Vulnérabilité des travailleurs migrants

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Un texte de Colin McGregor | Dossier Immigration  

Enrique (un pseudonyme) est venu au Québec du Honduras dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Et il n’était pas seul : en 2022, le Québec a accueilli 51 815 travailleurs étrangers temporaires. La part du lion se divise entre deux pays, le Guatemala et le Mexique. 

Enrique a été recruté dans le programme pour travailler comme soudeur avec un permis de travail « fermé, » (le permis dépend d’un seul employeur. Un permis de travail « ouvert, » donne au récipiendaire le droit de travailler pour l’employeur de son choix). Quand il est arrivé au Québec, son employeur lui a fait faire des travaux de construction de base. 

Lorsqu’il a refusé de faire ce travail, son employeur l’a menacé d’une réduction de salaire. Comme il avait un permis de travail fermé, il a dû poursuivre ses travaux de construction.

Puis, son employeur l’a obligé à lui rembourser une partie de son salaire de 23 $ par heure, en argent comptant. En conséquence, le salaire réellement reçu était d’environ 10 $ par heure.

L’employeur a chargé ses travailleurs étrangers des frais de recrutement, allant de 5000 $ jusqu’à 23 314 $, ce qui est interdit par la Loi sur les normes du travail du Québec et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada. L’employeur a menacé Enrique et ses autres travailleurs étrangers à maintes reprises, sous menace de confiscation de permis et de déportation. Il les a insultés et intimidés au quotidien.

Employeur oppresseur 

Un cas comme celui d’Enrique n’est pas rare, explique Manuel Salamanca Cardona, organisateur communautaire au Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)

Cardona est également sociologue et chercheur pour l’Université McGill. Il est un de six organisateurs au CTTI qui reçoivent régulièrement des plaintes similaires de travailleurs étrangers temporaires au Québec.

« Il y a une relation de pouvoir très inégale entre l’employeur et le travailleur » dans les cas des permis de travail fermés, nous dit-il. « On peut faire une plainte pour le travailleur, mais au risque que cela le congédie. L’employeur agit souvent très vite. Le travailleur peut se trouver sans logement la nuit même, et dans l’avion pour le Guatemala dans les deux jours qui suivent. »  

Le travailleur étranger a toujours le droit de faire une demande pour un permis ouvert, mais « c’est impossible pour lui de faire tout ce qu’il faut par lui-même. Il y a beaucoup de documentation, il faut vraiment très bien connaître et parler le français ou l’anglais, et il faut une lettre de soutien d’une organisation. » Ça prend à un des organisateurs au CTTI entre 25 et 30 heures de travail juste pour faire une demande pour un permis ouvert, dit Cardona. Le processus de demande de ce permis est compliqué. De plus, la durée de validité de ce permis ouvert est limitée à un an, obligeant les travailleurs à demander un autre permis fermé par la suite. 

Les travailleurs étrangers temporaires ont plus de problèmes de santé et sécurité au travail, dit Cardona.  C’est pourquoi le CTTI demande l’amélioration du système de protection pour les travailleuses et les travailleurs migrants en situation vulnérable, en sécurisant notamment leur statut migratoire. Parallèlement, il faut renforcer les sanctions et l’encadrement des pratiques des employeurs et des intermédiaires privés, surtout celles des recruteurs, qui violent les droits des travailleurs migrants.

Majorité épargnée 

« Ce n’est pas tous les employeurs qui sont mauvais, » nous explique Cardona, « on parle de certains employeurs. » Souvent, le travailleur ne connaît pas ses droits à son arrivée au Québec. « Les recruteurs vont dire aux nouveaux arrivés de leur donner leurs documents et ils vont remplir les papiers pour eux. Quand le travailleur demande à l’employeur pourquoi il lui déduit de l’argent, l’employeur répond qu’il lui faut payer le recrutement, ce qui est illégal. »  

Cardona croit que la solution c’est le outreach, la sensibilisation. Le CTTI distribue des dépliants et communique par les médias sociaux ainsi que directement aux travailleurs nouvellement arrivés au Québec. « On a du personnel dans les régions. Parfois, d’autres travailleurs ont entendu parler de nous. » L’organisme peut les sensibiliser et les informer au sujet de leurs droits. « On leur demande de nous fournir leur contrat et leurs bulletins de paye afin de voir quelles ont été les violations de leurs droits. »

Ce ne sont pas tous les employés étrangers qui sont exploités – loin de là. Mais la meilleure protection contre les abus est de connaître ses droits. Selon le site web de La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) : Les travailleurs étrangers temporaires ont les mêmes droits et obligations en matière de travail que l’ensemble des travailleurs du Québec. 

Un employeur qui embauche des travailleurs étrangers temporaires (TET) a aussi les mêmes droits et obligations qu’envers les autres membres de son personnel. 

​​Selon l’UPA (l’Union des producteurs agricoles), la patience est clé : leur site web suggère qu’il faut « garder en tête que les TET sont peu familiers avec les réalités du Québec, leur adaptation peut également prendre un certain temps. Prévoyez environ 12 mois. Après cette période, dans la vaste majorité des cas, l’appréciation des employeurs envers l’apport des employés étrangers est excellente. »

Ces droits-là sont énumérés à : www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/conditions-travail/categories-travailleuses-travailleurs/travailleuses-travailleurs-etrangers-temporaires 

Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI) :  www.iwc-cti.ca/fr/ 


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