Portrait : Junior – Bosila Banya
Par Équipe Reflet de Société | Dossier Culture

À Kinshasa, un enfant de trois ans attrape la polio. Virus invisible, jambes figées. Un destin semble se refermer. Mais c’est là, justement là, que Junior choisit l’inverse : avancer. « Ma médecine a toujours été la positivité », dira-t-il plus tard. Il fait partie des figures emblématiques de la troupe internationale ILL-Abilities, collectif de danseurs hip-hop vivant avec des handicaps physiques et repoussant les normes de ce que l’on croit possible. La force d’une faille.
Junior ne cache rien. Il raconte volontiers comment il a découvert le breakdance. Comment cette culture l’a « changé » et lui a offert une forme, un langage, une posture. « Breakin’ m’a appris le respect, la persévérance, et la volonté d’aller toujours plus loin, » dit-il.
Il ne parle pas d’intégration. Il parle d’expression. Il ne veut pas qu’on lui fasse une place. Il la crée. Son corps devient architecture mouvante. Ses bras se plient en équilibre sur la dureté du sol et ses jambes s’absentent dans les airs. On ne regarde plus un « danseur handicapé » : on regarde un danseur tout court. Ou plutôt, un artiste entier.
C’est là le cœur du geste d’ILL-Abilities : abolir la pitié, faire imploser les normes, refuser l’exclusion par la réinvention. Leur danse est un champ de bataille où se rejoue chaque soir le droit d’être complexe, puissant, différent.
Polio, poésie et politique
La polio aurait pu être une fatalité. Junior parle souvent de choix. Il dit : « Chaque lutte peut devenir un tremplin. » Et dans sa bouche, ce n’est pas une formule. C’est une mémoire. Celle des luttes silencieuses, des douleurs passées sous silence, des visages qui n’ont jamais pu prendre la parole.
Quand il danse, Junior parle aussi pour eux. Il est porteur d’une histoire qu’on n’écrit que rarement : celle des corps noirs handicapés. Invisibilisés dans les récits dominants, caricaturés ou ignorés, ces corps sont trop souvent réduits à la douleur ou à l’exemple. Junior refuse les deux.
Être handicapé et noir
Au Canada, 26 % des participants sportifs en communauté perçoivent du racisme ou de la discrimination, selon le Comité paralympique canadien et Statistique Canada.
Alors des artistes comme Junior ne sont pas seulement des interprètes hors norme : ils deviennent des figures d’identification, des catalyseurs de conscience. Dans un monde où les corps noirs et handicapés sont moins, voire peu visibles, dans l’imaginaire collectif.
Junior montre que la scène peut devenir un espace de puissance et de dignité. Son parcours — du Kinshasa de son enfance à la scène internationale — représente un refus actif de l’effacement.
Il ne demande pas à être vu : il crée une visibilité qui redéfinit les standards. En ce sens, sa présence dans ILL-Abilities ne relève pas du symbole, mais de la stratégie : celle de bouleverser les perceptions, en conjuguant art et humanité.
L’art comme résistance
Junior danse pour exister. Pour signifier que le handicap n’est pas un manque, mais une variation du réel. Une autre forme d’intelligence du corps. Il danse pour rompre avec les regards figés du public.
Alors, « Ne jugez pas les gens par ce que vous voyez », dit-il. « Leur vraie valeur est ailleurs, plus profonde » et c’est là que tout commence : dans ce refus de se laisser résumer. La danse comme insoumission. Le corps comme récit. L’art comme refus d’être contenu.
Autres textes sur Culture
Pour s’abonner à Reflet de Société.
Pour faire un don.
Continuez votre lecture :
Nouveautés littéraires

Luca Lazylegs Patuelli débute une nouvelle collection: Conte jeunesse. Son premier titre est Funky, le canard qui rêve de danser. Luca est un athlète olympique international. Il a été présent lors des Jeux olympiques de Vancouver ainsi que ceux de Paris.

Clara Yelle. Une participante de la Grande Journée des petits entrepreneurs Conte jeunesse. Les Fantaisies de Clara. Elle a été présente à la journée des Jeunes entrepreneurs chez Le Libraire le Papetier Hamster de Joliette. Le 7 juin de 10h à 14h. 144 rue Baby Joliette. C’était une belle occasion de soutenir une jeune entrepreneure de 10 ans et votre librairie locale.
Confidences autour du feu. Que jeunesse se souvienne.
100 ans d’histoire du Québec à travers 4 générations d’une même famille.
Les guerres, le week-end rouge, la crise d’octobre, la guerre de St-Léonard, le feu dans les raffineries, le métro, le théâtre, les bars… les pensionnats autochtones, la réalité Inuite…

