Par Colin McGregor | Dossier Environnement
Critique du livre : Ordures ! Journal d’un vidangeur par Simon Paré-Poupart
« Il y a présentement 347 réservations pour ce livre à la bibliothèque. »
Quand j’ai lu ce courriel sur mon ordi, je me suis demandé « Mais quelle sorte d’œuvre suscite tellement d’intérêt au Québec ? » La réponse : Ordures ! Journal d’un vidangeur.
Enveloppé dans une couverture de boîte en carton, ce livre de Simon Paré-Poupart est court et va droit au but.
« Je passe mes jours au milieu des ordures. Depuis vingt ans, j’ai charrié près de 70 000 tonnes de déchets, et cela a nécessairement façonné qui je suis », nous dit-il. Ce livre est un billet doux, car l’auteur adore son métier.
Paré-Poupart nous cite le sociologue Zygmunt Bauman, qui, dans son livre Vies perdues, écrit que toute forme d’ordre social implique des rebuts : « Il existe toujours une frontière entre le propre et le sale, le pur et l’impur. » Un monde comme le nôtre, obsédé par le progrès, laisse des rebuts humains : des rejets, des existences inutiles.
Un amalgame privé-public gère la gestion des déchets au Québec, et l’auteur nous explique le labyrinthe des employeurs du secteur public et des courtiers du secteur privé qui veillent à ce que nos trottoirs soient sans déchets une fois par semaine. Il aime le « Far West » qu’est le monde de vidanges. « J’aime me trouver sur la mince ligne qui sépare le propre et l’impropre. »

Criminalité, addiction, alcoolisme, violence, histoires à dormir debout : tout cela est présent dans ce monde jour/nuit. Et, bien sûr, il y a l’athlétisme. À l’exception des chauffeurs de camion, ce monde est celui des athlètes. En regardant les vidangeurs danser et courir pendant qu’ils ramassent de lourdes charges et les lancent les unes sur les autres et dans les camions, on se rend compte que ce monde n’est pas fait pour les paresseux ou les personnes en mauvaise forme.
« Cette performance, écrit Paré-Poupart sur son travail physiquement exigeant, procure un sentiment de vitalité et d’accomplissement indéfinissable. Ce mouvement étourdissant, éreintant, cette pression enivrante est une grâce qui vous libère des pesanteurs de l’existence. On la craint et on la recherche. Sans cesse. »
L’auteur a étudié la sociologie et l’administration internationale, et agit comme travailleur social, ce qui explique pourquoi ce merveilleux livre est si pertinent et si bien écrit. Mais à 38 ans, il court encore derrière des camions poubelles à temps partiel. Un vidangeur avec une maîtrise.
Il nous parle aussi des deux milliards de tonnes de déchets solides dans le monde, et du pitoyable 10 % des plastiques qu’on jette dans les bacs à recyclage qui sont vraiment recyclés ici au Québec. Le prix pour des villes et des banlieues propres est payé par la nature. Paré-Poupart a des mots durs sur la gestion des centres de recyclage.
Ce livre s’inscrit dans la lignée d’autres ouvrages révélateurs sur le monde et les professions auxquels on pense rarement. Il rappelle notamment Cuisines et confidences du cuisinier Anthony Bourdain. Publié en 2000, il s’agissait du best-seller sur les coulisses des restaurants new-yorkais, livre qui a lancé son auteur dans une brillante carrière de réalisateur de documentaires jusqu’à son suicide, en 2018.
Mon seul reproche à cet aperçu des coulisses du monde des vidangeurs : il n’est pas assez long. J’aurais pu lire ce livre pendant des jours. Espérons que ce ne soit pas le dernier que nous lirons sous la plume de Simon Paré-Poupart.
Ordures ! Journal d’un vidangeur par Simon Paré-Poupart, Lux Éditeur, octobre 2024, 138 pages.
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