Écoanxiété : Lettre d’une jeune femme

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Par Lina Boyer | Dossier Environnement

La première fois que j’ai entendu parler de l’écoanxiété, j’avais 13 ans. Une fille de mon entourage disait toujours ce mot et moi je trouvais simplement qu’elle exagérait.

J’étais le genre de petite fille qui voulait paraître forte, qui ne se laissait pas toucher par les tremblements extérieurs. Je diminuais constamment mes ressentis, je les étouffais pour ne pas les entendre. Pourtant, j’étais effrayée. Effrayée du monde dans lequel je grandissais, des décisions prises par nos chefs d’état, de notre rapport à la Nature et à la consommation, mais surtout, effrayée de notre soif pour la conquête et le pouvoir.

Plus j’entendais ce mot se répandre autour de moi tel une flaque d’huile, plus il résonnait en moi et faisait du sens.

C’est seulement à mes 18 ans que j’avouais être écoanxieuse. Quelle libération d’utiliser des mots et de les dire haut et fort parfois. Cette anxiété n’a jamais diminuée ou disparue, elle s’est seulement cachée, métamorphosée.

Depuis que je connais l’existence de ce concept, il me hante, il m’habite mais il m’anime aussi.

Pourquoi ce vent d’espoir au travers de cette forêt obscure?

Parce que mettre un mot sur un ressenti si fort me permet aussi de le pointer du doigt, d’en parler, d’échanger avec d’autres personnes et de me reconnaître à travers ces autres humains.

Dans mon cas, l’écoanxiété s’est manifesté de plusieurs façons, toutes plus espiègles les unes que les autres.

J’ai d’abord adhéré au mouvement zéro déchet qui me paraissait comme la solution à notre société malade. Je me suis enrôlée sans me poser trop de questions dans ce mouvement en tant que consommatrice tout d’abord et bien rapidement en tant qu’agente active de ce mouvement. J’ai eu l’opportunité d’être gérante du premier entrepôt alimentaire zéro déchet au Québec à l’âge de 19 ans. Bien que je fusse fière d’avoir décrochée un poste si bien placé en si peu de temps, j’avais beaucoup de travail et le sentiment d’imposteur me percutait à tous les matins. Toutefois, la charge de responsabilité me gardait occupée et j’étais motivée à l’idée de faire un réel changement.

Durant mon règne, j’ai essayé de réduire le plus possible les déchets qui étaient engendrés par notre compagnie, parce que oui, même s’il s’agit d’une épicerie zéro déchet, nous engendrons des déchets. Un entrepôt zéro déchet ressemble beaucoup à un entrepôt alimentaire grand format, à l’exception que nous faisions affaire avec des petites productrices et/ou artisanes et que les personnes employées ont déjà une conscience écologique développées. Sinon, le système n’est pas bien différent : les farines dans des énormes sacs en papier, les fruits séchés dans des sacs plastiques et des boîtes en carton. La vraie différence, elle se retrouve dans l’esprit allumé et ingénieux des employés.

Les sacs étaient réutilisés pour les poubelles, les boîtes en carton étaient conservées pour les commandes à domicile et d’autres types d’entreposage jusqu’à ce qu’elles ne tiennent plus d’elles-mêmes.

J’étais obsédée à l’idée de réduire nos déchets à zéro; j’en rêvais la nuit. J’ai essayé aussi bien que mal de créer des arrangements entre les fournisseurs et notre entrepôt afin de suivre le concept des consignes, que ce soit pour des pots, des sacs ou des boîtes. Malheureusement, il y a une limite à ce que nous pouvons faire.

Au bout de quelques mois, j’ai frappé un mur mieux connu sous le nom de « capitalisme ».

Je me suis rendu compte que malgré tous les efforts imaginables que je pouvais déployer afin de changer les choses, il faudrait toujours faire du profit, et qui dit profit dit consommation.

En revenant de vacances, la compagnie avait commencé à vendre des produits emballés que les épiceries grandes surface vendaient aussi. La raison était simple : on perdait des clients qui, dans tous les cas, achetaient leur yaourt aux fraises ou leur lait d’avoine emballé au Metro d’à côté.

Déception

Ça ne m’a pas pris beaucoup de temps avant de décider de démissionner. Je me rendais compte que j’étais plus radicale que je pensais l’être. Je ne voyais plus comment naviguer entre une compagnie, un produit dérivé du capitalisme, et mes valeurs. Je prenais tellement à la lettre ce concept appelé zéro déchet, que je ne pouvais pas comprendre qu’il faut parfois faire des compromis pour avancer. J’imagine que c’est ce qu’on appelle la sagesse.

Cependant, je me demande tout de même si une société qui a le désir réel de respecter son environnement peut naviguer au travers du capitalisme.

Ma mission principale n’a jamais été de démanteler ce régime politique et économique, mais à la suite de cette expérience, je ne voyais qu’une option possible.

Il fallait faire tomber ce mur.


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