. Les destins tout tracés. Samuka, danseur brésilien, membre de la troupe ILL-Abilities, est de ceux-là. Il lui manque une jambe, mais c’est presque invisible. Non pas qu’il le cache : il le transcende.
Tout commence à Brasília, la capitale du Brésil. Samuka grandit dans un pays où le football est roi. Comme tant d’enfants, il rêve d’être joueur professionnel. « Mon rêve était de devenir footballeur », confie-t-il. Mais la vie, parfois, a ses propres plans.
À 14 ans, on lui diagnostique un cancer à la jambe droite. Le verdict est sans appel : l’amputation est inévitable. « À cette époque, j’étais vraiment triste, presque déprimé. Mon rêve s’est envolé », raconte-t-il avec une sincérité désarmante. À un âge où l’on est censé bâtir des projets, Samuka doit réapprendre à vivre avec une absence, un vide, un corps qui ne répond plus comme avant.
Le hip-hop comme renaissance
Ce vide, il le remplit peu à peu avec des rythmes. Avec du son. Avec du mouvement. Samuka découvre alors le break, cette danse urbaine née dans les rues du Bronx, qui célèbre la débrouillardise, l’énergie brute, l’expression de soi. Le coup de foudre est immédiat.
« Le hip-hop m’a donné espoir, confiance et force. Il a changé ma vie à jamais. » Ce qu’il croyait perdu — la puissance physique, la coordination, l’adrénaline du mouvement, il le retrouve dans une autre forme, plus libre, plus personnelle. Danser devient non seulement un exutoire, mais une manière de réinventer son corps, de redéfinir ses possibles.
De Brasília au monde
Des années plus tard, son style attire l’attention au-delà des frontières. Sur scène, sa fluidité et son explosivité impressionnent. « Quand on le regarde bouger, on a l’impression que son corps est intact », dira un autre membre de la troupe ILL-Abilities. « Quand je l’ai vu danser pour la première fois, j’ai su qu’il fallait qu’il rejoigne notre équipe. »
C’est ainsi que Samuka entre dans cette troupe unique au monde, fondée sur un principe simple, mais radical : chaque membre vit avec un handicap, mais tous dansent sans limites. Leur slogan — Pas d’Excuses, Pas de Limites — n’est pas un effet de style : c’est une philosophie de vie. Ensemble, ils parcourent les scènes de la planète, de Montréal à Séoul, de New York à Tokyo.
Aujourd’hui, Samuka est un artiste professionnel reconnu, qui a transformé son amputation en moteur de création. « Je voyage à travers le monde, je fais ce que j’aime : la danse, et je partage ce message : chacun a quelque chose de spécial en lui. L’impossible est une opportunité à saisir. »
Maison de la culture Maisonneuve
Le 5 juin 2025, dans le cadre du spectacle Pas d’Excuses, Pas de Limites, présenté à la Maison de la culture Maisonneuve pour la Semaine québécoise des personnes handicapées, Samuka était sur scène aux côtés de ses partenaires d’ILL-Abilities. Là-bas, le public a vu bien plus qu’un numéro de danse, il a assisté à une démonstration puissante de résilience en mouvement, où chaque geste déjouait les clichés, chaque appui contredisait l’idée même de limitation.
Présenté par Rosalie Taillefer-Simard, également militante et artiste en situation de handicap, l’événement a mis en lumière des corps atypiques et fiers, des récits trop souvent étouffés dans les discours sur la « normalité ».
Un message pour tous
Le message de Samuka résonne au-delà de la scène. « Vous pouvez faire ce que vous voulez. Alors, faites-le. Ne vous empêchez pas de croire en votre véritable potentiel. » À l’ère où les normes esthétiques, productives et sociales continuent d’exclure les corps dits « différents », sa voix — et surtout son corps en mouvement — rappellent qu’il n’y a pas de moule unique pour être fort, beau ou accompli.
Sacré Samuka et belle leçon encore !
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